Les acteurs de la tech et de l’IA continuent à être dans le rouge en bourse en cette fin de semaine. Des investisseurs se préparent déjà à une sérieuse correction. Le vent est-il en train de tourner ?
L’IA a subi quelques claques en bourse en début de cette semaine, notamment après un rapport du MIT qui montrait que 95% des entreprises ne tiraient encore aucun gain, que ce soit en termes financiers et/ou de productivité de la nouvelle technologie, malgré les investissements. Et ceux pour qui c’est le cas n’en tirent que des sommes plus modiques que ce qui était promis.
Les cours ont continué à être dans le rouge depuis. C’est qu’il y a comme une grande question qui s’installe, près de trois ans après le lancement de ChatGPT : et si les promesses étaient trop belles ? Que l’IA rapporte finalement moins que ce qui était estimé ? Ou du moins, moins rapidement ? Que les changements seront moins radicaux que ce que l’on imaginait ?
Préparation pour un éclatement de la bulle ?
Ce mercredi et jeudi, les noms plébiscités dans le rallye de l’IA, tout comme le Nasdaq, sont donc toujours dans le rouge. Moins que mardi, mais néanmoins toujours en chute… alors qu’ils ont si souvent eu l’habitude de redémarrer en trombes après des chutes. Est-ce une sorte de calme avant la tempête ? C’est en tout cas ce qu’on peut lire dans les pages de Bloomberg : les investisseurs préparent leurs put options, sorte d’instruments financiers à effet de levier qui permettent de se couvrir contre d’éventuelles chutes de cours.
Surnom donné ici : “puts du désastre”. Ces placements sont en forte hausse. Jeff Jacobson, stratégiste en produits dérivés chez 22V Research Group relayé par Bloomberg, estime que ces investisseurs s’attendent à une correction similaire à celle de début avril (suite aux annonces de droits de douane de Trump) dans les semaines à venir et non pas à une correction plus légère comme il peut y en avoir de temps en temps (qui est cependant son scénario privilégié).
Ces puts, les investisseurs les placent notamment sur l’ETF Invesco QQQ Trust Series qui est lié à la performance du Nasdaq, analyse l’expert. La différence entre le coût d’une telle assurance contre une grosse correction et celui contre une petite correction est à son niveau le plus élevé en trois ans.
Il note qu’une très forte concentration des investisseurs sur les noms de la Big Tech et de l’IA rend le rallye vulnérable à des corrections. “Il en faut peu”, prévient-il. Un élément qui pourrait par exemple contribuer à faire chuter les cours est la conférence de Jackson Hole de la Fed, ce vendredi. Le marché a déjà inclus une baisse des taux en septembre ainsi qu’une deuxième plus tard cette année dans les prix. Donc si Powell se montre plus pessimiste sur l’inflation, il pourrait en effet y avoir quelques mauvaises surprises. Puis la semaine prochaine, Nvidia présente ses résultats. L’événement est vu comme un véritable jauge pour le rallye, comme Nvidia gagne déjà beaucoup d’argent avec ses puces, qui sont les plus à la pointe pour développer l’IA. Mais avec ces nouveaux questionnements en tête, certains chiffres pourraient vite être interprétés de manière négative par les investisseurs.
Il y a aussi la hausse folle des cours qui joue. Plus les cours augmentent, plus les chutes peuvent être brutales en cas de pépin. Et certains, dont Sam Altman d’OpenAI, estiment que l’IA est déjà une bulle prête à éclater. En tout, voire sur différents pans du marché ou selon les entreprises. Nombre d’entre elles ne sont pas encore rentables mais voient leur valorisation augmenter grâce aux estimations de revenus futurs.
IA et signes de surhype ?
Et des potentiels pépins, ou signes similaires au rapport du MIT que l’IA n’en est pas encore au niveau de ses promesses, il y en a aussi eu d’autres, ces dernières semaines. La nouvelle version de ChatGPT, GPT-5, est par exemple largement perçu comme un flop. Meta, après des recrutements aux sommes folles pour débaucher les plus grands talents du marché, a mis un terme à ses embauches et réfléchirait même à réduire son unité d’IA. OpenAI et Anthropic ont annoncé des accords avec le gouvernement US pour utilisation de ses outils… à des sommes modiques, alors que ces boîtes sont encore loin d’être rentables.
Notons ; tout ceci ne remet pas en cause l’IA comme technologie, qui est et restera sans doute une révolution aux ampleurs historiques. Mais de temps en temps, comme plus tôt cette année avec la tempête DeepSeek, il peut y avoir des réajustements des croyances/espoirs sur les possibles de l’IA, en fonction de la réalité du terrain aujourd’hui. Il n’est en effet pas évident de prévoir l’envergure d’un tel bouleversement – qui plus est, dans un grand brouhaha fait entre angélistes et catastrophistes de cette technologie. Tout cela fait qu’en bourse, les vagues d’optimisme peuvent rapidement être chassées par des vagues de panique (et vice-versa), amplifiant encore le tout.