Ces si rentables nuisibles !
On n’y pense pas nécessairement mais un certain nombre d’entreprises cotées en Bourse sont actives, dans une mesure plus ou moins intense, dans la lutte contre les nuisibles. Ce marché est même un segment essentiel du secteur des services – il est impératif de maîtriser les risques sanitaires et de prévenir les dégâts matériels. Voici nos trois actions favorites dans ce secteur.
Rats et souris colonisent non seulement les grandes villes, mais aussi, de plus en plus, les zones moins peuplées. Sur le plan matériel, termites et autres insectes rongent les planchers, les poutres et même les fondations des immeubles. Autant de situations auxquelles il est impossible de remédier seul et qui exigent l’intervention de professionnels.
Intensification de la demande
La demande provient en majorité des villes, des régions à forte densité de population et des zones industrielles, véritables sources de nourriture et de sites de nidification. Un certain nombre de tendances, comme l’urbanisation croissante, mais également le changement climatique et la sensibilité accrue des consommateurs aux questions de santé et d’hygiène, soutiennent elles aussi la demande, y compris préventive. Aux pesticides chimiques et aux pièges traditionnels, les utilisateurs tendent désormais à préférer des solutions respectueuses de l’environnement, comme la surveillance par capteurs et caméras, qui peut rendre superflues les inspections sur place.
Attaquer à la source
Anticimex a ceci d’unique qu’elle s’attaque aux colonies de rats à la source, dans les égouts même, au moyen d’un système baptisé Smart, qui n’utilise aucun poison. Cette société suédoise, dont les 7.000 employés desservent trois millions de clients dans 20 marchés régionaux, a été rachetée en 2012 par sa compatriote EQT, spécialisée dans le capital-risque. EQT a procédé depuis à 240 acquisitions, ce qui explique en partie la croissance de plus de 10 % par an de son chiffre d’affaires. EQT étant cotée en Bourse, il est possible d’investir indirectement dans Anticimex (qui, elle, n’est pas cotée). Il est par ailleurs possible d’investir dans les trois titres présentés ici.
Favorite 1 : Rollins
L’entreprise américaine Rollins est, de loin, le plus pure player actif dans la lutte contre les parasites au monde. Elle est également la plus grande spécialiste cotée du secteur en termes de capitalisation boursière et de chiffre d’affaires. Fondée à Atlanta en 1948 par les frères Rollins, elle est devenue numéro un sur son marché en procédant à des centaines d’acquisitions. Elle est active dans plus de 70 pays, en partie sous franchise. En dehors des nombreux rachats réalisés chaque année (24, en 2023), Rollins affiche une appréciable croissance organique. La plus connue de ses filiales est Orkin, qui offre une large gamme de services à une clientèle résidentielle et commerciale. Orkin est réputée pour l’efficacité de ses méthodes et de ses technologies de lutte contre les parasites. Les autres grandes filiales de Rollins sont Western Pest Services, qui dessert une clientèle commerciale, et HomeTeam Pest Defense, qui propose, elle, ses services au segment résidentiel.
La lutte contre les termites représente 20 % de son chiffre d’affaires ; ses autres activités résidentielles assurent 46 % de ses ventes et ses autres activités dans le segment commercial, 33 %. Les revenus des franchises ne représentent que 1 % du chiffre d’affaires du groupe. Le marché américain demeure, de loin, le plus important pour Rollins, qui lui doit près de 93 % des 3,1 milliards de dollars engrangés en 2023. Ce leader, qui détient des succursales dans tous les Etats-Unis, a décroché des contrats lucratifs avec de grandes chaînes d’hôtels et de restaurants, entre autres, auxquelles il fournit des services préventifs. La majorité de ses revenus sont donc récurrents, ce qui, combiné aux augmentations tarifaires annuelles, explique la vigueur de sa croissance. Son chiffre d’affaires a bondi en 2023 de 14 %, dont 8 % à périmètre comparable. Rollins, qui réalise des marges élevées et dont le rendement du capital investi est considérable, devrait pouvoir afficher une croissance de son chiffre d’affaires comprise entre 8 % et 10 % ces prochaines années.
L’affectation du capital et la situation financière du groupe sont en outre exemplaires et l’endettement est quasi nul. Rollins a consacré l’an passé 367 millions de dollars à des acquisitions, 315 millions à des rachats d’actions et 264 millions à des versements de dividende. Son dividende augmente de 10 % au moins chaque année (20 % par an au cours des 20 dernières années !) ; la seule exception remonte à 2020, quand la pandémie a fait s’effondrer le marché de la clientèle professionnelle. Le rendement en dividende atteint actuellement 1,3 %. Nous ajoutons Rollins à notre liste de valeurs à intégrer dans un portefeuille de croissance. La valorisation est élevée mais, compte tenu des perspectives, justifiée.
Favorite 2 : Ecolab
Comme Rollins, Ecolab propose des services de contrôle et d’inspection des nuisibles à une clientèle d’entreprises. Son approche est résolument scientifique : des solutions numériques et des modèles prédictifs lui permettent d’identifier aussi précisément que possible les risques potentiels pour les clients. Ecolab se repose à cet effet sur les 140 brevets et plus qu’elle détient dans le domaine de la technologie antiparasitaire. L’élimination des nuisibles a beau faire partie des Autres activités de cette entreprise spécialisée dans l’hygiène et l’eau, elle a affiché la croissance organique la plus élevée (11 %) du groupe en 2023, un phénomène qu’explique l’intensité de la demande de la part des restaurants, ainsi que des producteurs et des vendeurs de produits alimentaires.
Ecolab a considérablement étoffé sa clientèle et augmenté davantage encore ses tarifs en 2023. Sans fournir de chiffres précis, elle évoque un ‘‘moteur d’un milliard’’ pour son activité de lutte contre les parasites. Les Autres activités ont représenté l’an dernier 1,4 milliard de dollars sur un total de 15,3 milliards, soit moins de 10 % du chiffre d’affaires consolidé. Avec un rapport cours/bénéfice de 34, Ecolab, dont le dividende progresse depuis 38 ans, reste une superbe valeur de croissance pour le long terme – même si, comme celle de Rollins, sa valorisation n’a quasiment jamais été aussi élevée.
Favorite 3 : Rentokil-Initial
Fondée en 1928, la britannique Rentokil a fusionné avec Initital en 1980. Ses activités sont similaires à celles d’Ecolab, mais le rapport est inversé : 80 % de son chiffre d’affaires proviennent de la lutte contre les nuisibles, 16 %, du pôle Hygiène et bien-être (verdissement des lieux de travail, à travers la marque Ambius), le reste, de l’activité Uniformes professionnels en France. Rentokil propose des services de lutte contre les nuisibles aux particuliers et aux entreprises. Elle a réalisé en 2023 près de 60 % de ses 5,4 milliards de livres de chiffre d’affaires aux Etats-Unis.
Sa capitalisation boursière s’élève à 10 milliards de livres. Ses marges, ses taux de croissance (organique), l’évolution de ses dividendes et son endettement sont toutefois moins impressionnants que ceux de Rollins ; le rendement du capital investi et le nombre d’acquisitions (quatre en 2023) ne sont pas comparables non plus. Les trimestriels publiés mi-avril ont déçu : la croissance, aux Etats-Unis, n’a pas dépassé 1,5 %. Ce qui explique que la valorisation de Rentokil (ratio cours/bénéfice de 17,5) soit actuellement une des plus basses de son histoire.
Au service de l’agriculteur
Bayer, Corteva et FMC Corporation, entre autres, sont actives sur le marché hautement cyclique de la protection des cultures – l’offre et la demande sont étroitement liées à l’évolution des revenus des agriculteurs, aux rendements des cultures et aux tendances macroéconomiques. Une large part de la demande mondiale provient par ailleurs de régions instables, comme l’Amérique latine.
De ces noms, le plus pure player est FMC, qui fabrique les trois catégories de produits phytosanitaires existants (insecticides, herbicides et fongicides). Ses insecticides ont assuré en 2023 près de 59 % de son chiffre d’affaires, d’un montant de 4,5 milliards de dollars. Bayer, dont le cours cède du terrain, doit plus de 49 % des ventes réalisées l’année passée à sa division Crop Science, qui fabrique des produits destinés à la protection des cultures mais aussi, des semences. Corteva est une entreprise agricole dont 55 % du chiffre d’affaires sont issus des semences et 45 %, de la protection des cultures.
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