L’Amérique latine, ce continent oublié
L’Amérique latine affiche une dynamique bien différente de celle de la sphère occidentale. Certaines entreprises en tirent profit et offrent de surcroît aux investisseurs une bonne diversification. Nous en présentons trois ici.
Pour beaucoup, les marchés émergents se résument souvent à la Chine et à l’Asie du Sud-Est. L’Amérique latine est souvent négligée. Or, ceux qui ont misé sur la région ont été très généreusement récompensés l’an dernier. Alors que l’indice MSCI World et le S&P 500 ont reculé de 15 à 20%, le Bovespa, l’indice phare brésilien, a gagné près de 7% en 2022. Les Bourses chilienne et péruvienne ont aussi clôturé l’année en hausse. Quant à la place boursière mexicaine, elle a connu une baisse nettement moins importante que les marchés occidentaux. Ces résultats reflètent l’évolution économique relativement favorable du continent et témoignent du fort potentiel de diversification des investissements en Amérique latine.
Les entreprises cotées à Sao Paulo, Mexico et ailleurs en Amérique latine génèrent une grande partie de leur chiffre d’affaires (CA) et de leurs bénéfices sur leur continent d’origine. Leurs résultats et leur parcours boursier sont dictés par des facteurs très différents de ceux des multinationales occidentales. Ce potentiel de diversification échappe toutefois en large mesure aux investisseurs occidentaux, puisque les titres latino-américains pèsent moins de 1% de l’indice MSCI World.
Cette sous-représentation ne rend pas justice au potentiel de la région, qui contribue pour plus de 5% à l’économie mondiale et représente près de 8,5% de la population planétaire. Mais le continent est aujourd’hui tellement impopulaire auprès des investisseurs que la maison écossaise Aberdeen a annoncé à la mi-mars que le Latin American Income Fund allait être liquidé après plus de 12 ans d’existence, car il n’atteint pas la taille critique nécessaire à son fonctionnement.
Miser sur les ETF et fonds
Plusieurs options s’offrent à ceux qui souhaitent investir en Amérique latine. Nous présentons ci-dessous trois actions prometteuses. Il existe toutefois aussi une poignée de trackers ciblant la région; l’Amundi ETF PEA MSCI EM Latin America ETF (code ISIN LU1681045024) est le plus avantageux en termes de diversification et de coûts. Il reflète l’évolution de l’indice MSCI Latin America, qui compte près de 90 actions, et ses frais de gestion s’élèvent à 0,2%.
Pour les investisseurs qui souhaitent profiter de l’embellie conjoncturelle de la région et de sa démographie favorable, un fonds à gestion active tel que JPMorgan Latin America Equity (code ISIN LU0822048491) constitue une solution alternative intéressante. Le fonds surpondère les banques et assurances au détriment des matières premières et des biens de consommation de base défensifs.
1. Vale
Font partie des grands classiques de la région, Vale et Petrobras. Ce dernier extrait plus de pétrole et de gaz naturel que, par exemple, Shell, qui vaut environ 2,5 fois plus en Bourse. La valorisation relativement faible de la compagnie pétrolière brésilienne (3,5 fois les bénéfices escomptés) s’explique par le risque politique élevé qu’elle présente. Le gouvernement brésilien en détient 64% des actions et les intérêts nationaux l’emportent parfois sur ceux des autres actionnaires.
Vale n’est quant à elle plus une entreprise publique. Avec Rio Tinto et BHP Billiton, elle compte parmi les grands producteurs de minerai de fer au monde. Elle est toutefois moins diversifiée que ses concurrentes, avec seulement quelques activités annexes dans le cuivre et le nickel. Notons cependant que le prix du minerai de fer a bondi, de 80 dollars la tonne en novembre à 130 dollars aujourd’hui, grâce à la reprise économique en Chine, grande consommatrice.
L’exercice en cours devrait être marqué par un bénéfice important, dont une grande partie sera reversée sous la forme de dividendes. La faible valorisation (le ratio cours/bénéfice 2023 s’établit à 5) et le potentiel de hausse du rendement du dividende (4,4%) font de Vale un titre attrayant pour les investisseurs qui ne sont pas découragés par les signes de ralentissement de la conjoncture mondiale ni par les risques juridiques – plusieurs affaires sont actuellement en cours concernant des ruptures de barrages, qui ont nui considérablement à l’environnement en 2015 et 2019 et expliquent en partie la faiblesse de la valorisation.
2. Sendas
L’Amérique latine ne se résume pas aux matières premières; ceux qui souhaitent cibler d’autres secteurs ont l’embarras du choix. De nombreuses grandes entreprises de la région sont également cotées aux Etats-Unis. C’est notamment le cas de Sendas Distribuidora, dont le cours est déterminé par des facteurs très différents de ceux prévalant sur les marchés occidentaux. L’entreprise, également connue sous le nom d’Assaí, est issue de la scission du groupe GPA en 2021, qui, après avoir multiplié par 10 le nombre de ses magasins entre 2007 et 2020, a décidé de se concentrer sur les ventes aux entreprises. Sendas est l’un des plus grands détaillants alimentaires du Brésil, avec plus de 250 méga-supermarchés discount qui attirent plus de 30 millions de clients chaque mois. Parallèlement à des dizaines de nouveaux magasins, Assaí rouvrira les 71 hypermarchés cédés par GPA, après les avoir rénovés. Le groupe entend porter ses ventes à 100 milliards de réals brésiliens (BRL) d’ici à 2024, soit une croissance de près de 70% par rapport à 2022. L’an dernier, les revenus des nouveaux points de vente ont augmenté plus rapidement que prévu.
Or, cette croissance rapide et les belles perspectives ne se reflètent guère dans le cours de l’action. Sendas se négocie à moins de 15 fois ses bénéfices attendus pour 2023. Ces bénéfices pourraient augmenter de plus de 20% en moyenne au cours des prochaines années, rien qu’en tenant compte de la conversion des magasins GPA. Mais la faible valorisation est en partie due à l’annonce d’une réduction progressive de la participation de l’actionnaire principal, Casino. L’action a cédé 25% ces deux derniers mois, créant ainsi une fenêtre d’entrée intéressante.
3. Itaú
Banco Itaú Unibanco conviendra également à ceux qui cherchent à diversifier davantage leur portefeuille. L’établissement est devenu la plus grande banque d’Amérique latine grâce à des fusions, même si elle ne figure toujours pas dans le top 50 des banques internationales. Itaú compte toutefois plus de 50 millions de clients et près de 4.500 agences. Ses opérations se concentrent sur le marché intérieur brésilien, qui représente plus de 80% de son portefeuille total de prêts, réparti de façon équilibrée entre les prêts hypothécaires, les cartes de crédit, les prêts personnels et les prêts aux entreprises. En raison de sa taille importante et de la concurrence moins intense qui règne dans la région, Itaú affiche des résultats plus réjouissants que ceux des banques occidentales, avec notamment une marge d’intérêt de plus de 300 points de base, soit près du double de ce qui est courant en Europe. La structure des coûts est également très différente de celle des pays développés; le rapport entre les frais de personnel et le revenu total est de 41,4%, tandis que ce ratio d’efficacité avoisine les 60% dans la plupart des établissements occidentaux.
Itaú possède également une branche assurances et une division de gestion d’actifs, qui profite de la croissance du marché brésilien des retraites. Grâce à l’acquisition de la fintech Ideal Holding Financeira, Itaú est également à l’avant-garde de la numérisation des services financiers. Le rendement des capitaux propres a fluctué entre 18 et 20% ces dernières années. Avec un tampon de capital CET1 de 11,9%, Itaú dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour reverser environ la moitié de ses bénéfices aux actionnaires. En 2023, le rendement du dividende attendu s’élève à 5,3%, et la valorisation (ratio cours/bénéfice de 7) est très attrayante compte tenu des opportunités de croissance en Amérique latine.
Au-delà de son excellent positionnement sur le marché et de sa valorisation intéressante, le potentiel de diversification offert par la banque brésilienne en fait un investissement de choix. La forte concentration d’Itaú sur son marché domestique l’a largement protégée des turbulences provoquées par la faillite de la Silicon Valley Bank et les problèmes de Credit Suisse. Lors des cinq séances qui ont suivi la révélation de ces problèmes, le titre Itaú a abandonné 6%, tandis que les valeurs bancaires européennes perdaient 15%, sinon plus.
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