“Le secteur du luxe moyen de gamme a de belles perspectives de croissance à long terme”

Un magasin Louis Vuitton à Hong Kong.
Sebastien Marien Stagiair Data News 

Burberry, Hugo Boss et Swatch sont tous dans le rouge et affichent des prévisions négatives, ce qui fait chuter lourdement leurs actions en bourse. Les entreprises du secteur du luxe souffrent de la faible demande actuelle en provenance de Chine. Ce problème est-il structurel ? Et y a-t-il des marques mieux protégées ? Explications de l’analyste Ken Van Weyenberg de Candriam.

Pendant trente ans, des entreprises comme Hermès, LVMH (incluant Louis Vuitton) et Richemont (incluant Cartier) ont surperformé sur les marchés boursiers sur lesquels elles sont cotées. Hermès a vu sa valeur augmenter en moyenne de 20 % par an durant cette période. LVMH a rapporté en moyenne 13,5 % sur base annuelle. Les actionnaires de Richemont ont perçu un rendement annuel moyen de plus de 10 %, dividendes inclus. Kering, connu pour Gucci, a gagné en moyenne 9,5 % par an. 

Dans son ensemble, le secteur du luxe a ainsi progressé en moyenne de 6,5 % par an. Mais, cette année s’avère problématique pour beaucoup de ces marques à succès. L’entreprise de mode britannique Burberry a vu son bénéfice net chuter de 45 % au cours du dernier exercice, avec des performances encore faibles prévues dans les mois à venir. Hugo Boss a également émis mardi une alerte sur ses bénéfices et a revu à la baisse ses prévisions de chiffre d’affaires de 15 % pour cette année. La marque horlogère Swatch (incluant Tissot, Longines et Omega) a vu, de son côté, son bénéfice net chuter de pas moins de 70 % au premier semestre. 

Dépendance à la Chine 

Toutes ces entreprises pointent vers l’est, direction la Chine. La crise immobilière persistante a affaibli la croissance économique du pays, réduisant ainsi la demande de produits de luxe. Les Chinois optent pour la sécurité. “Le secteur du luxe a bénéficié pendant des décennies de la montée de la classe moyenne, surtout dans un pays en croissance comme la Chine”, explique Ken Van Weyenberg, gestionnaire de portefeuille chez Candriam, qui estime que les périodes de croissance économique de 7 à 8 % par an en Chine sont terminées. 

Lundi, de nouveaux chiffres ont mis le doigt sur la plaie. Selon le bureau des statistiques de Pékin, la deuxième plus grande économie a crû de 4,7 % au deuxième trimestre. C’est moins que ce que la plupart des analystes avaient prévu et aussi moins que les croissances de 5,3 % et 5,2 % des trimestres précédents. 

“L’Inde reste un marché en forte croissance et le Japon bénéficie actuellement d’un coup de pouce positif grâce à la faible valeur du yen”

Ken Van Weyenberg, gestionnaire de portefeuille chez Candriam

“Les investisseurs dans les produits de luxe doivent prêter attention dans les bilans annuels à la mesure dans laquelle ces entreprises dépendent du marché chinois. Certaines entreprises affichent encore des chiffres de ventes favorables grâce à des ventes fortes dans d’autres parties du monde. L’Inde, par exemple, reste un marché en forte croissance et le Japon bénéficie actuellement d’un coup de pouce positif grâce à la faible valeur du yen”, explique Van Weyenberg. 

Le groupe de luxe suisse Richemont (incluant Cartier et Delvaux) est un exemple d’entreprise qui continue de répondre aux attentes. Au premier trimestre, il a enregistré un chiffre d’affaires de près de 5,3 milliards d’euros, a-t-il annoncé mardi. Il a vu ses ventes en Chine diminuer de plus d’un quart, mais globalement, le chiffre d’affaires de Richemont n’a baissé que de 1 %. 

Luxe haut de gamme et luxe moyen de gamme 

Un atout du groupe suisse est sa grande diversification, non seulement par son marché, mais aussi par son portefeuille. Les marques horlogères de Richemont, comme celles de Swatch, ont reculé, car ces ventes sont cycliques. Mais une marque de bijoux comme Cartier a pu compenser ce recul. 

Van Weyenberg recommande également aux investisseurs de distinguer les différents types de marques de luxe. “Il y a des marques qui représentent le luxe haut de gamme et d’autres qui proposent le luxe moyen de gamme. C’est surtout cette dernière catégorie qui subit des chocs en termes de ventes ainsi qu’en bourse. Ce sont les marques que la classe moyenne peut se permettre. Il est préférable de se tourner maintenant vers des marques qui conservent en permanence leur exclusivité. Elles y parviennent, par exemple, en ne vendant leurs produits que dans leurs propres magasins. Globalement, les ventes dans ces magasins monomarque ont augmenté de 10 % en 2023. Les marques de luxe haut de gamme ont également des acheteurs fidèles. Contrairement aux marques de luxe moyen de gamme, elles maintiennent leurs prix en ces temps difficiles, ce qui les rend toujours perçues comme exclusives par leur clientèle, moins influencée par la conjoncture économique.” 

LVMH se maintient  

Un critère important est la manière dont le groupe français LVMH – un conglomérat de 75 marques de luxe – se maintient. Mardi prochain, il annoncera ses résultats semestriels. LVMH dépend en grande partie de la Chine et son large éventail de marques inclut aussi des noms qui ne font pas partie du luxe haut de gamme ou qui sont moins établis. La marque de bijoux américaine Tiffany’s, par exemple, a longtemps proposé des bijoux dans différentes gammes de prix, bien que LVMH tente depuis un certain temps d’élever la marque. La semaine prochaine, nous saurons si Louis Vuitton, la marque de luxe haut de gamme et locomotive du groupe, pourra compenser les résultats plus faibles des marques de luxe moyen de gamme. 

Le consommateur asiatique sera le plus important consommateur mondial d’ici 2030.

Il y a heureusement aussi une lueur d’espoir pour les marques qui performent moins bien comme Swatch, Burberry et Hugo Boss. “La classe moyenne continue de croître au niveau mondial. Si nous ne regardons pas uniquement la Chine, mais toute l’Asie, nous constatons que le consommateur asiatique sera le plus important consommateur mondial d’ici 2030, selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)”, souligne Ken Van Weyenberg. “Après ces années difficiles, il y a aussi pour le secteur du luxe moyen de gamme de belles perspectives de croissance à long terme.” 

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