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“Le marché des matières premières semble être redevenu haussier”
Boris Cukon, co-gestionnaire du fonds Isatis Global Natural Resources Flexible Fund, nous entretiendra chaque mois, dans cette colonne, du secteur des matières premières.
Richard Adkerson, le CEO de Freeport-McMoran, le plus grand producteur de cuivre coté en Bourse du monde, avait déclaré l’an passé que même si les prix du cuivre augmentaient de 100% en un jour, il faudrait des années pour que l’indispensable accroissement de la production mondiale puisse avoir lieu. Aujourd’hui, plus de 10 à 12 ans (contre 7 à 10 ans auparavant) s’écoulent entre la décision d’investir dans une nouvelle mine et l’entame de la production. Ce que dit Richard Adkerson confirme la thèse selon laquelle les investissements dans le secteur des matières premières sont très insuffisants, depuis beaucoup trop longtemps.
Le graphique ci-après (Producteurs de matières premières: cycle des dépenses d’investissement, ajusté en fonction du PIB) montre les niveaux historiquement bas auxquels sont tombés ces investissements depuis 2016 – l’envolée des coûts enregistrée ces deux dernières années n’ayant de surcroît pas, tant s’en faut, incité à investir. Ainsi les investissements évoqués par plusieurs études de faisabilité économique portant sur de nouvelles mines réalisées il y a deux à trois ans doivent-ils désormais être relevés de 30% à 50%, sinon plus.
Les secteurs cycliques alternent les états de surcapacité et de sous-capacité. Reste que la tendance baissière qui caractérise les marchés des matières premières depuis 2011 est si prononcée que les producteurs ont réagi d’une manière beaucoup plus disciplinée que d’habitude à la remontée des cours. Ainsi Kazatomprom et Cameco, premier et deuxième producteurs d’uranium au monde, prévoient-ils d’augmenter leur production ces prochaines années, mais uniquement pour les ventes faisant l’objet de contrats. Dans le secteur du cuivre, Gary Nagle, le CEO de Glencore, a déclaré à la fin de l’an dernier que la réponse de l’offre à l’envolée de la demande (portée par la croissance de la population mondiale) ces prochaines années serait cette fois réellement différente que lors des cycles précédents. Selon lui, un déficit colossal est à prévoir dans le segment du cuivre et qu’importe ce que l’on peut en dire, le prix du cuivre ne reflète pas encore cette situation. “Nous n’augmenterons notre production que lorsque ce déficit sera tangible”, a-t-il poursuivi (lire: lorsque le cours sera nettement plus élevé).
Ce déficit structurel de l’offre, combiné à la discipline de production susmentionnée, est une des principales raisons pour lesquelles le marché, jusqu’ici baissier, des matières premières, semble s’être mué en un marché haussier appelé à durer – au moment précis où les matières premières sont, historiquement, relativement bon marché (comparaison entre l’indice Goldman Sachs des matières premières et l’indice Dow Jones), comme le montre le graphique suivant.
Difficile, il est vrai, d’avoir la certitude qu’un changement majeur s’est opéré, mais le graphique suivant (Indice des prix des producteurs par matière première: toutes matières premières c./Indice S&P 500 (jusqu’à fin août 2022)) semble indiquer qu’un virage a été pris et qu’à moins d’un krach immobilier ou d’un effondrement économique en Chine – nous sommes bien sûr conscients que cela est possible –, le marché des matières premières est entré dans une phase haussière.
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