Entre yen faible, dividendes généreux et entreprises technologiques prometteuses, la Bourse japonaise pourrait bien offrir aux investisseurs des opportunités à ne pas manquer.
La Bourse japonaise atteint de nouveaux records. Malgré la démission soudaine du Premier ministre Shigeru Ishiba. Le Parti libéral (LDP), qui règne depuis longtemps sur le pays, a subi deux défaites électorales cuisantes l’an dernier, poussant Shigeru Ishiba vers la sortie, un an à peine après son entrée comme Premier ministre. Cela a certes fait baisser le yen, mais a aussi fait grimper la Bourse.
Nouveaux records
Il a fallu du temps au Nikkei 225 pour dépasser le pic historique de 1989 (38.957 points). S’en est suivie une période de plus de 30 ans sous ce record. Ce n’est que le 22 février 2024 que l’indice a dépassé l’ancien pic de 1989 et a établi un nouveau record historique. La Bourse japonaise a été en retrait pendant des décennies pour de multiples raisons.
Les Abenomics soutiennent l’économie
Sous le gouvernement Abe (2012-2020), l’économie a été stimulée par les “Abenomics”, avec une politique monétaire accommodante, des aides fiscales et des réformes encourageant le versement de dividendes et le rachat d’actions. Cette politique, combinée à la faiblesse du yen et au regain d’intérêt des investisseurs étrangers, a entraîné une reprise du marché boursier. Malgré des niveaux record, il reste du potentiel compte tenu des fondamentaux toujours attrayants des actions japonaises, avec un ratio cours/bénéfice (C/B) de 16 pour le Topix contre plus de 29 pour le S&P500, dont le rendement en dividendes (1,2%) est bien inférieur à celui du Topix (2,2%), alors que le Japon et les États-Unis sont aujourd’hui à peu près à égalité en termes de croissance des dividendes.
Le Japon abrite aussi de nombreuses technologiques de premier plan, notamment dans le domaine des semi-conducteurs, des logiciels et, ces dernières années, de l’intelligence artificielle (IA), des drones et de l’aérospatiale. Il n’est pas surprenant que Warren Buffett ait investi de plus en plus au Japon ces dernières années, et que les fusions et acquisitions se multiplient, souvent avec des entreprises nord-américaines et/ou des investisseurs en capital-risque qui tentent, avec plus ou moins de succès, de retirer des entreprises japonaises de la Bourse.
Au Japon, malgré les “Abenomics“, les entreprises détiennent encore souvent des actions les unes des autres au sein d’un “keiretsu”, un réseau d’entreprises liées qui se soutiennent mutuellement. Les “Abenomics” ont en partie stimulé le rendement pour les actionnaires, mais les intérêts mutuels restent perceptibles, ce qui constitue souvent un obstacle aux fusions et acquisitions.
Peu de mégacaps
Outre les intérêts mutuels des actionnaires, il existe un certain nombre de caractéristiques typiques des actions japonaises et des investissements au Japon dont les investisseurs doivent être conscients. Le pays compte près de 4.000 sociétés cotées mais la plupart d’entre elles ont une valeur boursière inférieure à 500 millions d’euros, avec un nombre remarquable d’actions d’une valeur entre 10 et 100 millions d’euros.
Ces entreprises ne sont pas ou peu suivies par les analystes et affichent souvent des fluctuations de cours extrêmes, tant à la hausse qu’à la baisse. De plus, la communication avec les actionnaires est très succincte et souvent en japonais exclusivement, ce qui, malgré les applications de traduction et l’IA, reste difficile pour les investisseurs étrangers, même les professionnels.
Par rapport aux États-Unis, le Japon compte peu de grandes entreprises en termes de valeur boursière : Toyota Motor est de loin la plus grande, avec 267 milliards d’euros. Seules six actions ont une valeur de 100 milliards d’euros ou plus, et il y a à peine plus de 100 actions au Japon dont la valeur boursière dépasse 10 milliards d’euros.
Faiblesse du yen
Le yen continue de baisser, le Japon maintenant des taux d’intérêt bas et une masse monétaire importante, tandis que les taux d’intérêt plus élevés aux États-Unis et en Europe attirent les capitaux vers le dollar et l’euro.
Ceci dit, de nombreuses entreprises japonaises réalisent une bonne partie de leur chiffre d’affaires (CA) à l’étranger, notamment en Asie et sur d’autres marchés à forte croissance. Un yen faible accroît les bénéfices en yens lors de la conversion du CA étranger, ce qui renforce la position des exportateurs et des multinationales.
Dans le même temps, ils profitent de la forte croissance économique en Asie et de leur proximité stratégique avec ces marchés. Le Japon reste donc attrayant pour les investisseurs malgré la baisse du yen. Avec un gain de 10%, le Topix compense largement la perte de change cette année et, grâce à la sélection des titres, il est bien sûr possible d’obtenir un rendement encore meilleur avec les actions japonaises.
Quatre candidates japonaises
Nous sélectionnons quatre actions japonaises qui offrent de solides perspectives à long terme. Moins connues, elles présentent un bilan solide et un dividende élevé recelant des possibilités de croissance.
1. Tokyo Electron
Tokyo Electron (TE) est une entreprise de haute technologie qui fabrique des équipements pour la production de semi-conducteurs. Son CA pour 2025 (fin mars) a crû de 32,8%, à un nouveau record de 2.430 milliards de yens, mais pour l’année 2026 en cours, TE dit anticiper une légère baisse de son CA, à 2.350 milliards de yens, les fabricants de puces investissant moins, ce qui a entraîné une chute de 18% du cours de l’action. À plus long terme, les perspectives sont excellentes pour TE, qui a vu son cours divisé par deux, à 20 245 yens, depuis son plus haut niveau. Avec un bilan sans dette, un ratio cours/bénéfice (C/B) de 19 et un dividende de 2,9%, l’action est digne d’achat.
2. Daikin Industries
Daikin Industries est surtout connu pour ses produits de plus en plus visibles dans les rues grâce à ses célèbres climatiseurs. C’est en effet le plus grand acteur HVAC au monde en termes de CA. Daikin, qui réalise la majeure partie de son CA aux États-Unis, devrait également bénéficier dans les années à venir de la forte croissance attendue, notamment pour les ventes de climatiseurs, réchauffement climatique oblige. Daikin, qui n’a aucune dette, affiche un ratio C/B de 20 et combine cela avec une croissance moyenne du dividende à deux chiffres au cours des 10 dernières années. Cette année, le dividende a crû de 12%, à un niveau record de 280 yens, et un dividende spécial de 50 yens a été versé. Avec un rendement de dividende de 1,5%, Daikin est digne d’achat, notamment en raison du cours quelque peu à la traîne.

3. Toyota Tsusho Corporation
Il n’est pas surprenant que Warren Buffett ait investi de plus en plus au Japon ces derniers temps.
Toyota Tsusho Corp est une société commerciale japonaise typique, comparable aux actions dans lesquelles Warren Buffett investit. Moins connue, TTC est une “sōgō shōsha” (une société générale de commerce et de gestion de projets au sein du groupe Toyota) active à l’échelle mondiale dans des secteurs comme les métaux, la logistique ou encore l’énergie. L’action affiche d’excellents résultats cette année (+37%), mais reste toujours bien valorisée avec un ratio C/B de 11 et de belles perspectives de croissance pour les années à venir. Je m’intéresse surtout au dividende de Toyota : un rendement de 2,7% et une explosion du dividende de près de 30% par an depuis 2023, ce qu’aucune des sōgō shōsha de Buffett ne peut égaler.
4. Terumo

Terumo Corp, l’une des plus grandes entreprises de technologie médicale du pays, est un fabricant d’équipements et de technologies médicaux actif dans le monde entier. À l’instar du secteur, Terumo ne tient pas vraiment la forme en Bourse, ce qui rend l’action d’autant plus intéressante, malgré un ratio C/B assez élevé de 24 pour 2025, ce qui est logique compte tenu de la belle croissance à deux chiffres des dernières années. Terumo affiche aussi plus de liquidités que de dettes au bilan et a augmenté son dividende à deux chiffres à chaque fois ces dernières années. Cette année, le dividende a enflé de 18%, à un niveau record de 26 yens. Avec un rendement de dividende de 1%, ce n’est pas mal du tout pour cette belle entreprise de croissance qui génère près de 80% de son CA hors Japon.
Topix versus Nikkei
Le Nikkei est populaire à l’échelle internationale. Il regroupe 225 grandes entreprises et est pondéré selon le cours, tandis que le Topix (plus de 1.600 entreprises) est pondéré en fonction du marché, ce qui donne une image plus représentative du marché japonais. Par rapport aux indices américains, le Nikkei est comparable au Dow Jones Industrial Average, tandis que le Topix ressemble plus au S&P500, notamment en raison de sa répartition beaucoup plus large.