Nvidia, qu’est-ce qui coince ?

Jensen Huang, CEO de Nvidia. REUTERS/Ann Wang © REUTERS
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

C’est à première vue très étonnant. Nvidia, la première capitalisation boursière au monde (5000 milliards de dollars) a publié ce mercredi des résultats trimestriels très solides : un chiffre d’affaires de  57 milliards de dollars, soit 62 % de plus qu’il y a un an, et un bénéfice de 31,9 milliards, en hausse de 65 % (au passage, on appréciera la marge bénéficiaire). Pourtant, les marchés financiers après s’être réjouis pendant un court moment, ont fait demi-tour et sanctionné l’action.

De stocks mystérieux

Quelle est la cause de ce revirement qui ébranle le fabricant de cartes graphiques dont les puissants processeurs sont prisés par les développeurs d’intelligences artificielles. Mais aussi tout le secteur de l’IA ?

En fait, une lecture attentive des résultats de Nvidia  montre plusieurs endroits où “ça coince”. Le premier est le montant des factures en souffrance, qui croît plus vite que la progression des ventes et du bénéfice : les impayés atteignent  33,4 milliards de dollars, soit une hausse de 89 % en un an et le délai de recouvrement est passé de 46 à 53 jours. Rien de catastrophique en soi, mais cela devient plus inquiétant lorsque l’on s’attache au montant des stocks :  ils sont en hausse de 32 %, atteignant 19,8 milliards de dollars. Or là, on a du mal à concilier les propos officiels, qui décrivent une pénurie de matériel tellement la demande est grande, avec ces chiffres qui montrent des stocks qui gonflent.

À cela s’ajoute les interrogations de ceux qui soupçonnent l’apparition dans l’écosystème de l’IA d’un mécanisme à la Lernout et Hauspie : des sociétés qui affichent des croissances formidables parce qu’elles financent les achats de leurs clients.

Une circularité douteuse

Nvidia investit massivement dans ses propres clients (plus de 53 milliards de dollars dans 170 deals entre 2020 et 2025), dans des opérations  souvent qualifiées de “circulaires”.  Nvidia a par exemple annoncé un investissement de 100 milliards chez OpenAI, et de 10 milliards chez Antropic, lesquels se sont engagés à acheter en retour des  volumes massifs de processeurs graphiques estampillés Nvidia.

À cette circularité s’ajoute un autre élément qui fait froncer les sourcils : la comptabilisation prématurée de certains revenus. Nvidia a ainsi encaissé des avances de clients et les a comptabilisées comme revenus avant livraison des puces. Cela embellit les résultats à court terme, mais constitue un danger : si soudain les commandes ralentissent, un problème comptable ne manquerait pas d’apparaître. Et si l‘on ajoute à ces revenus différés les questions concernant la hausse des stocks, on arrive à s’interroger sur la transparence des chiffres présentés. Et certains craignent déjà que dans ses prochains ses résultats annuels, le groupe soit acculé à afficher une hausse de ses créances douteuses. Ce qui pourrait signer l’éclatement de cette bulle de l’IA que certains voient gonfler depuis des mois. Ce sont des suppositions, mais elles suffisent à insuffler une belle dose de nervosité dans les marchés ces jours-ci.

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