L’entreprise chinoise de semi-conducteurs Cambricon est parfois surnommée par les investisseurs la « petite Nvidia de Chine ». Elle est en plein essor à la Bourse de Hong Kong, d’autant plus que Pékin encourage désormais les entreprises à ne plus acheter de puces Nvidia. Mais quel est réellement le potentiel de Cambricon ?
Aux États-Unis comme en Chine, des géants technologiques tels qu’Alibaba et Baidu investissent massivement dans l’entraînement de modèles d’IA. La start-up DeepSeek a secoué les acteurs chinois établis. Officiellement, la politique gouvernementale pousse au choix de puces d’IA nationales face aux tensions commerciales avec Washington. Mais selon le Financial Times, cela va beaucoup plus loin : une interdiction de Nvidia aurait été instaurée.
Le titre Cambricon a déjà fortement progressé ces derniers mois. Depuis le début de l’année, son cours a bondi de plus de 100 %. L’entreprise occupe la deuxième place du marché des puces d’IA et a même acquis un avantage technologique sur Huawei. Ses puces Siyuan fonctionnent, contrairement à celles de Huawei, sans problème avec l’écosystème logiciel de Nvidia, qui restera la norme industrielle dans les prochaines années.
De client à concurrent
Huawei était à l’origine le plus gros client de Cambricon. Le groupe avait acheté une licence pour intégrer une puce destinée aux tâches d’IA dans ses smartphones. En 2018, Huawei représentait même 98 % du chiffre d’affaires de Cambricon. Mais il a rapidement développé une alternative maison, forçant Cambricon à réorienter sa stratégie vers les puces d’IA. Nouveau coup dur en 2022 : l’entreprise a été placée sur liste noire par les États-Unis, l’empêchant de faire fabriquer ses puces chez TSMC.
Tout comme Huawei, Cambricon doit désormais compter sur Semiconductor Manufacturing International Corporation SMIC. Ce fondeur chinois qui accuse un retard technologique important sur TSMC et dont les capacités de production sont limitées. Huawei en accapare la plus grande part, mais sous la pression de Pékin, SMIC doit aussi réserver davantage de capacité à Cambricon. Le gouvernement souhaite activement soutenir l’entreprise pour stimuler la concurrence dans les puces d’IA, selon le Financial Times.
Ces liens étroits sont un plus pour l’entreprise. Cambricon est née comme spin-off de l’Académie chinoise des sciences, un important institut de recherche public à l’origine de nombreux géants technologiques chinois, dont Lenovo. Cette académie aux mains de l’état reste un actionnaire de poids.
Une « Palantir chinoise » ?
Ce contexte favorable explique le succès du titre Cambricon. Mais ces derniers mois, l’euphorie semble exagérée. Le titre se paie 532 fois les bénéfices, une valorisation qui rappelle plutôt Palantir que Nvidia. À la différence près que Palantir a déjà fait ses preuves avec une trajectoire de croissance solide.
Selon Bloomberg, le chiffre d’affaires de Cambricon devrait être multiplié par six en 2025, passant de 1,2 milliard de yuans en 2024 à 6,8 milliards. Les analystes anticipent aussi un retour rapide à la rentabilité : un bénéfice par action (EPS) de 4,88 yuans en 2025, contre -1,09 yuan en 2024. À noter : ce consensus a encore été relevé de 55 % au cours des quatre dernières semaines. D’ici 2027, l’EPS pourrait presque quadrupler pour atteindre 16,39 yuans.
Mais pour que ce scénario idyllique se réalise, il faudra que tous les voyants restent au vert. Pour les investisseurs intéressés par l’autonomie croissante des technologies chinoises et par l’essor de l’IA en Chine, mieux vaut attendre une correction inévitable, qui ramènera le titre Cambricon sur des bases plus réalistes.