Grégory Guilmin: “Mon conseil à ceux qui veulent faire leurs premiers pas en Bourse? Formez-vous!”
A l’occasion du lancement de notre toute nouvelle plateforme boursière Trends Tendances Bourse Live, nous avons interrogé l’expert financier Grégory Guilmin, qui nous explique pourquoi le monde de l’investissement séduit de plus en plus les jeunes.
Titulaire d’un doctorat en finance, auteur, conférencier, formateur, coach et éditeur d’une newsletter Grégory Guilmin, développe différentes activités autour de l’éducation financière. Dorénavant, il partagera aussi ses connaissances avec les lecteurs de Trends-Tendances au travers d’une chronique hebdomadaire publiée tous les jeudis sur notre toute nouvelle plateforme boursière Trends Bourse Live.
Plus de 40.000 personnes vous suivent sur les réseaux sociaux et se sont abonnées à votre newsletter hebdomadaire consacrée à l’éducation financière. Preuve qu’il y a un réel besoin de mieux comprendre comment fonctionnent les marchés boursiers, notamment de la part des jeunes ?
Grégory Guilmin: En Belgique, plus de 100.000 personnes ont investi en Bourse ces 2 dernières années, et les investisseurs entre 25 et 34 ans ont beaucoup plus investi en Bourse durant cette période. Même chose pour les personnes entre 35 et 44 ans. Par ailleurs, chez les moins de 35 ans, environ 70 % souhaitent améliorer leurs compétences financières. Ce chiffre atteint même 83 % chez les étudiants. Cela montre l’importance de proposer des produits simples et accessibles pour tous, certainement pour les plus jeunes, qui sont de plus en plus attirés par la Bourse.
Comment expliquer cet intérêt grandissant des jeunes générations pour les placements en Bourse ?
Premièrement, les jeunes sont de plus en plus exposés aux messages des créateurs de contenu sur les réseaux sociaux, les influenceurs, qui parlent d’investissement, ce qui éveille leur curiosité. A ceci près que beaucoup promettent de devenir riche rapidement, ce qui n’existe pas. Ensuite, ils se rendent compte que l’inflation grignote leur pouvoir d’achat et celui de leurs parents. Avec la même quantité d’argent, ils peuvent acheter de moins en moins de choses. Enfin, ils sont conscients du problème lié au financement des pensions causé par la diminution du nombre d’actifs pour chaque retraité.
Dans quelle mesure l’apparition d’une nouvelle génération d’intermédiaires financiers (appelés “néo-courtiers” ou “néo-brokers”) joue-t-elle un rôle ?
Bien entendu, aujourd’hui les jeunes investisseurs voient énormément de pub de la part de néo-brokers, comme Trade Republic, Scalable ou encore Shares. L’accessibilité et la digitalisation accrues de ces plateformes d’investissement qui aident fortement à ouvrir un compte en 10 minutes jouent beaucoup. Ce n’est sans doute pas un hasard si Trade Republic est passé de 4 millions de clients début 2024 à plus de 8 millions de clients aujourd’hui.
Quels sont les atouts de ces nouvelles plateformes boursières ?
J’en vois plusieurs. D’abord, leurs tarifs. Ils sont très compétitifs.Il y a d’ailleurs une guerre sur les frais de courtage pour les brokers en Belgique. Et c’est tant mieux pour les investisseurs. Par ailleurs, comme je l’ai dit, le processus d’ouverture de compte est simplifié au maximum. Ouvrir un compte chez un néo-broker, cela prend quelques minutes, contre plusieurs jours dans une banque traditionnelle où les processus sont moins automatisés. Il y a aussi l’expérience utilisateur qui est élevée. Les développeurs passent beaucoup de temps à améliorer l’application. Et puis, énormément de contenus gratuits sont développés en partenariat avec des experts financiers pour aider les clients à être autonomes dans leurs opérations boursières via la plateforme d’investissement.
Quid de la “gamification” de l’investissement? Est-elle aussi à prendre en compte pour expliquer cet attrait des jeunes pour la Bourse ?
L’expérience utilisateur est importante pour les jeunes et les attirer pour investir en Bourse. Cependant, les jeunes qui investissent régulièrement en Bourse ne s’intéressent pas trop à l’aspect gamification à mes yeux. Par contre, l’intégration de réseautage social à l’intérieur d’un courtier ou encore la possibilité de suivre le portefeuille d’autres investisseurs peut intéresser de nombreux jeunes.
D’autres filons marketing sont-ils utilisés par les plateformes boursières pour attirer cette frange de clientèle ?
En plus d’une expérience utilisateur élevée et d’une collaboration avec des “finfluenceurs” (influenceurs spécialisés dans la finance) pour promouvoir leurs services, certaines plateformes d’investissement mettent à disposition de leurs clients et prospects beaucoup d’informations dans un but éducatif. Souvent aussi, les néo-brokers offrent des programmes de parrainage. Ils encouragent les jeunes utilisateurs à inviter leurs amis en offrant des récompenses, exploitant ainsi le bouche-à-oreille numérique. Enfin, l’aspect communauté en ligne a beaucoup d’intérêt pour les jeunes. Certains néo-brokers créent des forums ou des espaces de discussion au sein de leurs applications pour favoriser l’échange entre jeunes investisseurs.
Comment bien choisir une plateforme d’investissement ?
Tout d’abord, il faut comprendre ses besoins. Certains néo-brokers ne permettent pas d’investir dans des fonds actifs traditionnels mais plutôt dans des ETF (pour Exchange Traded Fund, fonds de placement passifs négociés en Bourse). Un autre élément clé est l’automatisation de ses investissements. La plupart des jeunes utilisent des néo-brokers pour pouvoir automatiser et fractionner leurs investissements de manière mensuelle, par exemple. Les frais sont bien évidemment aussi un facteur important. Chez certains courtiers, ils peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines d’euros de frais de courtage par an. Enfin, il faut se poser la question de la sécurité de la plate-forme d’investissement (quel est son régulateur, quid en cas de faillite, etc.?). Sans oublier les éventuelles démarches à effectuer si vous ouvrez un compte à l’étranger (déclaration fiscale, paiement de la TOB, etc.)
Quelles sont les erreurs à ne pas commettre quand on débute en Bourse ?
Il faut d’abord bien définir son allocation d’actifs. Investir 100 % de ses économies dans des ETF constitués d’actions peut s’envisager dans la mesure où les jeunes ont un horizon d’investissement souvent de plusieurs décennies. Attention tout de même à la volatilité des marchés actions, car tout le monde n’est pas capable de voir son portefeuille grimper de 30 % une année pour le voir ensuite dégringoler de 40 % l’année d’après. Il faut ensuite réfléchir à l’allocation géographique, à certains secteurs à privilégier ou pas, à la taille des sociétés sous-jacentes, etc. De mon côté, je me considère toujours jeune et j’investis, entre autres, dans des ETF qui suivent l’indice S&P 500, MSCI Europe ou encore MSCI Emerging Markets IMI.
Quelles sont les erreurs à ne pas commettre quand on débute en Bourse ?
Premièrement, il ne faut pas investir dans des actions individuelles, et donc éviter de pratiquer ce que l’on appelle le stock picking. Il est extrêmement difficile de choisir parmi les 50.000 sociétés cotées en Bourse dans le monde. Être analyste financier ne s’improvise pas. C’est comme pour le vélo, devenir un expert demande beaucoup de temps. Si vous n’avez pas ce temps, je vous conseille assurément d’investir en Bourse via des ETF. Gérer soi-même ses investissements en ligne directe (investir directement dans des actions individuelles, par exemple) requiert beaucoup de temps afin de choisir les “bonnes” actions et éviter les “mauvaises” actions.
Dit autrement, il ne faut pas se croire plus “smart” et essayer de battre le marché ?
Effectivement, il ne faut pas essayer de faire du market timing. Le market timing est ce doux rêve qui consiste à penser pouvoir investir en Bourse au bon moment (généralement au plus bas) et sortir ses billes de la Bourse au bon moment, c’est-à-dire au plus haut, juste avant un krach boursier. C’est impossible à faire. Si vous pensez avoir une boule de cristal et pouvoir acheter bas et vendre haut, de manière régulière sans vous tromper, vous pouvez essayer et voir si vous arrivez à faire mieux que la Bourse sur une période de long terme. Pour ma part, je pense que c’est impossible.
Quel est le principal conseil que donneriez-vous à un jeune qui veut faire ses premiers pas en Bourse ?
Je dirais qu’il vaut mieux investir dans des ETF passifs. Dans la grande majorité, ils feront mieux que des fonds actifs gérés par des banquiers. Ensuite, il faut commencer le plus tôt possible pour faire grandir son patrimoine, à la manière d’une boule de neige qui grossit. Enfin, surtout, il est important de prendre le temps de se former. Mon conseil à ceux qui veulent faire leurs premiers pas en Bourse est simple : formez-vous ! C’est essentiel. Une dizaine d’heures suffisent pour avoir des bases solides et se lancer. En se formant, vous allez comprendre que la volatilité est inhérente aux marchés financiers et qu’elle fait partie du jeu. Chaque année, il y a des chutes boursières plus ou moins importantes. Mais dans 75 % des cas, le S&P 500 termine l’année dans le vert, malgré des chutes durant l’année.
Est-ce pour cela que la formation et les connaissances financières sont si importantes ?
Oui, cela permet de mieux comprendre ce dans quoi on investit et de gérer son argent en ayant des bases solides, afin de devenir 100 % autonome dans ses investissements et ne plus dépendre d’une personne qui travaille dans le secteur financier. Il faut savoir une chose : en Bourse, les émotions sont extrêmement destructrices de valeur. Alors, il faut investir avec un plan clair et regarder son portefeuille le moins souvent possible afin d’éviter de prendre d’éventuelles décisions sous le coup des émotions.
Pour conclure, votre avis sur le bitcoin et les autres cryptomonnaies : est-ce un placement à recommander pour les jeunes ?
De nombreux particuliers qui n’ont jamais investi en Bourse arrivent sur le marché des cryptos. En France, 12 % des Français détiennent des cryptos, là où selon l’AMF (l’autorité qui contrôle les marchés, ndlr), 8 % des Français détiennent des actions, ce qui crée une pression acheteuse sur ce type d’actifs. D’ailleurs, si on regarde sur Google Trends, on peut voir que la recherche de mots comme bitcoin et cryptomonnaies se trouvent dans le top 10 des mots recherchés en Europe. Alors oui, le bitcoin a gagné en légitimité ces derniers mois. Mais encore une fois, il a connu plusieurs dégringolades mémorables, comme celle qui l’a vu perdre près de 80 % de sa valeur entre novembre 2021 et décembre 2022. A nouveau, il est important de se former. Aujourd’hui, beaucoup d’investisseurs particuliers se ruent sur les cryptos à cause d’une peur irrationnelle de passer à côté de quelque chose d’incroyable, d’une opportunité, d’une expérience ou même d’un statut social, sans aucune formation préalable. Et lorsque le marché perdra 50 % ou plus, les dégâts financiers et émotionnels seront difficiles à réparer.
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