Le rallye boursier sur la défense européenne est-il une bulle prête à éclater ?

L’ancien chancellier allemand, Olaf Scholz, devant un drone de Rheinmetall. (Photo by Sean Gallup/Getty Images) © Getty Images

Les actions du secteur européen de la défense décollent avec les annonces de hausse des dépenses militaires en Europe. Mais il y a des risques (comme les déficits publics de certains pays et une trop grande concurrence) et une correction serait imminente, avertit BCA Research.

La défense européenne est un des gros sujets en ce début d’année. L’Europe veut moins s’appuyer sur les États-Unis pour son armement, mais veut s’armer davantage face aux gesticulations de Poutine. Ce qui promettrait une pluie de milliards en pour les entreprises européennes du secteur, en résumé. Leurs cours en bourse explosent.

Vous aussi êtes bullish quant à la défense européenne ? Essayez-vous à l’investissement en bourse avec notre concours Trends Invest Challenge.

  • L’Allemand Rheinmetall a par exemple gagné près de 130% depuis le début de l’année.
  • Thalès (une des actions les plus populaires de l’Invest Challenge) a gagné 82,5%.
  • Rolls-Royce est en hausse de 36%.
  • Autre Britannique, BAE Systems gagne 42,6%.
  • Le Français Dassault Aviation est en hausse de plus de 60%.
  • L’Italien Leonardo augmente de 81,5%.

Suivez les cours de ces entreprises sur notre plateforme Trends Bourse Live & Abonnez-vous à notre newsletter Bourse

Hausse trop importante ?

Mais ces entreprises vont-elles pouvoir continuer à décoller tel un avion de chasse, défiant la gravité ? Pour le cabinet BCA Research, ce n’est pas le cas. Jérémie Peloso, expert en stratégie d’investissement européenne, tire la sonnette d’alarme. “Les investisseurs ne devraient pas poursuivre la hausse des valeurs de défense européennes. Trop de bonnes nouvelles ont été intégrées trop rapidement. Le secteur a progressé de plus de 100% depuis que nous l’avons fortement recommandé de l’acheter, le 20 mars 2023. Notre opinion reste positive sur un horizon d’investissement structurel, mais les risques à court terme abondent. Prenez vos gains pour l’instant et attendez un meilleur point d’entrée”, met-il en garde dans une note.

En parallèle, “les conditions actuelles du marché ne sont pas propices à la poursuite de ce rallye. L’incertitude commerciale continue d’augmenter, les actions américaines sont vendues en masse et le VIX ainsi que les écarts de taux sur les junk bonds (obligations de pacotille) sont en hausse”, ajoute l’expert.

Hausse des actions de la défense, par pays, par rapport à l’Euro Stoxx 50. Image : BCA Research.

Déficits publics

L’autre point qui pose question, selon l’expert, ce sont les budgets que l’Europe et les pays membres prévoient pour augmenter les dépenses militaires. Berlin veut (individuellement) mettre 400 milliards d’euros sur la table et la Commission européenne 800 milliards. “En réalité, rien ne garantit que ces fonds seront approuvés, et encore moins qu’ils seront dépensés. En Allemagne, le fonds de 400 milliards d’euros et les exemptions du frein à l’endettement pour toute dépense de défense dépassant 1% du PIB annoncées par le chancelier en devenir Friedrich Merz doivent encore relever le défi au Bundestag. (…) Si cela n’aboutit pas, le rallye de la défense se repliera, même si la tendance est toujours à l’assouplissement du frein à l’endettement sur le long terme”, mettait en garde l’expert dans sa note. Le Parlement allemand a finalement voté en faveur de la loi, ce mardi soir… et ce mercredi, Rheinmetall mord la poussière, chutant de plus de 6%.

En Europe, certains pays pourraient avoir du mal à suivre les dépenses. “Un examen plus approfondi du plan de défense de la Commission européenne – ReArm Europe – laisse également entrevoir de sérieuses limites. Ce ne sont pas tant les 150 milliards d’euros de prêts de l’UE aux États membres pour les dépenses de défense que les 650 milliards d’euros de marge de manœuvre budgétaire supplémentaire sur quatre ans”, continue Peloso. De nombreux pays ne réunissent pas les conditions fiscales prévues par la Commission pour pouvoir augmenter leurs déficits (en vue de dépenser plus pour l’armement) ; leurs déficits publics dépassent déjà les seuils. C’est le cas, entre autres, de la Belgique, de l’Italie et de l’Espagne, qui sont déjà le plus loin de la fameuse barre des 2% du PIB en dépenses militaires prévue par l’OTAN.

Limites sectorielles

Autre risque qui pourrait entraver le grand réarmement européen et le rallye fou des actions de la défense en bourse : les entreprises se marchent sur les pieds. “L’augmentation des dépenses de défense est la bienvenue, mais elle ne résout pas le handicap sous-jacent du secteur européen de la défense : a fragmentation, qui se traduit par la présence de 30 types différents de chars de combat et de 20 types différents d’avions de combat à travers l’Europe. Cette situation est préjudiciable à l’industrie car elle empêche les économies d’échelle. La création d’un plus grand nombre de co-entreprises européennes est une solution. Il existe quelques bons exemples, tels que MBDA (fabrication de missiles), l’entreprise Eurofighter (BAE Systems, Leonardo et Airbus) et MGCS (entreprise franco-allemande pour la fourniture de chars de combat de nouvelle génération). Toutefois, le principal problème de cette approche est qu’il faut du temps avant qu’elle ne permette une plus grande échelle et qu’elle conduise à une plus grande spécialisation et à moins de redondances”, analyse l’expert.

Ce qui a comme conséquence qu’à court et à moyen terme, les pays vont continuer à acheter des armes chez l’Oncle Sam majoritairement, même s’ils se prononcent aujourd’hui en faveur d’une préférence européenne. Cela prendrait des années avant de voir la situation s’inverser. Le marché devrait également s’en rendre compte bientôt – et les vendeurs d’armes américains battraient alors ceux du Vieux continent (avec l’argent de la hausse des dépenses des États membres, soi-disant promis aux entreprises locales). Chute imminente ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content