Orsted, le géant danois de l’éolien en mer, otage de Trump ?  

Parc éolien,
Muriel Lefevre

Orsted, le géant danois de l’éolien en mer, voit son projet phare bloqué au large de Rhode Island, mettant en péril ses finances et ses ambitions. Une décision politique américaine qui illustre les obstacles croissants pour les développeurs d’énergies renouvelables.

Le parc offshore Revolution Wind, prévu pour alimenter 350 000 foyers, est presque achevé. 45 des 65 éoliennes sont déjà installées et toutes les fondations sont en place.

Le chantier, estimé à 1,5 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), devait marquer une étape majeure pour Orsted. Pourtant, le Bureau de gestion de l’énergie océanique, agence du département de l’Intérieur américain, a suspendu les travaux le 22 août. Il évoque de vagues « préoccupations liées à la sécurité nationale », sans fournir davantage de détails.

Résultat : la valeur boursière d’Orsted a chuté de près de 40 % depuis le début du mois. Avec une baisse de 16 % enregistrée à Copenhague ce lundi 25 août. L’action s’échangeait alors à 179 couronnes danoises (24 euros), pour une capitalisation de 10 milliards d’euros.

Un blocage politique aux lourdes conséquences

L’entreprise, dont l’État danois détient un peu plus de 50 % du capital, comptait sur ce projet pour séduire les investisseurs dans le cadre d’une augmentation de capital de 60 milliards de couronnes (8,4 milliards d’euros). Cette opération lancée la semaine dernière devait renforcer la structure financière du groupe, avec un soutien étatique prévu pour moitié. La suspension du parc menace désormais cette manœuvre cruciale.

Certains y voient un sabotage politique. Donald Trump peut y voir un double avantage. Plomber le secteur éolien et l’utiliser comme levier pour le Groenland, dimension danoise du projet oblige. L’administration Trump ne fait en effet pas mystère de son peu de goût pour l’énergie éolienne. Trump la juge « laide, peu fiable et coûteuse ». Il avait promis de mettre fin à l’éolien dès le début de son mandat. Trump a encore accusé le 19 août sur son réseau Truth Social les éoliennes « de tuer le New Jersey ».  Qu’il n’y ait que six éoliennes dans cet état, n’aura pas servi d’argument.  Plus concrètement Trump a déjà freiné plusieurs projets éoliens. Il aura aussi réduit les crédits d’impôt mis en place par son prédécesseur Joe Biden.

Recours et perspectives

Orsted a rappelé qu’elle dispose de toutes les autorisations nécessaires et envisage de recourir à la justice pour poursuivre la construction. D’autres précédents, comme celui du fonds norvégien Equinor, montrent que des accords politiques peuvent parfois débloquer des projets suspendus.

Mais cette décision jette une ombre sur l’ensemble du secteur. Plus aucun chantier ne semble désormais à l’abri de blocages administratifs. De quoi décourager encore un peu plus les investisseurs face à ce secteur confronté a de nombreuses incertitudes.

Ceci étant dit, tout mettre sur le dos de Trump serait un peu trop facile. Prenons le cas d’Orsted. Même si Revolution Wind venait à être achevé, il reste loin de ses sommets boursiers de 2021, avec des pertes importantes sur d’autres projets. L’incapacité à trouver un partenaire pour Sunrise Wind au large de New York avait déjà pesé sur sa valorisation. En réalité c’est tout le secteur qui est en crise.

Un secteur ébranlé

La hausse des coûts des matières premières et des taux d’intérêt a alourdi le financement des projets offshore. Orsted a lui-même suspendu Hornsea 4 au nord de l’Angleterre, jugé « économiquement non viable ». Le désintérêt des investisseurs se fait sentir partout. Au Danemark en décembre, en Allemagne la semaine dernière, plusieurs appels d’offres n’ont trouvé aucun candidat. Les conditions de marché sont jugées trop risquées.  

Les grands énergéticiens adaptent eux aussi leurs stratégies. RWE a réduit son programme éolien 2030 de 10 milliards d’euros. Shell se retire de l’éolien offshore. BP abandonne l’éolien terrestre aux États-Unis. Et EDF se concentre sur les projets déjà en construction. On notera tout de même que malgré ces obstacles, le groupe Orsted reste candidat à la construction de futurs parcs offshore en Belgique.

Pour remédier à cette situation, certains États européens commencent à revoir leurs procédures : indexation des tarifs de rachat sur l’inflation et réduction des délais entre l’attribution des appels d’offres et le démarrage des chantiers.

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