L’âge de l’or géopolitique

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Si l’or a le vent en poupe, c’est actuellement surtout parce que les banques centrales se ruent sur les lingots. En tout état de cause, nous ne privilégions pas le scénario d’une fin prochaine de l’essor du métal précieux.

Malgré les forts vents contraires, le prix de l’or a récemment atteint un sommet historique. Il pourra grimper bien plus haut encore si le contexte s’améliore. Nonobstant les discours relativisant sa progression, le métal jaune a enregistré des performances extraordinaires depuis le début du siècle, avec un rendement total de 710 %. L’avancée de 20 % enregistrée au cours des six derniers mois frappe particulièrement, du fait de l’environnement peu favorable que constitue le dollar fort associé à la perspective d’une période longue de taux élevés.

L’or ne générant pas de flux de trésorerie (sous la forme de dividendes ou d’intérêts), il devient relativement moins intéressant lorsque les taux augmentent ou restent élevés pendant de longues périodes. Sur le semestre écoulé, ce phénomène a encore été renforcé par le reflux de l’inflation sous les taux d’intérêt, qui a permis aux épargnants possédant des produits de taux d’obtenir des rendements positifs. L’épargne ayant un effet bénéfique sur le pouvoir d’achat, le recours à l’or n’était plus nécessaire.

Des taux réels positifs

Depuis quelques mois, les taux réels s’inscrivent nettement dans le vert aux Etats-Unis, dépassant l’inflation. Cela s’explique par la politique agressive menée par la Federal Reserve (Fed), qui, en plusieurs étapes, a relevé ses taux directeurs de 0 à 5,25 % depuis mars 2022. Si les marchés financiers tablaient initialement sur une baisse rapide des taux réels américains – les contrats à terme sur les taux de la Fed anticipaient encore six abaissements en 2024 –, ils n’en attendent plus que deux aujourd’hui. Il semble donc que les taux d’intérêt resteront élevés plus longtemps que prévu, tout comme les taux réels, et c’est une bonne nouvelle pour les investisseurs en dollars.

Ces évolutions ont considérablement réduit la demande d’investissement en or dans les pays développés, comme en témoigne la diminution de 30 % du nombre de parts en circulation du tracker SPDR Gold Shares (ticker : GLD). Il est dès lors logique de se demander comment le prix de l’or peut encore atteindre des sommets, alors que le dollar est stimulé par des taux longs et courts élevés, que les taux réels sont franchement positifs et que les investisseurs réagissent en vendant leurs investissements dans l’or.

Des achats massifs en Chine

L’envolée de l’or est souvent motivée par la crainte d’une guerre régionale majeure au Moyen-Orient ou d’une nouvelle escalade de la guerre en Ukraine. Or, si ces facteurs formaient véritablement un argument imparable pour acheter de l’or, les Bourses n’auraient pas atteint leurs records actuels. 
C’est plutôt du côté de la banque centrale chinoise (PBC) qu’il convient de chercher une explication. Au cours des 17 derniers mois, la PBC a en effet acheté de l’or chaque mois. La Chine est certes la deuxième puissance économique mondiale, derrière les Etats-Unis, mais elle n’occupe que la sixième place en termes de réserves d’or. L’or représente actuellement 4,3 % des réserves totales de la Chine, alors que les autres banques centrales détiennent en moyenne 13 % de leurs réserves en or. Le grand argentier chinois va donc probablement continuer à acheter le métal précieux, pour se rapprocher de la moyenne. Et il n’est pas le seul : depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les achats d’or par les banques centrales se sont multipliés, ce qui semble d’autant plus logique que les Etats-Unis ont décidé de saisir 300 milliards de dollars d’actifs russes sans intervention judiciaire. 
Soucieux d’éviter un tel risque, d’autres pays étoffent donc leurs réserves aurifères car, contrairement aux actifs étrangers, l’or ne peut être purement et simplement confisqué. Le dollar fait actuellement office de monnaie de réserve mondiale, mais le système ne tient que tant que Washington ne brandit pas l’arme monétaire pour punir d’autres pays. Or, la confiance commence à être entamée, si bien que la demande d’or à titre d’autre solution va continuer à croître dans les années à venir.

Toujours plus haut

La courbe des taux américaine n’avait jamais été inversée aussi longtemps. Si l’économie américaine n’est pas encore entrée en récession, c’est surtout du fait des taux historiquement bas dont ont profité nombre d’acteurs économiques. Les propriétaires américains ont sécurisé leurs hypothèques à 3 % pendant 30 ans, de sorte que le taux actuel de 7,4 % ne les affecte que peu. Les entreprises du S&P 500 ont également refinancé leurs emprunts à un moment où les taux d’intérêt étaient pratiquement nuls.

Cette phase ascendante du cycle économique pourra durer longtemps, mais la descente sera tout aussi lente. Supposons que la Fed procède à huit baisses de taux et que les taux hypothécaires tombent à 5,4 %. Pour tous ceux qui ont signé pour un prêt hypothécaire à 3 % sur 30 ans, cela ne sera toujours pas le moment d’acheter ou de refinancer une maison. Une récession pourrait s’ensuivre, qui ne sera pas non plus propice à l’amélioration de la situation financière des propriétaires : ils opteront alors pour le statu quo.

Puisque les banques centrales devraient continuer à acheter de l’or, nous pouvons envisager un scénario optimiste pour le métal jaune. Lorsque les taux réels américains redeviendront négatifs aux Etats-Unis, le cours du métal jaune pourra nettement augmenter, sous l’effet des achats massifs par les investisseurs.

Conclusion

Aux Etats-Unis, les titres du Trésor à deux ans confèrent actuellement une rémunération supérieure à ceux à 10 ans. Or, depuis l’abandon de l’étalon-or en 1971, tout revirement de la courbe, après une inversion, a été suivi d’une récession. Il convient aussi d’observer attentivement le secteur privé américain, puisque c’est la première fois depuis plusieurs décennies qu’une récession ne permettra pas de refinancement à moindre coût.

Personne ne sait précisément comment la situation va évoluer, mais il semble peu probable que le prochain président américain s’attaque sérieusement au problème de l’endettement. Sur le long terme, les facteurs favorables à l’or subsistent donc, même si nous ne savons pas pendant combien de temps les placements en or continueront à produire des rendements élevés. En tout état de cause, nous ne privilégions pas le scénario d’une fin prochaine de l’essor du métal précieux. C’est pourquoi il nous paraît indispensable de disposer d’or physique, ou d’un tracker sur l’or, pour protéger sa fortune. Parmi les supports envisageables, citons le Gold Bullion Securities (code ISIN : GB00B00FHZ82), qui figure d’ailleurs dans le portefeuille modèle, ou l’iShares Physical Gold (code ISIN : IE00B4ND3602).


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