Retour des travaillistes au pouvoir : le bon moment pour la Bourse de Londres ?

Keir Starmer compte relancer l’économie britannique grâce à une série de réformes. © Getty Images

Après huit années de purgatoire, les actions britanniques pourraient enfin rebondir. Tous les secteurs ne sont toutefois pas logés à la même enseigne sous la nouvelle majorité travailliste.

Dans le grand concert électoral de cette année, les législatives britanniques sont quasiment passées inaperçues tant le verdict était attendu. Après 14 années au pouvoir, les conservateurs ont été terrassés par les travaillistes (Labour), repositionnés sur une ligne de centre-gauche depuis le départ de Jeremy Corbyn.

Pas de retour dans l’UE

Largement anticipée, l’élection de Keir Starmer au 10 Downing Street ouvre une nouvelle page de la politique britannique après une période de chaos. Depuis la victoire surprise du Brexit au référendum de 2016, les couacs se sont en effet enchaînés, allant du départ forcé de Boris Johnson au mandat éclair (49 jours) de Liz Truss.


Economiquement, les promesses des Brexiters ne se sont jamais concrétisées. Au contraire, le Royaume-Uni a cassé net sa dynamique de croissance autrefois supérieure à la moyenne européenne. Selon les données de Bloomberg, son produit intérieur brut (PIB) n’a progressé ainsi que de 6% (hors inflation) depuis 2016 contre 24% pour les 27 pays de l’Union européenne (UE).


Les libéraux-démocrates, la troisième force au Parlement britannique avec 72 sièges sur 650, avaient même fait campagne sur une ré-accession à l’UE. Une démarche que Keir Starmer ne semble pas prêt à entreprendre, malgré le soutien de l’électorat travailliste, ayant estimé que le Royaume-Uni ne rejoindrait pas l’Union de son vivant.

Parti de la création de richesses

Le nouveau Premier ministre britannique souhaite toutefois améliorer les relations avec Bruxelles et renégocier les accords signés après le Brexit afin de faciliter les échanges commerciaux et la circulation des personnes.


Même s’il ne faut pas (encore) attendre de changement de cap complet, cela devrait contribuer à réduire la pression sur l’économie britannique, malmenée par une faible croissance et une inflation de base tenace.


Relancer l’économie est même la priorité numéro un de Keir Starmer, qui veut faire du Labour le “parti de la création de richesses”. Il s’est ainsi fixé un objectif ambitieux, visant une croissance annuelle d’environ 2,5%, comme “sous le dernier gouvernement travailliste”.

Un autre soutien pour la Bourse de Londres est la vague de fusions et acquisitions, comme le rachat producteur britannique de boissons gazeuses Britvic par Carlsberg. © REUTERS


Un objectif que les économistes jugent irréaliste dans l’environnement actuel. Mais, après une longue période de croissance poussive, le potentiel de reprise est réel. Dan Hanson et Ana Andrade de Bloomberg Economics estiment ainsi qu’avec des politiques adaptées, le taux de croissance pourrait atteindre jusqu’à 2% sur la période 2024-2027, largement mieux que le chiffre de 1,2% attendu en moyenne avant les élections.


Concrètement, Keir Starmer compte relancer l’économie britannique grâce à une série de réformes visant à stimuler la construction de logements et développer les infrastructures, tout en lançant une entreprise publique des énergies propres, GB Energy, afin d’accélérer la transition vers la neutralité carbone. Il prévoit également de développer une stratégie industrielle afin de faciliter les projets et le lancement d’un fonds public d’investissement dans les infrastructures et les technologies vertes.

Retour à la stabilité

Pour financer ces politiques dans un contexte budgétaire déjà tendu (déficit public de 6% en 2023), le nouveau Premier ministre compte sur la croissance pour redresser les finances publiques. Ce qui n’est pas sans rappeler le budget de Liz Truss, qui tablait sur une forte reprise économique pour financer ses réductions d’impôts. Face aux tensions apparues sur les marchés, elle avait été forcée de faire marche arrière et de démissionner.


Pour le think tank Institute for Fiscal Studies et bien d’autres économistes, le programme de Keir Starmer n’est ainsi guère réaliste et le Premier ministre devra faire des choix. Ce qui n’inquiète pas les stratégistes qui se satisfont de la perspective d’une plus grande stabilité après huit années chahutées entre Brexit, revirements politiques et forte volatilité de la livre.

Marché le plus détesté

Les grands gestionnaires d’actifs sous-pondèrent ainsi les actions britanniques depuis juillet 2021, selon le sondage mensuel de Bank of America. Une amélioration se dessine toutefois depuis quelques mois, la Bourse de Londres étant passée de marché le plus sous-pondéré dans le monde à la 16e place sur 19. Ce qui n’a pas empêché les fonds d’actions britanniques de connaître un 36e mois consécutif de retraits de capitaux en juin selon les données de Calastone. Une série noire qui pourrait s’arrêter prochainement alors que les avis positifs commencent à bourgeonner depuis les élections. “Nous surpondérons désormais le marché des actions britanniques”, a ainsi déclaré Wei Li, responsable de la stratégie d’investissement de BlackRock, le premier gestionnaire d’actifs mondial. “La valorisation est attrayante – comme depuis un certain temps – mais nous avons maintenant un catalyseur de stabilité politique qui pourrait agir comme un déclencheur.”


Les stratégistes de Goldman Sachs soulignent pour leur part que tous les secteurs britanniques affichent une décote plus importante que la normale par rapport à leurs homologues américains, alors que les sociétés de matières premières et les banques ont annoncé des niveaux exceptionnels de dividendes et de rachats d’actions.

Décote allant jusqu’à 47%

En chiffres, l’indice MSCI UK des grandes entreprises britanniques cote 11 fois les bénéfices prévus, contre un rapport de 21 pour le MSCI Etats-Unis et 13 pour le MSCI Europe. Ce qui fait ressortir une décote allant de 15% à 47% alors même que le Royaume-Uni semble aujourd’hui pouvoir redevenir un repère de stabilité dans un environnement politique dégradé dans l’UE et sous haute tension aux Etats-Unis avant les élections de novembre.


Sur le plan monétaire également, la situation pourrait se décanter outre-Manche comme l’expliquent ainsi les spécialistes de Columbia Threadneedle. Récemment, “l’inflation a diminué assez rapidement, atteignant l’objectif (de la Banque d’Angleterre, ndlr) de 2 % en mai. Ce qui a ravivé les espoirs d’une baisse des taux en août, d’autant plus que le nouveau gouvernement ne devrait pas introduire de baisses d’impôts ou de cotisations sociales significatives, compte tenu de l’important déficit budgétaire du Royaume-Uni et du niveau élevé de la dette publique”.


Ce qui est de bon augure pour “les actions britanniques dont les performances sont historiquement fortement corrélées aux baisses de taux”.


Un autre soutien pour la Bourse de Londres est la vague de fusions et acquisitions avec 21 opérations annoncées au deuxième trimestre, comme le rachat du producteur britannique de boissons gazeuses Britvic par Carlsberg. Ce qui positionne le Royaume-Uni loin devant les autres marchés européens.


En outre, les entreprises britanniques représentent plus de 60% des noms mentionnés au moins deux fois comme étant les cibles les plus probables de fusions ou acquisitions, selon une enquête informelle réalisée par Bloomberg auprès de spécialistes financiers européens. Parmi les entreprises les plus citées, épinglons notamment Deliveroo, la chaîne de magasins d’électronique Currys et le spécialiste de l’ingénierie Dowlais Group.

Sélection d’ETF

Le choix le plus simple pour miser sur la Bourse de Londres est d’opter pour un ETF sur un indice de référence. Citons notamment l’iShares MSCI United Kingdom (ticker CSUK ; Euronext Milan ; frais annuels de 0,33%) ou l’Amundi FTSE (Footsie) 100 (ticker L100 ; Euronext Paris ; frais annuels de 0,14%). Ces deux ETF présentent des caractéristiques assez proches, dépendant avant tout des grandes entreprises. Ces dernières profiteraient évidemment d’un repositionnement des investisseurs sur la Bourse de Londres, mais moins d’une reprise de l’économie britannique étant donné qu’il s’agit essentiellement de multinationales.


L’indice de référence FTSE 250 des petites et moyennes capitalisations est plus exposé aux entreprises domestiques, notamment dans le secteur de la vente au détail ou de la construction. Toutefois, cette exposition à l’économie britannique est brouillée par la présence de 75 trusts (fonds d’investissement). L’ETF Amundi Prime UK mid and small cap (ticker PRUK ; Bourse de Londres ; frais annuels de 0,05%) est ainsi plus adapté. Il réplique l’indice Solactive UK Mid & Small Cap ex Investment Trust, une sélection élargie de 150 valeurs du FTSE 250 hors trusts.

Grand écart sectoriel

Pour une approche plus dynamique, vous pouvez également cibler les entreprises qui devraient le plus profiter de la politique attendue de Keir Starmer. Le secteur le plus souvent cité est de loin celui de la construction alors que le gouvernement veut lever les obstacles qui ont fait chuter le nombre de logements neufs de 29% en trois ans. La reprise devrait bénéficier aux constructeurs de logements comme Vistry, leader des quartiers abordables, Bellway ou MJ Gleeson. Les distributeurs d’équipements et de matériaux comme Travis Perkins ou Dunelm sont aussi bien positionnés.


Le ralentissement de l’inflation et la baisse des factures énergétiques, combinés aux hausses de salaire et baisses d’impôts passées, devraient soutenir la consommation selon les analystes d’UBS. Ce qui profiterait à des entreprises telles que les compagnies aériennes (Easyjet, IAG), les bars et restaurants (Whitbread, Mitchells & Butlers, Wetherspoon), les services de divertissement (SSP Group, Carnival) et les détaillants (Tesco, Sainsbury’s).


Le secteur des services aux collectivités est plutôt à éviter alors que Keir Starmer veut renforcer la présence de l’Etat dans le secteur énergétique et compte renforcer les amendes envers les compagnies des eaux ne respectant pas leurs obligations (environnementales).

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