Qu’est-ce que le “debasement trade” et faut-il céder à cette vague boursière ?

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Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le debasement trade, littéralement “le pari de la dépréciation des monnaies”, fait son grand retour sur les marchés, propulsant les matières premières comme l’or vers de nouveaux sommets. Mais que recouvre exactement ce concept, et comment le traduire en stratégie d’investissement ?

L’or flambe, l’argent s’envole… Derrière cette ruée des investisseurs sur les matières premières se cache le retour en force, depuis quelques semaines, du debasement trade. Autrement dit, “le pari de la dépréciation monétaire”. Un pari qui est actuellement sur toutes les lèvres dans les cercles d’investisseurs et qui consiste à se positionner sur des actifs réels susceptibles de conserver, voire d’accroître, leur valeur à mesure que les monnaies fiduciaires, comme le dollar par exemple, perdent de leur valeur.

Fuite vers les actifs “non diluables”

Face à des dettes publiques record et à une inflation toujours présente, les investisseurs renouent en effet avec un vieux réflexe : se réfugier dans les actifs qui ne se déprécient pas au fil du temps. Comme l’explique John Plassard, analyste chez Cité Gestion, le debasement trade devient ainsi à la fois une couverture contre la dette et une anticipation de la baisse du rendement réel des obligations. “Il ne s’agit pas de se protéger d’un krach, mais d’une lente érosion, constante. C’est un réflexe historique du capital : quand la promesse se déprécie, on revient à la matière – comme on l’avait observé durant la crise du Covid, par exemple.”

En d’autres termes, il s’agit d’une fuite vers les actifs tangibles – or, argent, matières premières, immobilier, voire cryptomonnaies – à mesure que les monnaies fiduciaires s’affaiblissent. “Cette dynamique n’est pas purement spéculative, poursuit John Plassard. Elle traduit un changement de perception du risque monétaire. Lorsque les États financent leurs déficits par la dette, et que les banques centrales maintiennent artificiellement les taux, la monnaie devient elle-même une variable d’ajustement. C’est dans ces moments que les investisseurs cherchent des actifs “non diluables”, capables de préserver leur valeur intrinsèque”, complète l’expert de Cité Gestion.

Une longue histoire

Le phénomène n’est donc pas nouveau. Les épisodes de debasement trade ne sont pas nouveaux. Ils jalonnent toute l’histoire financière moderne, rappelle l’analyste suisse. “Dans les années 1970, l’abandon de l’étalon – or a entraîné une ruée vers les métaux précieux, alors perçus comme les seuls garants d’une valeur stable, rappelle John Plassard. En 2008, après la crise financière, les politiques d’assouplissement quantitatif ont déclenché un mouvement similaire : chute du dollar, flambée des matières premières et explosion du prix de l’or. Le phénomène s’est répété après 2020, lorsque la création monétaire mondiale a atteint un rythme sans précédent, se souvient encore l’analyste qui ajoute : “La logique du debasement trade traduit la peur d’un déséquilibre entre richesse réelle et masse monétaire, entre croissance et dette. Les investisseurs comprennent que lorsque la monnaie n’est plus rare, elle perd sa fonction de réserve de valeur.”

Battre le temps

Le retour du debasement trade n’est donc pas un hasard, mais la conséquence logique des déséquilibres économiques actuels. La dette publique américaine atteint des sommets historiques, tandis que les déficits européens continuent de se creuser. La croissance reste fragile, mais les gouvernements dépensent sans véritable contrainte, alimentant peu à peu un sentiment d’insoutenabilité budgétaire. Dans le même temps, l’inflation persiste et les taux d’intérêt réels peinent à redevenir positifs.

Dans ces conditions, le debasement trade n’apparaît plus comme une simple spéculation, mais effectivement comme une adaptation rationnelle à la nouvelle réalité monétaire. “Un monde dans lequel les investisseurs les plus lucides ne cherchent pas à battre le marché, mais à battre le temps”, conclut John Plassard préconisant pour protéger son portefeuille face au debasement trade actuel de renforcer ses positions sur les actifs tangibles (or, argent, matières premières industrielles), tout en opérant une diversification géographique vers les zones à faible dette et fortes ressources.

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