Droits de douane américains envers la Suisse : test ultime pour le luxe

Affiche d’Audemars Piguet dans les rues de Londres, image d’illustration. (Photo by Richard Baker / In Pictures via Getty Images) © In Pictures via Getty Images
Charly Pohu

Les produits suisses écopent d’un droit d’importation surprise de 39% aux États-Unis, annonce Trump ce vendredi. Un test ultime pour le secteur du luxe et les prestigieuses montres suisses.

Le couperet est tombé ce vendredi premier août : les droits de douane de Trump, pour les pays avec lesquels aucun accord n’a encore été trouvé, vont entrer en vigueur le 7 août. Le président des États-Unis en profite pour remettre une couche et ajouter quelques points de pourcentage à la taxe d’importation de certains des pays concernés.

Parmi eux, la Suisse. Berne et Washington ne sont pas arrivés à un accord et le pays écope d’une taxe de 39%. En avril, Trump lui avait donné le chiffre de 31%. “Le Conseil fédéral prend acte avec grand regret de la volonté des USA de grever unilatéralement les importations de Suisse de droits de douane considérables, en dépit des progrès dans le cadre des discussions bilatérales et de la position très constructive de la Suisse”, s’exprime l’organe exécutif de la Confédération helvétique, qui s’engage à continuer à négocier.

Choc économique… ou pas ?

Hasard de calendrier : la Suisse célèbre sa fête nationale ce vendredi. La bourse est donc fermée et on ne peut voir la réaction des cours à la nouvelle des droits de douane plus élevés que prévu… et s’il y a un choc comme le 2 avril.

Mais les cours de ce jeudi peuvent déjà nous donner quelques indications. On allait alors vers un scénario sans accord, comme c’était le dernier jour de négociations avant l’entrée en vigueur des droits de douane, avec des taxes à hauteur de 31%. Les cours de ce jeudi, restés figés dans le temps, nous montrent ainsi les attentes des analystes par rapport à ce scénario-là. Les taxes de 39% finalement décrétées sont bien sûr plus élevées que celles de 31%, mais 31% c’était déjà un seuil énorme.

Le SMI (indice phare de la bourse helvète, reprenant 20 titres) perdait 0,8% ce jeudi. On ne peut donc pas parler de panique (par rapport à ces 31%). La pharma suisse était également légèrement dans le rouge. -0,7% environ pour Novartis et Roche. Les deux ont déjà pris la décision d’investir massivement pour augmenter leur production aux États-Unis, ce qui les protège des droits de douane.

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Luxe : le test ultime

Autre produit phare suisse : les montres et autres bijoux et accessoires de luxe. Là aussi, la réaction était limitée. Le groupe Swatch (Omega, Longines, Breguet…) perdait par exemple 0,65%. Richemont (qui possède entre autres les marques de montres Jaeger-LeCoultre, Piaget et Vacheron Constantin et de bijoux Cartier) perd un peu plus de 2%. C’est déjà plus que Swatch, mais pas une chute catastrophique non plus.

Mais ce vendredi, d’autres acteurs permettent de mesurer le sentiment des marchés par rapport aux montres suisses et impacts des droits de douane. Watches of Switzerland Group, un revendeur retail britannique de montres suisses, également présent aux États-Unis, perd 9%. Mais il est un intermédiaire du marché d’horloges, et subit donc davantage la pression sur ses marges que d’autres acteurs de la chaîne. Les fabricants par exemple ont plus de flexibilité et peuvent adapter leurs prix – ils ont, on le sait, un important pricing power. Et ailleurs sur le marché du luxe européen, les chutes restent limitées ce vendredi : -2% pour Hermès et -1,6% pour LVMH, qui possèdent des marques de montres suisses.

Cette première réaction suggère que le marché n’est pas forcément impressionné par les droits de douane américains, pour les marques de luxe haut de gamme. La clientèle fortunée ne devrait en effet pas s’arrêter à des prix plus élevés. Au contraire, ces produits de luxe pourraient ainsi devenir encore plus exclusifs.

Cela confirmerait en tout cas, une fois de plus, que le luxe est devenu un marché à deux vitesses. C’est une tendance qui s’est distinguée ces deux à trois dernières années, au fil des résultats trimestriels et des notes d’analystes les couvrant. Avec l’inflation et le ralentissement économique qui a suivi à la relance post-covid, le luxe traverse une période de disette, il est vrai. Ses ventes souffrent, notamment à cause de la baisse de la demande en Chine. Mais dans ce ralentissement général, les chiffres du grand luxe à la Richemont ou Hermès ont moins souffert que ceux des marques de luxe plus moyen de gamme, qui visent un public plus large. Ce dernier est plus sensible à la conjoncture et sa demande est donc plus rapidement impactée.

Bref, le luxe haut de gamme semble donc toujours avoir cette carte d’immunité contre les chocs économiques, aux yeux des investisseurs. Mais c’est aussi un test de cette théorie ; à vérifier lundi à l’ouverture de la bourse, à Zurich. Mais à vérifier surtout dans trois mois environ, lorsque les acteurs annonceront leurs chiffres des mois de juillet, août et septembre. C’est donc le test ultime pour le secteur du luxe ; après cette période de ventre mou, peut-il encore encaisser cet autre coup ?

Au final, c’est peut-être même mieux que la bourse suisse soit fermée ce vendredi. Cela laisse trois jours au marché pour prendre du recul, analyser la situation et réfléchir. Ces taxes plus élevées, et cette nouvelle deadline, sont peut-être aussi un moyen pour conclure un accord plus rapidement. Les perspectives peuvent donc déjà changer d’ici à lundi matin.

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