Les signaux contraires de la Fed

Jerome Powell © Getty

Une fracture s’est nettement dessinée en début de semaine au sommet de la Réserve fédérale américaine (Fed), entre les défenseurs assumés d’une détente des taux et les partisans de la prudence, soucieux de l’inflation.

Une fracture s’est nettement dessinée en début de semaine au sommet de la Réserve fédérale américaine (Fed), entre les défenseurs assumés d’une détente des taux et les partisans de la prudence, soucieux de l’inflation. La banque centrale des Etats-Unis a abaissé la semaine dernière ses taux directeurs pour la première fois de l’année, d’un quart de point de pourcentage.

Ces taux, qui guident les coûts d’emprunt, sont désormais dans une fourchette comprise entre 4% et 4,25%. Et les investisseurs s’attendent à ce qu’ils descendent encore, d’un quart de point à chaque réunion de politique monétaire programmée d’ici la fin de l’année (fin octobre et début décembre).

Mais ils sont douze à voter, et les récentes interventions publiques de responsables montrent qu’ils sont loin de s’être tous forgé la même conviction pour la suite. Stephen Miran vient d’intégrer l’institution sur proposition du président Donald Trump, un fervent défenseur des taux bas. M. Miran était jusque-là conseiller économique du chef d’Etat républicain, poste qu’il compte reprendre dans quelques mois, quand son mandat à la Fed – prévu pour être bref – sera terminé.

La semaine dernière, il a voté seul contre la décision majoritaire, plaidant pour un abaissement plus franc des taux directeurs, d’un demi-point d’un coup.

Et le nouveau gouverneur a expliqué lundi que les taux de la Fed devraient, d’après lui, se situer “environ deux points de pourcentage” plus bas dans les mois à venir. Il a aussi dit qu’il espérait convaincre ses collègues, alors que la banque centrale avance traditionnellement à pas mesurés.

“Inhabituelle”

Sans s’inscrire dans une telle rupture avec l’orthodoxie monétaire, la gouverneure Michelle Bowman a estimé mardi qu’il était “temps que le Comité (votant sur les taux directeurs, NDLR) agisse de manière résolue et préventive pour faire face à l’essoufflement du marché du travail et aux signes grandissants de fragilité”.

Si la dégradation du marché du travail “se poursuit, je crains que nous devions ajuster notre politique à un rythme plus rapide et dans une plus large mesure à l’avenir”, a aussi déclaré la responsable, qui avait été nommée à la Fed pendant le premier mandat de Donald Trump.

Son collègue Austan Goolsbee, président de la Fed de Chicago, a au contraire temporisé: “Je pense que nous devons faire preuve d’une certaine prudence et éviter d’adopter une attitude trop volontariste”, a-t-il dit sur la chaîne de télévision CNBC.

Il a pointé que l’inflation restait supérieure à la cible de la Fed (2%) “depuis quatre ans et demi consécutifs et continuait d’augmenter”.

Mise en garde contre une brusque détente

Entre ces deux rives, le président de la Fed Jerome Powell s’est gardé de donner trop d’indices sur le fond de sa pensée, mardi. Il a toutefois mis en garde contre une brusque détente.

“Si nous assouplissons (la politique monétaire) de manière trop soutenue, nous risquons de ne pas atteindre notre objectif en matière d’inflation et de devoir inverser la tendance par la suite pour la ramener pleinement à 2%”, a-t-il ainsi affirmé depuis l’Etat de Rhode Island (nord-est des Etats-Unis).

Il a aussi insisté sur le fait que la situation actuelle était “inhabituelle”, avec des pressions sur les prix – qu’il lie aux droits de douane mis en place par l’exécutif américain – en même temps que des pressions sur l’emploi.

Il attribue ces dernières à l'”incertitude” entourant les politiques publiques, “qui ont pesé sur les décisions d’investissement et les embauches”.

Or les outils à la disposition de la banque centrale – les taux directeurs – ne lui permettent pas de résoudre les deux problèmes à la fois. En baissant ses taux, la Fed risque d’amplifier l’inflation. Si elle les relevait, elle freinerait l’économie et donc les embauches, déjà atones.

“C’est un environnement très difficile lorsque vos deux objectifs (stabilité des prix et plein-emploi, NDLR) vous dictent deux choses différentes, vous devez faire un compromis. Et, encore une fois, nous n’avons pas été dans cette situation depuis de nombreuses années”, a relevé Jerome Powell

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire