Le private equity est-il une bulle ?

Le private equity est-il une bulle ? © Getty Images/iStockphoto

Depuis quelque temps déjà, le private equity (investissement dans des sociétés non cotées en bourse) jouit d’une aura de catégorie d’investissement supérieure. Haut rendement, faible risque et peu de fluctuations, dit-on. Cela s’est avéré être un bon argument marketing, mais qui ne correspond pas à la réalité. Entre-temps, le secteur a déjà perdu quelques plumes et continue d’en perdre.

Ces dernières années, les investisseurs professionnels ont souvent présenté le private equity comme la meilleure classe d’actifs, surtout par rapport aux actions cotées en bourse, qui avaient perdu de leur attrait. Un investissement dans des fonds de private equity serait plus rentable et moins risqué que la bourse. Et comme c’est souvent le cas, lorsqu’une idée est répétée suffisamment souvent, le grand public la prend pour argent comptant, sans y réfléchir de manière critique.

C’était également mon cas. Jusqu’à récemment. J’ai écouté un podcast avec Dan Rasmussen de Verdad Capital et il a présenté cette idolâtrie du private equity sous un tout autre jour.

Le private equity, des nains

Tout d’abord, il s’agit d’un type d’entreprises très différent de celui dans lequel la plupart des gens investit habituellement. Rasmussen commence sa comparaison avec le S&P 500. Il s’agit des cinq cents entreprises les plus grandes, les meilleures, les plus rentables et les plus qualitatives au monde. Elles représentent ensemble une capitalisation boursière de 53.000 milliards de dollars, soit en moyenne un peu plus de 100 milliards par entreprise.

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Un cran en dessous se trouvent les petites entreprises cotées en bourse ou small caps, regroupées aux États-Unis dans le Russell 2000. Elles ont une valeur boursière moyenne inférieure à 4 milliards de dollars par entreprise. Elles sont généralement beaucoup plus volatiles et plus endettées.

Un cran plus bas encore, on trouve les entreprises dans lesquelles investissent les fonds de private equity. Aux États-Unis, elles sont environ 12.000. Elles ont une valeur totale de 2.000 milliards de dollars, soit un peu moins de 170 millions de dollars par entreprise.

En Europe, les proportions sont encore plus frappantes. L’Euro Stoxx 600 a une valeur boursière de 14.600 milliards d’euros, soit une capitalisation boursière moyenne de 24 milliards par entreprise. En revanche, les fonds de private equity détiennent 105.000 entreprises en portefeuille, pour une valeur totale de 1.200 milliards d’euros, soit une moyenne de 11 millions d’euros par entreprise.

Petit n’est ni mieux ni plus sûr

Affirmer que ces petites entreprises plus endettées constituent un investissement plus rentable, avec en plus un risque moindre, comme le font depuis des années les évangélistes du private equity, va à l’encontre de toute logique commerciale et des conclusions empiriques.

Ces sociétés de non cotées obtiennent en moyenne des scores nettement inférieurs à ceux de leurs homologues cotées en bourse sur tous les critères de qualité. Elles bénéficient de moins d’économies d’échelle, ont un rendement des capitaux propres et des capitaux investis plus faible, des marges bénéficiaires plus faibles, des flux de trésorerie plus faibles et plus de dettes, sur lesquelles elles doivent en outre payer des taux d’intérêt plus élevés, résume Rasmussen.

Le private equity comparé aux entreprises du S&P 500. Source : Verdad Capital

C’est précisément la raison pour laquelle elles génèrent des rendements plus élevés en tant qu’investissement : elles sont souvent soumises à un effet de levier de dette important. Mais cela entraîne justement un risque plus élevé, qui justifie donc ce rendement plus élevé.

L’argument selon lequel le risque et la volatilité sont moindres doit donc être pris avec des pincettes. Rasmussen apporte d’autres preuves pour démontrer cette thèse. Au Royaume-Uni, plusieurs fonds de private equity sont cotés en bourse. Deux choses sont frappantes. D’une part, ils sont beaucoup plus volatils que la moyenne du marché.

Volatilité du Private Equity. Source : Verdad Capital

Et d’autre part, au cours des deux dernières années, ils ont enregistré une décote plus importante par rapport à leur valeur intrinsèque que les années précédentes. En d’autres termes, les investisseurs souhaitent disposer d’une marge de sécurité légèrement plus importante qu’auparavant pour conserver ces fonds de capital-investissement cotés en bourse.

Fonds de private equity : décote du cours par rapport à la valeur nette intrinsèque. Source : Verdad Capital.

Trop enthousiaste pour de la camelote ?

Pourtant, les investisseurs institutionnels américains ont massivement investi dans le private equity. Parfois, jusqu’à 30 à 40% de leur portefeuille est constitué de ces petites entreprises non cotées, alors que leur valeur marchande – comme le montrent les chiffres – ne représente qu’une fraction de celle de l’univers des entreprises.

La semaine dernière encore, l’administration Trump a décidé que les fonds de pension complémentaires américains pourraient désormais investir dans des classes d’actifs alternatives, notamment le private equity, mais aussi les cryptomonnaies et l’immobilier privé. En Europe, le régime ELTIF existe depuis longtemps, permettant de regrouper le private equity dans un certain type de fonds d’investissement accessible aux investisseurs particuliers. Ici aussi, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander à pouvoir investir une plus grande partie des fonds de pension complémentaires sur les marchés du private equity.

Tout cela est censé répondre à l’idée selon laquelle les simples mortels et les épargnants ne peuvent pas accéder à cette classe d’actifs supérieure. La question est bien sûr de savoir à quel point elle est réellement supérieure.

Le vent a tourné pour le private equity, ces deux dernières années. Comme le souligne Rasmussen, les fonds de private equity distribuent en moyenne environ 30% de leur valeur chaque année grâce aux entreprises qu’ils ont vendues via des exits, ou sorties. L’année dernière, ce pourcentage est tombé à 10%. En d’autres termes, ils ont plus de mal à vendre leurs participations.

En Europe, le secteur du private equity connaît la même tendance à la baisse. En 2024, seuls 400 milliards d’euros ont été réalisés avec ces ventes, un niveau historiquement bas au cours des cinq dernières années.

L’évolution du private equity en Europe. Source : S&P Global.

Les questions de Rasmussen sur le private equity semblent donc plus que justifiées. « Toutes ces entreprises valent-elles vraiment ce qu’elles valent actuellement sur papier ? Ou tout le monde s’est-il montré un peu trop enthousiaste à propos de toute cette camelote ? »

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