L’Allemagne pourrait-elle perdre son Triple A ?

Le chancellier allemand Olaf Scholz. REUTERS/Heiko Becker © REUTERS

Les obligations allemandes sont considérées comme les plus sûres et les plus stables du marché. Le pays bénéficie d’une notation AAA auprès de toutes les grandes agences de notation. Cependant, face à la crise économique et politique actuelle, cette note pourrait-elle être remise en question ?

L’Allemagne est souvent perçue comme un symbole de stabilité en Europe. Son économie dynamique stimule la croissance de l’ensemble du bloc européen. Son gouvernement, solide et structuré, sait fixer une direction claire et donner le ton. Ses produits manufacturés, réputés pour leur deutsche Qualität, sont prisés à travers le monde. Par ailleurs, ses obligations, considérées comme une valeur refuge, servent de référence pour le marché obligataire européen, notamment à travers l’analyse du fameux spread.

Autrefois synonyme de stabilité, l’Allemagne ne correspond plus tout à fait à cette image aujourd’hui, bien que ses obligations restent solides. Première économie du continent, elle est désormais souvent qualifiée d’”homme malade de l’Europe” après avoir enregistré deux années consécutives de recul du PIB. Le gouvernement Scholz, premier à succéder aux 16 années de leadership d’Angela Merkel, surnommée la Mutti der Nation, n’a pas achevé son mandat, victime de divisions internes ayant conduit à des élections anticipées en février.

Le géant semble désormais fragilisé, comme s’il avait des pieds d’argile. Cela soulève une question cruciale : la notation de l’Allemagne, actuellement excellente avec un triple A, pourrait-elle être revue à la baisse ?

S’attaquer aux problèmes structurels

« La faible croissance du PIB ne constitue pas en soi une menace immédiate pour la note AAA de l’Allemagne, même si la stagnation économique se poursuit en 2025. Cependant, la pression sur la note augmentera si l’Allemagne ne parvient pas à s’attaquer aux causes de cette faible croissance », explique Eiko Sievert, directeur de l’agence de notation européenne Scope Ratings, dans une déclaration à Reuters.

En d’autres termes, si l’Allemagne ne traite pas les racines de ses problèmes de croissance, elle risque à terme de perdre sa précieuse notation AAA. Mais quelles sont ces causes ? Sievert en identifie plusieurs, notamment les prix élevés de l’énergie, « qui pèsent sur la production et affaiblissent la force d’exportation de l’Allemagne ». Ces prix, régulièrement pointés du doigt ces trois dernières années depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, constituent un défi majeur. En effet, Berlin, bien plus dépendante que d’autres pays européens du gaz russe bon marché, fait face à des coûts élevés dans sa transition énergétique.

Dette

De l’autre côté, la dette allemande est assez basse. Elle ne représente que 63% du PIB, contre bien plus de 100% en France, en Italie, en Belgique et aux Etats-Unis. Cette dette basse, presque endéans des critères de bonne gouvernance des finances publiques de Maastricht (60% du PIB), donne toujours au pays la réputation d’être un bon payeur, à qui on peut aisément prêter de l’argent.

“Mais cet élément, à lui tout seul, ne suffit pas à garantir le maintien de la note AAA”, met en garde Sievert. Il rappelle que la moyenne des ratios de dette/PIB des pays qui ont un triple A chez Scope est de 36%. L’Allemagne a d’ailleurs le ratio le plus élevé dans ce club sélect.

Ce qui amène à un paradoxe. Le pays doit-il limiter ses dépenses pour garder un ratio de dette stable (comme le veut son frein à l’endettement) ou doit-il emprunter davantage et investir pour relancer la machine ? Pour Sievert, l’un n’empêche pas forcément l’autre ; il faudrait réformer ce frein à l’endettement et encourager l’investissement public afin d’encourager la croissance. Reste à voir ce que fera le prochain gouvernement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content