Comprendre les enjeux de la dévaluation du yuan en 6 questions

© Reuters

La Chine a dévalué d’environ 3,5% en deux jours la valeur de sa monnaie face au dollar, la plus forte dépréciation en deux décennies, mais les marchés et les analystes sont divisés sur les motivations de Pékin et sur les conséquences à attendre.

S’AGIT-IL D’UNE DEVALUATION ?

Du point de vue de Pékin, non: la banque centrale chinoise (PBOC) a assuré mardi qu’il s’agissait en fait d’un “ajustement en une fois”, avec un nouveau mode de calcul du taux de référence du yuan “davantage déterminé par le marché”.

Les dépréciations de mardi puis mercredi seraient de simples conséquences de ce nouveau mécanisme.

En réalité, marchés et experts ont d’emblée considéré la décision de la PBOC comme une évidente dévaluation. “Mais bien sûr, la banque centrale a évité le mot, étant donné la sensibilité autour des +guerres des devises+” commentait Capital Economics.

POURQUOI PEKIN AGIT-IL MAINTENANT ?

La PBOC a insisté sur sa volonté d’accorder une flexibilité accrue au renminbi (autre nom du yuan) pour que son niveau reflète davantage les réalités du marché.

La Chine pourrait espérer ainsi renforcer ses chances de voir sa monnaie inclue dans les Droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international (FMI).

Le Fonds, qui doit se prononcer en novembre, avait prévenu que le yuan devait être soumis aux fluctuations du marché et “librement utilisable”.

Mais nombre d’observateurs et d’investisseurs ont surtout vu la dévaluation comme un puissant effort de Pékin pour revigorer ses exportations (qui ont plongé de 8,3% sur un an en juillet) et relancer une activité économique en plein ralentissement.

COMMENT FONCTIONNENT LES MECANISMES DE CHANGE CHINOIS ?

La convertibilité du renminbi reste étroitement encadrée par Pékin, qui redoute des fuites incontrôlées de capitaux.

L’opérateur du marché des changes local et la PBOC sondent quotidiennement un panel d’acteurs de marché, avant de publier chaque matin un taux de référence du yuan face au dollar.

Le yuan est autorisé à fluctuer de 2% de part et d’autre de ce taux-pivot durant les échanges, une fourchette élargie par les autorités en mars 2014.

La PBOC tenait habituellement peu compte du niveau de clôture atteint la veille. Sur les quatre derniers mois, le renminbi avait oscillé dans une fourchette d’à peine 0,4%, malgré des pressions à la baisse.

Désormais, le taux-pivot reflétera la clôture de la veille, l’offre et la demande sur le marché et les fluctuations des grandes devises étrangères, assure la PBOC.

QUELS SERONT LES EFFETS DE CETTE DEVALUATION ?

Elle est à double tranchant pour la Chine: c’est un coup de pouce bienvenu aux exportateurs, dont les produits seront plus attractifs, mais cela gonflera les dettes en dollars des entreprises chinoises.

L’inflation dans le pays risque par ailleurs de grimper, avec le renchérissement du coût des importations, libellées en devises étrangères.

Les flux de capitaux hors du pays, de la part d’investisseurs inquiets de voir fondre la valeur de leurs actifs, pourraient également s’accélérer.

Selon Tom Orlik, du cabinet Bloomberg Intelligence, une dépréciation de 1% du taux de change réel du renminbi pourrait doper de 1 point de pourcentage la croissance des exportations chinoises, mais faire s’envoler l’équivalent de 40 milliards de dollars de capitaux.

Pour le reste du monde, les analystes sont partagés. Pour certains, le danger de voir des dévaluations en représailles de la part d’autres économies émergentes, désireuses de défendre leur compétitivité, est réel.

Aux Etats-Unis, dont les exportations risquent d’être pénalisées, la Réserve fédérale (Fed) pourrait retarder encore davantage la remontée de ses taux d’intérêt.

COMMENT LES MARCHES FINANCIERS ONT-ILS REAGI?

L’annonce soudaine de la PBOC et l’ampleur de la dévaluation ont pris les marchés par surprise, troublant la torpeur estivale et ravivant les inquiétudes sur la santé de l’économie du géant asiatique.

Les grandes Bourses mondiales ont durement trébuché mardi avant de replonger mercredi, tout comme les marchés de matières premières –sur fond de craintes quant à la demande chinoise–, tandis que le dollar se renforçait.

OU VA LE YUAN ?

La plupart des analystes s’attendent à voir le yuan continuer de s’affaiblir, étant donné la morosité de la conjoncture chinoise, mais de façon graduelle. SG Global Economics anticipe un repli potentiel de 5% face au dollar sur les 12 prochains mois.

Certains experts pensent au contraire que le yuan pourrait remonter, estimant que Pékin interviendra sur le marché pour éviter les perturbations dues à une glissade trop sévère.

De fait, mercredi juste avant la fin des échanges, le yuan a enregistré un vigoureux sursaut, provoqué selon Bloomberg par d’importants achats de dollars par la PBOC.

Avec l’AFP

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