Les croisiéristes ont le vent en poupe

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Après une traversée du désert pendant la crise sanitaire, les croisiéristes sont parvenus à redresser la barre. Embarquons à bord de Carnival, de Royal Caribbean et de Norwegian Cruise Line, trois acteurs cotés ayant chacun leurs spécificités.

Les trois principaux croisiéristes cotés en Bourse, Carnival, Royal Caribbean et Norwegian Cruise Line, ont perdu plus de 70% de leur valeur boursière en 2020, année au cours de laquelle la crise sanitaire a éclaté. Depuis peu, ils sont parvenus à redresser la barre. Les Américains fortunés, très friands de ce mode de voyage luxueux, en ont dopé la demande et les réservations affluent; la saison 2024 s’annonce déjà sous les meilleurs auspices.

Ces derniers mois, les croisiéristes ont figuré parmi les fleurons du marché boursier. L’action de Norwegian Cruise a gagné 82% sur un an, celle de Royal Caribbean, pas moins de 185%. Quant à la capitalisation boursière de Carnival, elle a augmenté de 92% en 12 mois.

Carnival, premier acteur mondial

Premier croisiériste mondial, avec plus de 90 navires, le groupe Carnival englobe les sociétés Carnival Cruise Line, Princess Cruises, Holland America Line, Seabourn, P&O Cruises (Australie), Costa Cruises, AIDA Cruises, P&O Cruises (Royaume-Uni) et Cunard. Carnival Corporation exploite également Holland America Princess Alaska Tours, premier voyagiste en Alaska et sur le territoire du Yukon, au Canada. Ces prochaines années, huit navires supplémentaires gonfleront la flotte du groupe. Carnival Corporation a réalisé un chiffre d’affaires (CA) de 12,2 milliards de dollars en 2022, mais a éprouvé une perte colossale de 6 milliards de dollars.

La direction du groupe a annoncé, fin juin, que cette année, la perte serait moins importante que prévu (0,08 à 0,20 dollar par action, contre 0,28 à 0,44 dollar attendu précédemment), grâce à la hausse du prix des billets et à la demande soutenue de voyages en paquebot. Certains courtiers se sont empressés de relever leur recommandation, conseillant l’achat, après quoi le titre a gagné quelques points de pourcentage. Par rapport à ses concurrents, Carnival fait beaucoup de publicité, ce qui devrait lui assurer une croissance plus rapide. Le groupe pourrait ainsi se désendetter plus rapidement que prévu.

Carnival a pris des mesures pour se moderniser d’ici 2025. Vingt-six navires ont quitté la flotte pendant la pandémie et les bateaux restants ont été repositionnés sur les marques les plus rentables. Le groupe s’est aussi recentré sur son cœur de marché. Il n’en reste pas moins qu’au deuxième trimestre de 2023, il a enregistré une perte pour la quatorzième fois de suite. La direction a invoqué l’inflation élevée, qui a fait exploser ses coûts, et l’évolution peu prévisible des coûts de carburant.

L’action Carnival a connu un tel essor qu’elle s’approche de son plus haut de l’année, 15,7 dollars. Rappelons néanmoins que début 2018, elle se négociait à 71 dollars, son sommet historique; elle a plongé à 8 dollars début 2020. Elle affiche donc un véritable potentiel haussier, mais également baissier. Certains analystes pointent d’ailleurs les risques liés à la hausse des taux d’intérêt, puisque la dette de Carnival dépasse les 30 milliards de dollars.

Les investisseurs qui jugent l’action trop risquée peuvent se tourner vers le marché obligataire, où de nombreux emprunts de Carnival sont proposées en dollars, mais aussi en euros. Pour certains, les rendements dépassent les 8% brut. C’est le cas de l’obligation arrivant à échéance le 01/02/2026 (code ISIN XS2010030596), assortie d’un coupon de 10,125%, qui s’échange actuellement à 104,8% et offre un rendement de 8,14%. Attention, Carnival est noté BB- (il appartient donc à la catégorie du haut rendement) chez Standard&Poor’s; le risque est supérieur à la moyenne.

Royal Caribbean, bientôt rentable

Deuxième croisiériste des Etats-Unis, Royal Caribbean, qui est issu de la fusion de trois sociétés norvégiennes, travaille en partenariat étroit avec TUI Cruises et est la seule compagnie au monde à avoir le monopole sur deux îles. A 103 dollars, le cours actuel de l’action correspond à 17 fois le bénéfice attendu pour cette année. Si le titre a connu un redressement spectaculaire (+185% sur un an, il y a quelques mois), cette appréciation est loin de compenser le terrain perdu lors de la crise sanitaire: le cours est passé de 133 dollars début 2018 à 22 dollars début 2020. La valeur comptable par action est de 11,2 dollars et le groupe affiche une trésorerie de pas moins de 7,58 dollars par action.

Le bénéfice ajusté s’élève à 642 millions de dollars, soit “nettement” plus qu’attendu, selon Naftali Holtz, le directeur financier, qui a également souligné que la perte ajustée de 59 millions de dollars subie au premier trimestre était moins importante que prévu. A titre de comparaison, le groupe affichait une perte nette de 1,2 milliard de dollars au premier trimestre de 2022; un retour à la rentabilité semble donc s’amorcer pour Royal Caribbean, même si le rendement des capitaux propres et la marge nette restent pour l’instant négatifs (-24%). L’action recèle pour sûr un joli potentiel haussier, mais elle pourrait tout aussi bien dévisser en cas de coup dur. Le risque est, ici également, supérieur à la moyenne.

Norwegian Cruise, le plus prometteur

Parmi les trois croisiéristes cotés, Norwegian Cruise est, de loin, le plus petit. Mais comme celles de ses deux concurrentes, l’action bénéficie de nouveau d’une dynamique positive. Elle s’échange pour l’heure à 21 dollars, son cours le plus élevé des 12 derniers mois. Il y a huit ans, toutefois, elle valait encore trois fois plus. Le cours devrait cependant repartir à la hausse. En effet, les importantes dépenses des clients à bord, associées à des prix plus élevés, ont permis à Norwegian Cruise Line d’afficher un revenu par passager supérieur de 25% à celui de 2019. Lors de la présentation des chiffres trimestriels en février, Frank Del Rio, le CEO, a qualifié de positive la hausse des dépenses des passagers dans les navires. Au quatrième trimestre de 2022, le CA avait plus que triplé, en glissement annuel.

En outre, le taux d’occupation des navires de Norwegian Cruise s’est lui aussi accru, de 87%, au dernier trimestre de 2022. Le CEO envisage par conséquent l’avenir proche avec un très grand optimisme. Il table sur un retour à des niveaux historiques dès le second semestre. La compagnie norvégienne va dès lors accroître ses capacités: trois nouveaux navires seront mis en circulation cette année. Les frais de personnel et de carburant, notamment, ont véritablement bondi ces derniers mois, mais le directeur financier, Mark Kempa, escompte une baisse au cours de l’année. Les attentes de la direction sont supérieures à celles de 2019. Nous estimons pour notre part que Norwegian Cruise est l’action la plus prometteuse au sein du secteur des croisières.

Trois acteurs très différents!

JPMorgan, qui, à l’instar de Bank of America, a émis une recommandation positive pour Carnival, a par ailleurs relevé son objectif de cours pour Norwegian Cruise Line Holding et pour Royal Caribbean. Les analystes soulignent la nette amélioration de leurs marges.

Les trois croisiéristes sont néanmoins très différents, ce qui rend difficile toute comparaison entre eux. Ils diffèrent par le CA, tout d’abord. Carnival est un mastodonte, avec un CA de 5 milliards de dollars en 2022. Celui de Norwegian Cruise était de moitié inférieur; la compagnie se concentre principalement sur l’Europe du Nord. Quant à celui de Royal Caribbean, il se situe entre les deux, à quelque 9 milliards de dollars; comme son nom l’indique, ce croisiériste navigue essentiellement sur les eaux caribéennes, mais aussi en Méditerranée et en Alaska.

En outre, compte tenu des pertes qu’il ont accumulées durant ces années difficiles, il n’est pas possible de classer ces acteurs selon leur ratio cours/bénéfice. Aucun d’entre eux ne verse de dividende en 2023, les résultats de l’an dernier ne le leur permettant pas. Au titre de cette année aussi, les attentes en matière de dividendes sont faibles. Et dire que pendant plusieurs années, des rendements jusqu’à 20% étaient espérés!

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