La FSMA absout partiellement Nyrstar

Illustration picture shows the logo of Nyrstar in Balen, Tuesday 07 July 2020. The zinc powder production is part of the large Zinc smelter of Nyrstar. BELGA PHOTO LUC CLAESSEN © BELGA
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Certains avaient accusé Nyrstar d’avoir gravement trompé le marché en cachant les relations léonines qui liaient le groupe à Trafigura, son « actionnaire de soutien », qui finira par exproprier les actionnaires belges. Mais l’Autorité des services et marchés financiers (FSMA) n’a pas suivi cette thèse, pourtant défendue par son auditeur, c’est-à-dire son « juge d’instruction ».

L’auditeur de la FSMA avait retenu quatre griefs : trois portaient sur une manipulation de marché par diffusion d’informations fausses ou trompeuses et le quatrième portait sur un manquement aux obligations de notification.

Informations trompeuses

Plus précisément, il était reproché à Nyrstar d’avoir communiqué des informations fausses et trompeuses, lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre 2018,  sur sa relation avec Trafigura et les accords commerciaux conclus au cours des années précédentes.  Une information cruciale pour les actionnaires. Car quelques mois plus tard, en avril 2019, face à une faillite imminente, Trafigura, géant du trading des matières premières,  client de Nyrstar mais aussi actionnaire à près de 25% du groupe,  orchestre une restructuration controversée. Les actifs opérationnels de Nyrstar sont transférés dans une nouvelle entité, contrôlée à 98 % par Trafigura. Les actionnaires minoritaires ne conservent que 2 % des parts. En échange, une partie de la dette est effacée. Si Trafigura présente ce plan comme un sauvetage, les minoritaires y voient une expropriation.

En septembre 2022, l’auditeur de la FSMA avait remis un rapport qui , selon lui, mettait  en lumière « un schéma de communication positive et de messages rassurants» qui «contrastait fortement avec les évolutions factuelles effectives non publiques au moment de cette communication». Un rapport de McKinsey, repris dans cette enquête, indiquait que Nyrstar avait caché plus de 700 millions d’euros de dettes : le groupe aurait dû afficher en 2018 une dette de 2,4 milliards d’euros, alors qu’il n’a communiqué que 1,68 milliard.

Sanctions légères

La Commission des sanctions de la FSMA, le gendarme des marchés, devait donc se pencher sur ces griefs, et la sanction tombée vendredi est bien moins lourde que ce à quoi on aurait pu s’attendre à la lecture du rapport de l’auditeur.

La Commission constate deux infractions, relativement mineures et débouchant sur une amende administrative de 80.000 euros à payer par Nyrstar. Aucun administrateur du groupe n’est sanctionné à titre personnel.

Un premier grief concerne  la violation de l’interdiction des manipulations de marché : Nyrstar  a diffusé des informations fausses ou trompeuses en parlant dans sa communication d’une « forte liquidité engagée de 631 millions d’euros », alors que celle-ci était entre-temps tombée à 440 millions et que le groupe prévoyait de tomber en dessous de 200 millions à la fin de l’année.

 Nyrstar a également été sanctionnée pour ne pas avoir averti à temps la FSMA du report de la divulgation d’information privilégiée. En revanche, les accusations les plus graves, concernant la publication d’informations trompeuses sur la position de solvabilité et de liquidité de Nyrstar SA, notamment sur son ratio d’endettement et sur la restructuration de son capital, ont été rejetées.

Selon la FSMA, Nyrstar n’a pas trompé le marché sur sa relation avec Trafigura et ni sur la contribution au résultat attendu du redéveloppement du site de sa fonderie de zinc à Port Pirie (un projet australien dont les pertes ont aggravé la situation du groupe).

Actionnaire de soutien ?

Pourquoi la Commission des sanctions n’a-t-elle pas suivi le rapport de l’auditeur ? Pour plusieurs raisons, qui feront couler beaucoup d’encore.

La FSMA juge en effet que le marché était suffisamment familiarisé avec la signification nuancée de la description de Trafigura comme « actionnaire de soutien » (le groupe avait 24,7% du capital en 2018). Le marché comprenait que Trafigura était à la fois actionnaire, créancier et partenaire commercial et était prêt à chercher des solutions sans pour autant sacrifier ses propres intérêts sociétaux. Cette relation était conciliable avec des « négociations dures » au cours desquelles Trafigura a fait valoir sa position .

La FSMA n’a pas jugé non plus qu’il était prouvé que Trafigura ait utilisé sa position de créancier ou de financier comme un levier pour obtenir des conditions commerciales plus favorables pour elle-même. Elle mentionne que le prix de traitement du minerai que la fonderie (Nyrstar) pratiquait à l‘égard de Trafigura était  conforme au marché, compte tenu de l’avantage de la sécurité d’approvisionnement offerte à Nyrstar.

 Enfin, la Commission des sanctions estime qu’il était justifié de pouvoir s’attendre  à ce que Trafigura continue à apporter un soutien financier. Elle juge que Nyrstar a communiqué avec prudence, évitant de donner l’impression que des engagements concrets concernant un soutien financier futur (avances et fonds de roulement) avaient déjà été pris.

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