Merz plaide pour une bourse européenne unique : pourquoi ce serait judicieux, mais difficile…

Le chancelier allemand Friedrich Merz. . REUTERS/Liesa Johannssen/File Photo © REUTERS
Charly Pohu

Le chancelier allemand plaide pour une grande bourse européenne qui regroupe tout le continent. Il avance sur cette voie avec la France. Pour les investisseurs particuliers, il y aurait énormément d’avantages, par rapport à la situation actuelle. Voici ce qui changerait, en mieux, et les difficultés pour y parvenir.

L’idée n’est pas nouvelle. Mais le chancelier allemand Friedrich Merz a jeté un nouveau pavé dans la mare, ce jeudi. Il faut une grande, seule et unique bourse pour toute l’Europe, plaide le conservateur.

“Nous avons besoin d’une sorte de bourse européenne afin que les entreprises prospères, telles que les sociétés biotechnologiques allemandes, n’aient pas à se tourner vers la Bourse de New York”, lança-t-il devant les députés, au Bundestag. “Nos entreprises ont besoin d’un marché des capitaux suffisamment large et profond pour pouvoir se financer mieux et, surtout, plus rapidement.”

Union des capitaux

L’UE plaide depuis longue date pour l’Union des marchés de capitaux (CMU). L’Allemagne a d’ailleurs récemment pris des mesures pour augmenter la collaboration avec la France sur ce point. Notamment concernant l’aspect d’un gendarme boursier européen, contre lequel le pays freinait jusque-là des quatre fers.

Bref, les choses commencent à avancer petit à petit. Et quand les deux premières économies du bloc avancent ensemble, les autres suivent souvent.

Mais regardons donc cela sous le point de vue des investisseurs particuliers. Qu’est-ce qu’une bourse européenne unique changerait ?

Les avantages

La réponse simple est : tout, et c’est un grand avantage. Car il faut savoir qu’il existe aujourd’hui plusieurs bourses différentes en Europe. De notre côté, Euronext. Ce marché regroupe Bruxelles, Paris, Milan, Amsterdam, Dublin, Lisbonne et Oslo. Il y a donc une grande interconnexion : il est très simple pour un investisseur belge d’acheter des actions françaises, néerlandaises et italiennes. Irlandaises, portugaises et norvégiennes aussi, mais ce sont des marchés moins connus par les Belges; donc les courtiers locaux n’en proposent pas toutes les actions. Euronext est d’ailleurs en pourparlers pour racheter la Bourse d’Athènes.

L’autre grande acteur boursier en Europe, c’est la Deutsche Börse, d’Allemagne (et son système Xetra). Mais il y en a d’autres : Bolsas y Mercados Españoles en à Madrid, autre grande économie. Dans les pays nordiques (Islande, Danemark, Suède et Finlande), c’est le Nasdaq qui gère la bourse. La Pologne, qui profite d’un momentum en bourse, a son propre marché. Etc.

Beaucoup de marchés différents, donc. Et en tant qu’investisseur, il n’est pas toujours facile d’accéder à ces différents marchés. Tous ne sont pas disponibles chez un courtier belge (et vice-versa) et on peut passer à côté de belles pépites. Il y a aussi des frais différents par marché, selon le courtier, un autre frein important.

Conclusion : en termes d’accessibilité, une bourse unique serait un grand plus. Pour les investisseurs, mais aussi pour les entreprises qui veulent lever des fonds auprès de leurs co-continentaux. L’absence de ce grand marché de capitaux est aujourd’hui une raison qui pousse des pépites européennes à aller se faire coter à Wall Street.

Dans l’autre sens, pour les investisseurs non-européens, une place boursière unique serait beaucoup plus simple pour investir en Europe.

Les difficultés

La réponse plus complexe est qu’il y a beaucoup d’avantages, mais aussi beaucoup de difficultés à résoudre.

Le premier, ce sont les devises. Tous les pays européens n’ont pas adopté l’euro, donc acheter des actions dans une autre devise peut être un frein pour les investisseurs, à cause de frais supplémentaires. et risques de dépréciations monétaires. Mais sur ce marché unique, on pourrait alors facilement travailler avec une double cotation. Voire, pour faire encore plus simple, avec des actions tokenisées pour les pays utilisant d’autres devises que le titre en question.

Autre problème : les taxes. Et surtout ; la double imposition. Un investisseur belge qui détient des actions françaises ou autres voit ses dividendes être taxés deux fois. Une fois à Paris ou ailleurs, et une deuxième fois en Belgique. Alors, il y a des mécanismes pour appliquer un taux français réduit à ces Belges et des possibilités de déduire cette taxe payée des impôts. Mais cela reste une gymnastique administrative fastidieuse. C’est également un frein à l’investissement.

Les pistes

Ce grand marché européen devrait donc trouver la parade, et par exemple créer une taxe unique, prélevée par une autorité européenne, qui le distribue ensuite entre les pays concernés. Pareil pour d’autres taxes, plus spécifiques par pays. Pour convaincre les Européens à investir davantage, il faut de la clarté et de la simplicité.

Un autre souci est une culture différente selon les pays. C’est vrai aussi pour l’investissement. Mais c’est une opportunité : si toutes ces frontières tombent, les Européens deviendront plus curieux sur comment s’y prennent leurs voisins.

Puis une fois que tout est en place, il ne restera plus qu’à trouver un moyen de tendre la main aux Suisses et aux Britanniques ou autres pays non-UE. Des accès à ce marché pourraient être mutuellement bénéfiques.

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