Trends Tendances

Comprendre l’ère du ‘féodalisme de l’argent’, du ‘socialisme pour les riches’

“Moi, le pognon, ça m’émeut.” La phrase du regretté Michel Audiard a fait sourire des millions de cinéphiles même si je vous l’accorde, elle n’est pas d’un raffinement intellectuel monstre ! En matière de raffinement, et d’argent, il faudra plutôt lire le dernier livre du philosophe Pascal Bruckner, intitulé “la sagesse de l’argent”, aux éditions Grasset.

Pascal Bruckner y parle d’argent sous l’angle de la théologie, de la géographie ou de la philosophie. C’est vivifiant, car intelligent. À la question de savoir par exemple si les bonus et salaires mirobolants des patrons des grandes sociétés cotées en Bourse sont justifiés ou pas, voici ce que Bruckner répond à nos confrères du Figaro qui l’ont interrogé à l’occasion de la sortie de son livre. “C’est toujours au nom du libéralisme qu’on justifie les salaires mirobolants: mais on est là dans un féodalisme de l’argent. Les bons résultats devraient être, à eux-mêmes, leur propre récompense. D’autant que le succès est toujours le fruit d’un travail collectif. La nouvelle aristocratie de l’argent invoque l’esprit de concurrence, mais instaure en fait un socialisme pour les riches”.

Pourquoi gagner de l’argent est encore mal vu dans nos pays

Quant à la question de savoir pourquoi, dans nos pays, gagner de l’argent est-il encore mal vu, il répond que l’argent repose chez nous sur plusieurs piliers, dont le catholicisme. “Il faut choisir entre Dieu et Mammon. L’argent est le principal concurrent de Dieu sur terre, ce que prouve la condamnation du veau d’or et de l’usure”.

Et Pascal Bruckner ne limite pas ce malaise au catholicisme, il rappelle aussi aux lecteurs du Figaro que de grands écrivains comme Péguy, Bloy et Bernanos ont écrit des pamphlets terribles conte l’argent, comme ce bout de texte de Bernanos: “ce qui me dégoûte, écrit-il, c’est ce que vous souhaitez tous (…) que vous appelez d’un mot ignoble: l’aisance (…). Voilà précisément où je voulais en venir: on est à l’aise que sur son pot”.

C’est donc avec ce passé chargé que la bourgeoisie actuelle vit, et c’est la raison pour laquelle explique Pascal Bruckner, aujourd’hui encore, elle peut avoir l’argent honteux.

C’est ce qu’a compris quelqu’un comme François Hollande, quand en pleine campagne électorale présidentielle, il dit lors d’un meeting que son ennemi, c’est la finance, autrement dit le veau d’or des temps modernes. C’est très habile de sa part, dit Pascal Bruckner, car il rencontre la psychologie des Français – ou des Belges – mais Hollande, en homme de gauche, aurait dû plutôt dire: “je hais la pauvreté qui dégrade les hommes”. Mais comme le fait remarquer Pascal Bruckner au Figaro, “il est plus facile de maudire les riches que d’arracher les déshérités au besoin.” Et il a raison de préciser que “c’est là tout la paradoxe: pour pouvoir mépriser l’argent, il faut en avoir un peu. C’est quand il manque qu’il règne en maître de nos vies.”

J’espère que ces extraits vous ont donné envie de lire ce livre sur l’argent de Pascal Bruckner. Après tout, qu’on le veuille ou non, cela reste l’un des principaux sujets de conversation.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content