Investir chez nos voisins allemands

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Le DAX 40, le principal indice boursier allemand, s’est montré en 2022 un des moins performants d’Europe (chiffres corrigés des dividendes). Bien que sa progression soit cette année supérieure à 10%, il est toujours loin d’être onéreux. Zoom sur quatre titres moins connus et à notre estime intéressants.

Malgré son relèvement récent, l’indice DAX reste peu cher. Son ratio cours/bénéfice (C/B de 11,7 pour 2022, de 12 pour 2023, de 10,7 pour 2024) est traditionnellement inférieur à celui des autres grands indices. En cause, vraisemblablement: le poids des entreprises financières et industrielles, dont les constructeurs automobiles, en son sein. Les actions de ces secteurs sont souvent assez faiblement valorisées, alors qu’elles octroient des pourcentages de dividendes très généreux. Le ratio C/B des titres automobiles et des bancaires qui font partie du DAX est de 4 à 7 environ. Cela ne signifie pas que nous recommandions d’acquérir toutes ces actions, mais bien certaines d’entre elles. Il existe par ailleurs des titres moins connus qui, à notre avis, sont intéressants. Outre deux anciens “tuyaux de la semaine”, nous avons sélectionné deux entreprises extrêmement bien positionnées sur leur marché, qui devraient tirer profit des actuelles mutations.

HeidelbergCement

HeidelbergCement est un des plus grands producteurs au monde de ciment et de mélanges pour béton. Bien que ses bénéfices soient particulièrement élevés depuis trois ans, son titre est faiblement valorisé. Sur la base du bénéfice par action pronostiqué pour 2023 (8,15 euros), son ratio C/B est de 8,6, pour 13 en moyenne ces 10 dernières années. Le rendement en dividende s’établit à 3,7%.

Heidelberg doit ses bons résultats à l’augmentation des prix de ses produits, qui a largement compensé les légères diminutions des volumes constatées ces dernières années. Outre que l’inflation énergétique et les difficultés d’approvisionnement ont modifié le marché, le groupe s’engage résolument en faveur du développement durable. Il entend en effet être, en 2026, la première entreprise apte à fournir à large échelle du béton et du ciment neutres en CO2. Il compte d’une manière générale investir 100-150 millions d’euros par an dans la réduction des émissions de CO2 – il construit notamment une usine de béton neutre en CO2 au Royaume-Uni; réemploi et recyclage seront des fers de lance de cette stratégie eux aussi. Heidelberg va jusqu’à envisager la “fin des produits de base” – non pas que les matières premières ne seront plus utilisées, mais l’ancienne conception d’un marché des matières premières au caractère très concurrentiel mené par le seul aspect tarifaire est en train de disparaître. C’est sur le plan du développement durable que les produits vont désormais se démarquer. Heidelberg, qui mise déjà sur cet aspect, souhaite aller plus loin encore, en proposant par exemple EcoCrete, un béton dont la charge en CO2 est entre 30% et 66% inférieure à la moyenne. Il a également fourni l’asphalte qui a servi à la construction de “l’autoroute la plus verte du monde”, en Australie.

Analystes et investisseurs s’inquiètent d’une éventuelle récession. Heidelberg constate effectivement un net ralentissement du marché immobilier résidentiel cette année, mais aussi une accélération de la construction d’infrastructures et d’autres types de bâtiments. Le rapprochement géographique (éloignement de l’Asie) des capacités de production souhaité par de nombreuses entreprises sises aux Etats-Unis et en Europe génère par exemple une activité de construction additionnelle. Le groupe mise donc sur une croissance de son chiffre d’affaires (CA) cette année, d’autant que ses tarifs devraient davantage augmenter que diminuer. A plus long terme, ce sont les investissements dans toute une série d’infrastructures, la construction de logements et le développement durable qui devraient soutenir ses résultats.

Vu son cours, l’action recèle un potentiel certain – malgré des bénéfices élevés, sa valorisation est relativement faible. Il se peut que la crainte d’une récession y soit pour quelque chose, mais les récessions passent et la valorisation actuelle intègre une marge de sécurité pour l’investisseur.

Les résultats du premier trimestre seront publiés le 10 mai.

Dürr

L’automobile assurait autrefois 90% du CA de ce constructeur de machines, contre 45% en 2022. Depuis l’acquisition de Homag, en 2014, les machines servant au travail du bois ont pris une place importante également. Elles interviennent dans la construction de meubles et de maisons (préfabriquées), par exemple. Dürr fournit d’autres secteurs encore, comme l’industrie pharmaceutique.

Son CA a progressé de 2% par an depuis 2015: c’est bien, sans plus. En 2020 et 2021, les constructeurs automobiles ont peu acheté, en raison de la crise sanitaire, et le CA du groupe est tombé sous celui de 2019. Il a en revanche été beaucoup plus élevé – bien plus qu’en 2019 – l’an passé. La direction mise sur une progression de 5-6% par an en moyenne jusqu’en 2030, un rythme qui serait donc beaucoup plus soutenu que par le passé. Pour ce faire, le groupe diversifie ses activités, ce qui devrait en outre lui permettre de mieux résister aux fluctuations sectorielles. Il s’emploie également à identifier de nouveaux domaines de croissance. Encore relativement modeste, le segment des maisons préfabriquées est une source potentielle de CA: les usines qui les construisent ont besoin de machines. Dürr tente par ailleurs de tirer profit des évolutions structurelles, comme l’automatisation, la conduite électrique et le développement durable, mais aussi du potentiel du secteur automobile. L’utilisation du gaz naturel dans la construction automobile va diminuer: il faudra donc modifier ou remplacer les installations de production (machines).

Les marges bénéficiaires sont faibles depuis plusieurs années. Là aussi, la diversification devrait changer la donne. Dürr ne répond déjà plus à certaines demandes de devis aux marges restreintes. Il se consacre davantage aux services et à la maintenance, générateurs de marges plus élevées. Il entend porter sa marge d’Ebit (bénéfice d’exploitation/CA) à 8% dès 2024, contre 5% encore en 2022. Qui dit progression de l’Ebit dit aussi bénéfice net plus élevé. Le bénéfice net par action devrait être en 2024 supérieur de 75% environ à celui de 2022.

Avec un ratio C/B de 17,5 et un rendement en dividende de 2,2%, l’action n’est pas particulièrement bon marché. Reste que si les objectifs sont atteints, ou approchés, elle le deviendra. Au vu du bénéfice par action escompté pour 2024, le C/B tourne autour de 10, pour une moyenne de 16,5. Le dividende devrait en outre passer de 0,70 euro à 1 euro par action cette année. Le titre ne tient pas encore compte du potentiel; certes, potentiel n’est pas certitude mais même si les choses ne se passaient pas comme prévu, la valorisation demeurerait probablement raisonnable. Le bilan est excellent: les liquidités sont abondantes, alors que les emprunts ne sont pas particulièrement importants.

Les résultats du premier trimestre seront publiés le 9 mai.

Continental

Nous avons déjà conseillé cette action. Le fabricant de pièces automobiles sort de quelques années difficiles, mais son titre avait tellement chuté que le rapport entre le risque d’une nouvelle baisse et les perspectives de redressement en cas d’amélioration des résultats ou du sentiment était devenu favorable. Le cours est aujourd’hui beaucoup plus élevé qu’en octobre. Pour autant, obtenir un rendement décent demeure possible; nous recommandons donc toujours d’acheter.

Siltronic

Nous avons récemment conseillé l’achat de Siltronic. Cette société fabrique des plaques à base de silicium, nécessaires à la production de semi-conducteurs. Le secteur des semi-conducteurs a beau souffrir pour l’instant, plusieurs évolutions structurelles (intelligence artificielle, développement durable et voitures numériques) sont porteuses de croissance. Le titre est faiblement valorisé, en raison, précisément, de la situation du marché des puces. Mais tôt ou tard, les investisseurs porteront leur regard plus loin, ce qui devrait faire repartir l’action à la hausse.

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