Klarna en bourse : le réveil de la tech européenne

Sebastian Siemiatkowski, CEO de Klarna, lors de l’introduction en bourse ce mardi 10 septembre. REUTERS/Brendan McDermid © REUTERS
Charly Pohu

L’introduction en bourse de Klarna ravive les espoirs d’un réveil de la tech européenne, qui pourrait venir challenger la Silicon Valley. C’est aussi un signe de plus de la consécration des fintechs.

Klarna a fait son introduction en bourse cette semaine, à New York. L’entreprise a pu lever près de 1,4 milliard de dollars. Le prix de l’offre était de 40 dollars (qui valorisait l’entreprise à plus de 15 milliards de dollars), et après deux jours de négociation (mercredi et jeudi), le cours affiche 42,74 dollars. Soit une hausse de près de 7%.

L’entrée en bourse de l’acteur européen – suédois – du paiement différé était très attendue. Elle avait déjà été prévue plus tôt, fin 2024, mais mise sur pause avec les turbulences de marchés en début d’année.

Klarna est un peu devenu l’antonomase du BNPL, ou Buy now, pay later. C’est un système de paiement différé, ou échelonné, qui permet de régler des dépenses en plusieurs fois, souvent sans frais ou à frais bas pour les utilisateurs particuliers. Klarna a commencé avec ce service, mais se lance désormais aussi dans d’autres services bancaires et financiers.

L’Europe, challenger de la Silicon Valley

La fintech suédoise est donc le leader mondial de la technologie du BNPL. Elle a innové et s’est imposée avant les Américains ou d’autres grands acteurs. Son entrée en bourse, sorte de consécration ou d’adoubement de l’entreprise, (re)met donc le focus sur la tech européenne et sa capacité à venir challenger la Silicon Valley et l’Asie.

Ce sujet ne date pas d’hier, mais cette IPO (ainsi que de récentes hausses des valorisations dans les acteurs européens de l’IA comme le français Mistral ou le britannique ElevenLabs) ravive les espoirs d’une tech européenne qui s’impose dans le monde. Dans le secteur du capital-risque (qui investit dans les start-up), notamment.

“Tout a commencé il y a 25 ans, lorsque nous avons vu apparaître les premiers signes d’un écosystème technologique européen inspiré par le boom initial des dotcoms, qui était avant tout une affaire de la Silicon Valley”, retrace Suranga Chandratillake de Balderton Capital auprès de CNBC. “Il y a eu des revers temporaires comme la crise financière de 2008 et le ralentissement technologique post-Covid, mais l’écosystème a rebondi plus fort à chaque fois.”

Réveil de la tech européenne ?

“À l’heure actuelle, la convergence d’une nouvelle opportunité technologique considérable sous la forme de l’IA générative, ainsi que d’une communauté qui a déjà fait ses preuves et qui a accès aux capitaux nécessaires, donne naturellement naissance à un grand nombre d’entreprises qui redéfinissent le secteur”, ajoute-t-il, voyant ainsi un bel avenir pour le secteur européen de la tech.

L’incertitude qui découle des droits de douane et autres politiques commerciales et internationales de Donald Trump pourrait aussi être un gros coup de pouce pour la tech européenne. Elle pousse en tout cas l’Europe à une préférence locale, pour réduire cette incertitude. Autre argument en faveur : des valorisations beaucoup plus faibles qu’ailleurs dans le monde.

Mais où en est la tech européenne en termes de chiffres ? Un rapport d’Atomico, cabinet de capital-risque, évaluait l’écosystème à 3.000 milliards de dollars, en 2024. Un chiffre qui pourrait plus que doubler en dix ans, à 8.000 dollars en 2034. Une belle croissance… mais qui resterait loin des Etats-Unis, où rien que les grands noms de la tech pèsent aujourd’hui déjà plus de 20.000 milliards de dollars.

Quelques champions européens ont déjà pu se distinguer. “Il y a dix ans, il n’existait aucune start-up européenne évaluée à plus de 50 milliards de dollars ; aujourd’hui, il y en a plusieurs”, explique aussi Jan Hammer, associé chez Index Ventures, au média américain. “Des dizaines de milliers de personnes ont désormais une expérience directe de la création et du développement d’entreprises mondiales telles que Revolut, Alan, Mistral et Adyen. Surtout, les start-ups européennes ne se contentent plus de s’étendre à l’étranger : elles sont mondiales dès leur création.”

L’Europe a donc toujours sa carte à jouer sur la scène mondiale de la tech, mais le secteur devra aussi surpasser quelques difficultés, comme les nombreuses barrières et différences intra-européennes qui existent toujours.

La fintech s’impose

D’ailleurs, en parlant de ce momentum de la tech européenne, il y a un élément qui pourrait faire tache. C’est l’introduction de cette pépite suédoise qu’est Klarna en bourse… à Wall Street. Une introduction en bourse chez nous (Londres avait d’ailleurs été réfléchi comme option) aurait pu être la cerise sur le gâteau de ce récit européen, justement au moment où le Vieux continent vit aussi une belle année en bourse. Mais Wall Street est sans doute un choix plus évident pour cet acteur mondial qu’est aussi Klarna, car c’est un marché plus accessible pour les investisseurs à échelle planétaire et plus liquide que Stockholm, et où règne une plus grande culture de l’investissement.

Bref, passons. Au-delà du sujet autour de la tech européenne, l’IPO de Klarna est aussi un signe de consécration pour la fintech dans son ensemble. Ces jeunes acteurs du secteur financier viennent bousculer les banques sur leur terrain de jeu.

Ce signe s’inscrit dans une série : il y en a eu plusieurs récemment. Le premier c’est l’annonce, il y a une semaine, que le 22 septembre Robinhood intégrera le S&P 500, le prestigieux indice des 500 entreprises américaines cotées en bourse les plus importantes. La plateforme américaine de trading a contribué à démocratiser l’investissement en bourse, qui avant était réservé aux banques ou aux courtiers et aux riches clients. Du moins, dans l’idée qu’on en avait. La plateforme rebelle s’était notamment fait un nom lors de la pandémie, comme outil préféré des boursicoteurs et lors du phénomène des memestocks. Introduite à Wall Street en mi-2021, son cours a fortement chuté lors de ses premiers mois puis est resté relativement plat jusque fin 2024. Depuis, l’action a fait sensation et a gagné plus de 800%.

Le deuxième, c’est Revolut. L’entreprise britannique a débarqué sur le marché en proposant une carte de crédit détachée des grandes banques, à frais bas, permettant de faire des dépenses dans différentes devises en optimisant les taux de change. Depuis, elle offre aussi d’autres services bancaires comme des comptes épargne et du trading d’actions et de cryptos. Début septembre, elle a donc été valorisée à 75 milliards de dollars lors d’une vente d’actions aux salariés (l’entreprise n’est pas cotée). C’est plus que Deutsche Bank et proche de BNP Paribas.

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