Quelles sont les tendances de l’investissement dans l’or auprès des ultra-riches ? De nouvelles dynamiques émergent, notamment dans l’endroit où ils stockent leur or et dans la manière dont ils le détiennent.
L’or, cette valeur refuge en temps incertains. Le métal jaune prouve encore qu’il n’a pas volé ce statut – avec toute l’incertitude géopolitique et économique que le monde traverse, le prix de l’or atteint des sommets et a fortement rallié. Encore à 1.633 dollars en octobre 2022, il affiche désormais un prix de 3.320 dollars.
Mais investir dans l’or n’a rien d’évident. Or physique ou “papier” ? Où et comment stocker ses lingots ou ses barres ? La manière dont les ultra-riches gèrent leurs investissements en or peut offrir quelques pistes de réflexion. D’autant qu’ils semblent être en train de profondément la modifier, en cette première moitié de l’année.
Singapour
La nouvelle destination privilégiée pour stocker son or semble être Singapour. La société singapourienne The Reserve, spécialisée dans les coffres-forts pour métaux précieux et la vente de lingots, observe un net engouement de la part des investisseurs internationaux. Entre le début de l’année et avril, les dépôts d’or y ont augmenté de 88 % par rapport à la même période en 2024. L’entreprise conserve désormais des lingots représentant un total de 1,5 milliard de dollars. Ses ventes d’or ont, elles, bondi de 200 %, selon CNBC.
« Beaucoup de clients très fortunés s’inquiètent des droits de douane, des bouleversements mondiaux et des risques d’instabilité géopolitique », explique le CEO, Gregor Gregersen. « L’idée de placer du métal physique dans une juridiction sûre comme Singapour, avec des partenaires de confiance, devient une tendance majeure. »
Le retour en politique de Donald Trump, ses revirements en matière économique et commerciale, ainsi que ses projets fiscaux ciblant à la fois les riches Américains et les investisseurs étrangers, alimentent une défiance croissante envers les États-Unis. Ceux qui y stockaient leur or s’interrogent désormais et préfèrent transférer leurs avoirs vers d’autres territoires jugés plus sûrs.
Et c’est là que Singapour tire son épingle du jeu. Cette cité-État, déjà bien établie comme place financière de premier plan et carrefour du commerce mondial, jouit d’une réputation de stabilité politique et économique.
« Singapour est un hub de transit. Or, pour tout lieu qui joue ce rôle, il est logique d’y trouver des coffres-forts », souligne Jeremy Savory, fondateur de la société de conseil Millionaire Migrant, spécialisée dans l’accompagnement des ultra-riches. « Vous pouvez y effectuer vos opérations bancaires, y stocker votre or, et surtout, y avoir accès facilement. C’est là que la Suisse perd du terrain. Dubaï, de son côté, exige probablement plus de documentation, ce qui rebute certains profils. »
Or physique… ou papier ?
Cela illustre une tendance de fond : investir dans l’or suppose une certaine mobilité. Qu’on le stocke à proximité ou à l’étranger, les lingots doivent pouvoir être acheminés vers un coffre-fort après l’achat, ou déplacés entre deux lieux de stockage ou de vente. Cela engendre des coûts logistiques, du temps… et donc une pression potentielle sur le rendement.
C’est pourquoi certains investisseurs préfèrent l’or « papier » : des produits financiers comme les ETC (Exchange-Traded Commodities), des certificats négociés en bourse qui suivent en temps réel le cours de l’or. Ils peuvent être achetés ou revendus instantanément sur les plateformes de trading, comme des actions classiques.
Mais cette forme d’investissement n’est pas sans risques, notamment celui de contrepartie : si l’institution émettrice ne remplit pas ses obligations, l’investisseur peut perdre tout ou partie de sa mise. La crise bancaire de 2023, marquée par les faillites de Silicon Valley Bank et de Credit Suisse, a servi d’avertissement. De nombreux ultra-riches ont depuis préféré revenir à la détention directe de lingots, selon le cabinet MKS Pamp, spécialisé dans les métaux précieux.
Dans ce contexte, les entreprises de coffres-forts gagnent en popularité auprès des investisseurs aisés — souvent au détriment des banques.