Les géants américains des semi-conducteurs ont vu leurs actions chuter en bourse la semaine dernière. Entre prévisions jugées trop prudentes, investissements colossaux et incertitudes liées à la Chine, l’engouement autour de l’IA montre ses limites en Bourse.
Les valeurs technologiques américaines ont terminé la semaine en net repli vendredi, plombées par les résultats jugés décevants de deux grands noms des semi-conducteurs, Nvidia et Marvell Technology. Pour les investisseurs, ces publications nourrissent le spectre d’un ralentissement de la croissance dans le secteur de l’intelligence artificielle (IA), pourtant moteur de Wall Street depuis deux ans.
Nvidia et Marvell sanctionnés
La semaine dernière, le champion mondial des puces d’IA Nvidia a dévoilé ses résultats trimestriels. Malgré un chiffre d’affaires record de 46,7 milliards de dollars au deuxième trimestre 2025, tiré par les ventes de processeurs pour centres de données, le groupe a quelque peu déçu par ses prévisions, jugées en deçà des attentes les plus optimistes. Résultat : le titre a reculé de 3,4 % vendredi, avant le week-end prolongé.
« Bien que [Nvidia] n’ait pas exactement déçu les attentes, les inquiétudes concernant sa pénétration en Chine et ses prévisions ont quelque peu atténué l’enthousiasme », résume Florian Ielpo, responsable macroéconomique chez Lombard Odier Investment Managers, auprès du Financial Times.
La sanction a été plus lourde pour Marvell Technology, dont les revenus liés aux data centers se sont révélés inférieurs aux estimations des analystes. Spécialiste des puces personnalisées pour les hyperscalers (Amazon, Microsoft, Google), Marvell a vu son action plonger de 18,6 %. Dans la foulée, Bank of America a abaissé sa recommandation de « achat » à « neutre ».
Ces contre-performances ont pesé sur l’ensemble du marché : le Nasdaq Composite, à forte composante technologique, a reculé de 1,2 %, tandis que le S&P 500 a cédé 0,8 %, enregistrant sa plus forte baisse quotidienne depuis début août.
Contexte et manque de retour sur investissement
À ces annonces s’ajoute un contexte boursier particulier. Septembre est historiquement le mois le plus difficile pour Wall Street, marqué par des volumes d’échanges plus faibles après l’été et une tendance aux prises de bénéfices. De plus, la perspective d’un week-end prolongé a accentué ce mouvement.
Au-delà de l’effet conjoncturel, la nervosité des investisseurs reflète un doute plus profond : les retours sur investissement dans l’IA. Les grands groupes américains ont dépensé des centaines de milliards de dollars dans les infrastructures (centres de données, puces, serveurs) nécessaires pour faire tourner les modèles d’IA générative comme ChatGPT.
Or, selon Morgan Stanley, les revenus cumulés des hyperscalers – Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud – n’ont atteint que 45 milliards de dollars en 2024. Un chiffre conséquent, mais encore insuffisant pour justifier l’ampleur des investissements.
Les prévisions contenues de Nvidia par rapport à celles des investisseurs n’ont fait que renforcer les inquiétudes sur des retours sur investissement retardés.
La Chine, facteur d’incertitude supplémentaire
Mais ce n’est pas tout. Les tensions commerciales entre Washington et Pékin ajoutent à la volatilité. Nvidia, dont la Chine représente un marché stratégique, est confronté aux restrictions américaines sur l’exportation de puces avancées. Un accord a bien été trouvé avec l’administration Trump pour autoriser la vente de sa puce H2O, moyennant une taxe de 15 % reversée au Trésor américain, mais les détails restent à confirmer.
En parallèle, Pékin encourage ses entreprises à se détourner des puces américaines et à miser sur des alternatives locales. Ainsi, Alibaba prépare sa propre puce maison, tandis que le fabricant chinois Cambricon a publié des bénéfices record au premier semestre 2025, tout en annonçant des avancées technologiques rapprochant ses produits des performances de Nvidia. Son action a déjà plus que doublé depuis janvier.
Entre prévisions jugées trop prudentes, incertitudes géopolitiques et concurrence chinoise de plus en plus crédible, le secteur des puces, moteur de la fièvre boursière des deux dernières années, traverse une zone de turbulences.