Elon Musk, un nouvel oracle à Wall Street?

Elon Musk © iStock

En évoquant sur les réseaux sociaux le bitcoin ou la saga du moment à Wall Street, GameStop, Elon Musk s’aventure de plus en plus hors de ses propres entreprises pour s’inscrire dans la lignée de patrons vedettes capables, en quelques mots, d’influencer les marchés.

Sans doute conscient de ce pouvoir -et de ses conséquences judiciaires éventuelles-, le milliardaire a annoncé mardi faire une pause de Twitter. “Plus de twitter, pour un certain temps”, a-t-il twitté sans plus d’explication.

Dimanche, le dirigeant de Tesla et SpaceX a réalisé un coup d’éclat, en interviewant sur Clubhouse -un réseau social accessible uniquement sur invitation- le directeur général du courtier en ligne Robinhood. Ce dernier est sur la sellette pour sa gestion de l’affaire GameStop, une chaîne de magasins de jeux vidéo dont l’action a récemment flambé et fait trembler des fonds spéculatifs.

Après avoir évoqué pêle-mêle la colonisation de Mars, les cryptomonnaies ou l’intelligence artificielle, Elon Musk a échangé avec Vlad Tenev pendant 14 minutes, lui offrant la possibilité de répondre à ses détracteurs.

Robinhood limite en effet depuis plusieurs jours les transactions sur l’action de Gamestop.

Or la chaîne de magasins à la santé financière fragile est soutenue par une armée de petits porteurs en croisade contre des grands fonds de Wall Street misant sur son déclin.

“Crache le morceau. Qu’est-ce qui s’est passé la semaine dernière? Pourquoi les gens ne peuvent pas acheter les actions de GameStop?”, a demandé Elon Musk. “Les gens demandent des réponses et veulent connaître la vérité”.

– Mépris –

Elon Musk est devenu début janvier l’homme le plus riche au monde sur le papier grâce à la flambée boursière de Tesla.

Porté par le succès de ses sociétés Tesla et SpaceX ainsi que par l’intérêt pour les voitures électriques et les fusées qu’elles fabriquent, il est considéré par de nombreux fans comme un visionnaire et sa moindre prise de parole semble avoir des effets sur certains investisseurs.

Quand il a modifié sa mini-description sur Twitter par la simple expression “#bitcoin” vendredi, le cours de la cryptomonnaie a flambé temporairement d’environ 20%.

Des mentions de l’éditeur polonais du jeu vidéo CD Projekt, de la plateforme de commerce en ligne Shopify ou du site spécialisé dans les petits créateurs Etsy, qui a apparemment ravi Elon Musk avec un bonnet tricoté main pour son chien, ont aussi fait grimper leur action.

L’entrepreneur, qui voue un mépris aux investisseurs pariant sur la baisse d’actions, s’est aussi impliqué dans l’affaire GameStop en twittant un lien vers le groupe WallStreetBets sur le forum Reddit, qui a contribué à l’envolée du spécialiste des jeux vidéo en Bourse.

Que le cours de certaines entreprises soit bousculé par des personnages influents n’a rien de nouveau, rappelle Aswath Damodaran, professeur de finance à l’université de New York.

Les commentaires du banquier John Pierpont Morgan il y a plus de 100 ans ou du patron de Chrysler, Lee Iacocca, dans les années 1980 étaient particulièrement surveillés.

Les propos de l’homme d’affaires Warren Buffett sont encore scrutés par de nombreux investisseurs, ce qui lui a valu le surnom “d’oracle d’Omaha”, la ville du Nebraska où il habite.

– “Personnage de marginal” –

“Le fait que Twitter et Clubhouse ont remplacé les médias traditionnels reflète plus l’évolution des médias que des marchés”, estime M. Damodaran.

Elon Musk a toutefois su “se créer un personnage de hors-la-loi, de marginal, qui résonne très bien avec l’entre-soi masculin de la tech”, remarque Christopher Smith, professeur de communication à l’université de Californie du Sud.

Au sein d’un monde médiatique très fragmenté, il maîtrise à merveille les nouvelles technologies pour “susciter l’excitation”, ajoute-t-il.

D’autres patrons comme Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon à qui Elon Musk a récemment dérobé la place d’homme le plus riche au monde, “laissent parler la performance de leurs entreprises”, souligne M. Smith.

Mais Elon Musk est probablement plus “un narcissique à la recherche d’attention, un homme de spectacle”, dit-il à l’AFP. C’est souvent sur son compte personnel qu’est relayée l’actualité de ses entreprises.

Sa présence sur Twitter lui a valu des soucis par le passé.

Le gendarme américain de la Bourse l’a accusé en 2018 d’avoir trompé les investisseurs en évoquant dans un tweet un possible retrait de la Bourse de Tesla. Ce massage l’a forcé à abandonner le poste de président du conseil d’administration.

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