Les sous-marins allemands de ThyssenKrupp Marine Systems, nouvelles vedettes boursières

TKMS. Un acteur mondial dans le domaine des sous-marins à propulsion conventionnelle destinés à la marine. © PG / TKMS

Fin octobre, ThyssenKrupp Marine Systems faisait son entrée à la Bourse de Francfort. L’action a été introduite à 60 euros et a bondi dès le premier jour au-delà des 100 euros. Le constructeur allemand de sous-marins devient ainsi la nouvelle vedette des marchés, après le succès phénoménal de Rheinmetall.

ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) est une filiale du géant sidérurgique allemand ThyssenKrupp. Contrairement à sa société mère, en grande difficulté depuis des années face à la transition écologique de l’industrie sidérurgique européenne, TKMS bénéficie d’un vent favorable. Le 20 octobre, l’action TKMS a été introduite à la Bourse de Francfort au prix de 60 euros. Le cours a grimpé dès le premier jour au-delà de 100 euros.

L’entreprise est un acteur mondial dans le domaine des sous-marins à propulsion conventionnelle (non nucléaire) destinés à la marine. Le premier sous-marin allemand fut construit dès 1850 à Kiel, où TKMS a aujourd’hui son siège. Actuellement, 97 sous-marins TKMS naviguent pour 20 pays. Les principaux clients du groupe sont : la Corée du Sud (18 sous-marins), la Turquie (13), la Grèce (10), l’Allemagne, la Norvège et le Pérou (6 chacun), ainsi qu’Israël (5). La division des sous-marins a représenté l’an dernier près de la moitié du chiffre d’affaires.

Le carnet de commandes

Mais ce qui fait surtout saliver les investisseurs, c’est le carnet de commandes. TKMS est autorisée à construire encore 27 sous-marins sur ses chantiers navals de Kiel et – probablement dès l’an prochain – de Wismar, sur la mer Baltique. Le groupe construit ainsi six sous-marins pour la marine allemande et quatre pour la marine norvégienne. Ces deux pays ont signé en 2021 un accord de coopération. Le Canada et l’Inde ont eux aussi commandé des sous-marins. Il s’agit à chaque fois de contrats de plusieurs milliards, la construction d’un sous-marin prenant de trois à dix ans. TKMS a racheté le chantier naval de Wismar en 2022. Il y investit 300 millions d’euros et prévoit d’y créer 1.500 emplois supplémentaires d’ici 2029.

Parallèlement, l’entretien, les réparations et la modernisation des sous-marins rapportent des centaines de millions d’euros de revenus stables en liquidités. TKMS a conclu en juin avec la marine allemande un contrat de 10 ans pour la modernisation de sa flotte, d’une valeur de 800 millions d’euros. En outre, TKMS peut déjà facturer chaque année 30 millions d’euros pour l’entretien des sous-marins de la marine allemande.

Chantiers au Brésil

La deuxième plus grande division de TKMS construit des navires de guerre – corvettes, frégates, destroyers et dragueurs de mines. Ils sont principalement fabriqués sur le chantier d’Itajaí, au Brésil, au sud de São Paulo. Dans 16 pays, 84 navires de guerre TKMS sont actuellement en service, dont 18 pour la marine allemande. Le carnet de commandes en compte 11. La construction de tels navires prend trois à quatre ans. Le chiffre d’affaires de 571 millions d’euros de cette division a représenté l’an dernier 29% du chiffre d’affaires du groupe. Depuis 1960, TKMS a produit au total 325 navires de guerre (y compris les sous-marins).

La troisième branche de TKMS est spécialisée dans l’électronique navale, et plus particulièrement dans les systèmes sonar, sous la marque Atlas Electronics. Cette division, qui a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 590 millions d’euros, est la plus rentable du groupe.

Nouveau Wirtschaftswunder

Le 22 octobre, soit deux jours après son introduction en Bourse, l’action TKMS cotait autour de 80 euros, soit 68 fois le bénéfice net de l’exercice 2023-2024. Début novembre, le titre évoluait encore autour des 75 euros. La capitalisation boursière, de quelque 4,5 milliards d’euros, n’est pas très éloignée de celle de la société mère ThyssenKrupp (5,8 milliards d’euros). Le géant sidérurgique détient toujours 51% du producteur de sous-marins.

TKMS. De nombreux pays protègent leur marché contre les entreprises étrangères. © PG 

Les investisseurs nourrissent de grandes attentes dans la défense. La valeur du carnet de commandes atteignait fin juin près de 19 milliards d’euros. Le chiffre d’affaires provient presque entièrement d’achats militaires. La marine allemande est le plus grand client, représentant un quart du chiffre d’affaires, devant le Brésil et la Norvège.

Le cas Rheinmetall

L’autre chouchou allemand de la défense en Bourse, Rheinmetall, profite lui aussi d’attentes démesurées et d’un carnet plein. Son action est passée de 92 euros à 1.775 euros depuis le début de la guerre en Ukraine, fin février 2022, et se négocie à plus de 100 fois le bénéfice net. Il en va de même pour Saab, le groupe suédois coté en Bourse. L’entreprise bénéficie d’avantages supplémentaires : le gouvernement suédois garde son marché des sous-marins fermé aux entreprises étrangères telles que TKMS. L’action Saab a grimpé depuis le début du conflit ukrainien de 56 à 480 couronnes, et se négocie à 50 fois le bénéfice net.

Le secteur de la défense, surtout en Europe, se prépare à une croissance historique. L’Allemagne est le moteur en valeurs absolues. Selon le think tank économique Kiel Institut für Weltwirtschaft, le PIB annuel brut de l’Union européenne pourrait croître de 0,9 à 1,5% au cours des prochaines années si les dépenses militaires passent de 2 à 3,5% du PIB. L’Europe devra toutefois acheter son matériel de défense sur le Vieux Continent plutôt qu’aux États-Unis, et les investissements en recherche et développement devront aussi profiter aux applications civiles.

La défense, surtout en Europe, se prépare à une croissance historique. L’Allemagne en est le moteur en chiffres absolus.

TKMS met en avant ces leviers de croissance dans son prospectus boursier. L’Europe, en particulier, se prépare à une hausse de ses dépenses de défense. Le dividende de la paix, engrangé depuis la fin de la guerre froide, a rapporté 7.300 milliards d’euros depuis 1992. Les investissements dans l’équipement militaire sont restés quasi nuls. Le nombre de sous-marins a baissé de 45% au cours des dernières décennies, et celui des navires de guerre de 39%. Mais le monde devient plus dangereux, souligne le prospectus de TKMS : les conflits armés entre États sont passés de 31 en 2010 à 59 en 2023.

Des milliards pour les sous-marins

Les pays européens de l’Otan mènent une vaste opération de rattrapage. D’ici 2030, une hausse annuelle des dépenses de 11% est attendue, si les budgets de défense atteignent 2,9% du PIB. Ils passeraient ainsi de 435 milliards d’euros en 2024 à 800 milliards en 2030. Les dépenses navales mondiales augmenteront de 6% par an entre 2024 et 2033, de 78 à 135 milliards d’euros.

La facture européenne de la défense passerait de 435 milliards d’euros en 2024 à 800 milliards en 2030.

TKMS n’a toutefois accès qu’à une partie de ces milliards. De nombreux pays, à l’instar de la Suède, protègent leur marché des entreprises étrangères. Aux États-Unis, par exemple, TKMS ne peut pas vendre de sous-marins, seulement les applications électroniques d’Atlas Electronics. La France aussi écarte les groupes étrangers : le constructeur de navires militaires Naval Group est détenu aux deux tiers par l’État. Mais les investissements restent immenses.

Le marché mondial sur lequel TKMS peut vendre ses sous-marins devrait passer de 5 milliards d’euros en 2024 à 9 milliards en 2033, soit une croissance moyenne annuelle de 8%. Le marché des navires de guerre progresserait de 14 milliards en 2024 à 23 milliards en 2033, soit 6% de plus par an. La croissance d’Atlas Electronics serait encore plus marquée : de 12 milliards d’euros en 2024 à 29 milliards en 2033.

Ces milliards expliquent l’envolée de l’action TKMS. L’entreprise devra désormais répondre aux attentes. Le nouveau venu en Bourse prévoit une croissance annuelle du chiffre d’affaires de 10%. À moyen terme, la marge opérationnelle devra atteindre 7%, contre 4,3% en 2023-2024.

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