Stefan Willems, expert du Trends Invest Challenge : “L’analyse technique est une aide contre soi-même”

Stefan Willems. Bourse de Bruxelles (Photo by NICOLAS MAETERLINCK/Belga/AFP via Getty Images)

L’analyse technique jouit d’une réputation quelque peu douteuse dans les milieux financiers flamands, mais pas que. La plupart des investisseurs se concentrent en permanence sur l’étude des rapports trimestriels, des résultats annuels et des interviews des PDG des entreprises dans lesquelles ils investissent. L’accent est mis sur l’entreprise et non sur l’action. Mais quels peuvent être les bienfaits de l’analyse technique ?  Par Stefan Willems.

Les analystes techniques, au lieu de passer des heures à faire de l’analyse fondamentale, étudient jour après jour les fluctuations des cours, les volumes de transactions, le comportement du marché et les tendances graphiques passées. L’idée sous-jacente ? En étudiant les tendances passées, on peut se faire une idée de l’avenir. L’analyse technique donne en effet un aperçu de la psychologie des investisseurs. Cela permet de faire des prévisions pour l’avenir à partir des modèles de prix et de volumes passés.

Je laisse à d’autres le soin de débattre de l’efficacité ou non de l’analyse technique. Outre l’analyse fondamentale, j’utilise depuis plus de dix ans l’analyse technique pour déterminer mes niveaux d’entrée et de sortie. Et cela m’a déjà valu plusieurs succès. Pour moi, la base reste l’analyse fondamentale (qui consiste à examiner une entreprise en détail). Elle est complétée par l’analyse économique (à quel stade du cycle économique nous trouvons-nous ?). Je considère donc l’analyse technique comme un outil permettant de déterminer les points d’entrée et de sortir d’une action alors que je ne souhaite pas vraiment vendre.

L’analyse fondamentale n’est pas le Saint Graal de l’investissement

Vous pouvez avoir dans votre portefeuille l’action fondamentalement la plus solide qui soit, mais la question est de savoir si vous pouvez aussi gagner de l’argent avec. Si la tendance n’est pas favorable, l’action peut rester sans valeur pendant des années. Ainsi, depuis 2011, j’écris que l’action de l’entreprise de construction belge Moury Construct est fortement sous-évaluée. En 2011, 75% de la valeur boursière étaient constitués de liquidités. Les marges bénéficiaires étaient deux fois plus élevées que dans le secteur. Comme la moitié du chiffre d’affaires provenait du secteur public, le profil de sécurité était meilleur que celui d’autres entreprises de construction cycliques. Et cela alors que vous receviez à l’époque un dividende de plus de 5% par an.

Le gain sur le cours, hors dividendes, entre 2011 et septembre 2020 ? À peine 20%. Il aurait dû être beaucoup plus élevé, au vu des fondamentaux. Il n’y avait en effet aucun catalyseur. La direction a tout fait pour dissimuler la valeur de l’entreprise et surtout pour ne pas trop la promouvoir. En tant qu’investisseur, vous vous retrouvez alors avec de l’argent immobilisé pendant près d’une décennie. Ce n’est qu’à partir de 2019 que l’action a commencé à bouger, donnant aux analystes techniques les premiers signes leur permettant d’investir avec conviction. Ceux qui avaient repéré cette percée ont vu leur action quadrupler depuis.

Acheter des actions “attractives” sur le plan fondamental

Un péché encore plus grand que de rester investi dans de l’argent mort ? C’est lorsque vous entrez dans une action qui est devenue fondamentalement attractive après une baisse. Et que vous l’achetez dans une tendance négative. Car n’oubliez pas : ce qui est bon marché aujourd’hui après une baisse de 40% peut encore baisser de 50% ou plus à partir de ce « moment d’achat attractif ».

Novo Nordisk en est un bon exemple, cette année. L’action était la plus grande entreprise européenne en termes de valeur boursière, avec un cours atteignant environ 1.000 couronnes danoises par action. Début janvier, les analystes se sont précipités pour acheter Novo Nordisk, après une baisse de 40% depuis l’été 2024. Ce que de nombreux analystes ont complètement ignoré, c’est que depuis ce sommet, les volumes de négociation de Novo Nordisk ont continué à augmenter chaque mois. Mai la tendance était négative. Le mouvement baissier continuait à s’amplifier et ne montrait aucun signe d’essoufflement. Au lieu d’attendre des signaux techniques justifiant une entrée sur le marché (tous les signaux indiquaient qu’une phase de consolidation était d’abord nécessaire), ces investisseurs ont mis en avant le solide pipeline de Novo Nordisk et son statut de leader dans le segment du diabète et de l’obésité. 11 mois plus tard, l’action a perdu 50% par rapport à ce « prix d’achat attractif » de l’époque.

Un premier signal encourageant est récemment apparu, qui pourrait indiquer un début de reprise. Mais il faut alors tenir compte des volumes de négociation et de l’évolution des cours, et non seulement des fondamentaux.

Prédire les émotions

Le monde a peut-être changé depuis 50 ans, mais une chose reste inchangée : les émotions humaines. Dans l’analyse technique, on observe souvent l’apparition de zones de soutien (niveaux de cours où il y a plus d’acheteurs sur le marché qu’auparavant) et de zones de résistance (où les investisseurs ont tendance à vendre). On peut prédire à l’avance que les investisseurs y réagiront de manière émotionnelle ou mécanique. Les systèmes de trading modernes sont formés à ces émotions et renforcent encore cet effet. Cela confère donc à ces niveaux une certaine valeur prédictive.

L’analyse technique dit donc souvent le contraire de l’analyse fondamentale. Achetez des actions qui suivent une tendance positive et qui sont en hausse. N’achetez pas d’actions qui ont fortement chuté. Vous pouvez acheter ces actions, mais attendez qu’elles se soient stabilisées pendant une période prolongée et que la tendance redevienne positive. En effet, plusieurs études universitaires montrent que les actions qui ont enregistré des rendements élevés au cours des 3 à 12 derniers mois ont tendance à continuer à mieux performer que les autres dans la période suivante. Les gagnants continuent à gagner et les perdants continuent à perdre à court terme. C’est précisément cet effet que les analystes techniques et les investisseurs qui suivent les tendances tentent d’exploiter.

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