Le krach de l’immobilier allemand
Les cours des actions immobilières reflétaient, début mars, un recul de 38% du marché. Le potentiel de hausse de Vonovia, de LEG et de GCP est pour l’heure substantiel. La pénurie de logements reste un soutien important.
Si en Allemagne, les cours des fonds immobiliers résidentiels ont perdu la moitié de leur valeur sur les 12 derniers mois, c’est parce que, tenant compte de la hausse des taux d’intérêt et craignant des difficultés de financement, les investisseurs s’attendent à une forte baisse des prix de l’immobilier résidentiel. Les sociétés immobilières veulent réduire leur endettement en vendant des appartements, mais les investisseurs institutionnels et autres acheteurs potentiels sont frileux; en 2022, le volume des transactions a chuté de 75%, à 13,5 milliards d’euros, selon CBRE.
Pour protéger leurs liquidités, les sociétés immobilières réduisent voire suppriment leurs dividendes. Elles échappent pour l’instant aux ventes forcées de biens, qu’elles ne connaîtraient qu’en cas de chute brutale des prix de l’immobilier ou de non-respect des covenants bancaires, qui définissent généralement un niveau maximal pour le ratio dette/valeur vénale de l’actif (ratio LTV, pour Loan To Value) et le ratio de couverture des intérêts. Chez Vonovia, leader du marché, le LTV maximal de 60% sera atteint en cas de baisse de 25% de la valeur des biens. Pour LEG Immobilien et Grand City Properties (GCP), ce taux est respectivement de 27% et 40% (hors récentes réductions de dividendes).
Correction
Pour l’instant, les dépréciations restent limitées (-4% pour LEG et Vonovia au second semestre), mais pourraient être plus importantes en 2023; Moody’s table sur -10% pour ces deux acteurs et Standard & Poor’s estime que les appartements de Vonovia vaudront 10% de moins qu’à la mi-2022 (valeur record) et que ceux de GCP verront leur valeur baisser de 5% environ en 2023 et de 2,5% supplémentaires en 2024. Ces estimations sont conformes aux prévisions de la Deutsche Bank, qui anticipe un fléchissement de l’immobilier allemand, tout en soulignant cependant les taux d’intérêt réels négatifs à court terme, la protection historique qu’offre l’immobilier contre l’inflation, la pénurie de logements, au plus haut depuis la réunification (Vonovia juge qu’il pourrait manquer 700.000 logements en 2025), et l’accélération de la croissance des loyers, dopée notamment par les candidats acheteurs qui ne peuvent concrétiser leur projet en raison de la hausse des taux et sont contraints de louer plus longtemps.
Les analystes d’UBS estiment que Vonovia, LEG et GCP enregistreront une croissance organique des loyers de 3% par an en moyenne d’ici 2028, tandis que les biens immobiliers se déprécieront de 4% par an en moyenne. Par rapport au sommet de 2022, la correction serait de 17%. Dans ce scénario, les covenants bancaires ne seraient pas compromis, mais un abaissement de la note de crédit serait possible, ce qui se traduirait, à terme, par une nouvelle hausse des taux d’intérêt.
Forte décote
Prévoir l’évolution du marché immobilier résidentiel reste un exercice difficile. A Francfort, bien plus pessimistes que les banques et agences de notation, les opérateurs boursiers pronostiquent un krach supérieur à 20% si les taux augmentent considérablement. Largement inférieurs aux valeurs comptables, les cours des actions immobilières reflétaient, début mars, un recul de 38% du marché. Depuis, ils ont encore baissé et les décotes se sont accrues, à 66% de la valeur de l’actif net pour LEG, 69% pour Vonovia et 77% pour GCP. En vue de préserver leurs liquidités et réduire leur endettement, LEG et GCP ont récemment annulé le dividende pour 2022. Vonovia l’a divisé par deux, à 0,85 euro par action, ne versant plus que 33% du bénéfice d’exploitation, contre 70% généralement. Ces mesures sont toutefois temporaires.
Conclusion
Après le krach de 2022, Vonovia, LEG et GCP affichent une forte décote et donc, un potentiel de hausse substantiel, sauf si les covenants n’étaient pas respectés ou des ventes forcées étaient décidées. La pénurie de logements demeure en tout cas un soutien important.
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