En bourse, l’Allemagne bat la France à plates coutures, malgré de nombreuses similarités macro-économiques. Pourquoi alors une telle différence dans les performances ? Et est-ce que l’Allemagne pourra continuer à mener ?
La bonne performance boursière européenne défraye la chronique cette année. Mais derrière la hausse de 8,50% de l’Euro Stoxx 50, la performance est en réalité très différente selon les marchés. Et entre Paris et Francfort, l’écart est marqué.
L’Allemagne joue avec Schumacher dans le goal. Le DAX est en hausse de 21% sur l’année. Il tacle violemment le CAC 40, qui ne gagne que 6%.
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Un score injuste ?
Mais cette avance allemande peut sembler si injust(ifié)e et impunie que ce fameux attentat sur Battiston en 1984, lors de l’Euro de football en Espagne. Surtout vu de loin. “Au vu de l’actualité, il n’y a pas beaucoup de raisons pour lesquelles les actions allemandes devraient actuellement afficher des performances particulièrement bonnes : le secteur clé de l’économie allemande, la construction automobile, est sous pression de toutes parts. Les États-Unis se protègent par des droits de douane à l’importation. Dans le même temps, les exportateurs chinois tentent de gagner des parts de marché dans le monde entier, notamment en Europe, dans le secteur prometteur de la mobilité électrique. La croissance économique en Allemagne stagne autour de zéro”, explique Jan Viebig, Chief Investment Officer d’ODDO BHF Asset Management, dans une note.
D’un point de vue macro-économique, les deux indices devraient donc plutôt être à égalité. “Le CAC 40 ressemble au DAX à bien des égards. Selon Bloomberg, le DAX représente actuellement une capitalisation boursière de près de 2.200 milliards d’euros, contre près de 2.500 milliards d’euros pour le CAC. Pour la plupart des entreprises du DAX et du CAC 40, l’Europe est le principal marché. Cependant, pour beaucoup d’entre elles, l’Amérique et l’Asie jouent également un rôle important, voire essentiel. Les entreprises des deux pays sont confrontées à des défis similaires : un ralentissement de la croissance de la productivité et de l’économie sur leur marché intérieur, ainsi qu’une incertitude économique due à la politique commerciale américaine. Parmi les points communs, on peut également citer la politique monétaire de la BCE, qui a encore assoupli sa politique de taux d’intérêt au premier semestre”, poursuit l’expert.
Il ajoute qu’il n’y a pas de grandes différences sur le marché obligataire non plus, du côté des entreprises. Les conditions de financement sont similaires et les différences de rendement des obligations d’entreprises sont faibles. Les paramètres de solvabilité, liquidité et durée sont donc assez identiques d’un côté comme de l’autre du Rhin.
Pourquoi cet écart ?
Mais si les deux indices ont un niveau de jeu très similaire, comment peut-on alors expliquer l’écart entre les performances ? En y regardant de plus près, il y a quelques différences.
Le premier élément qui joue en faveur de l’Allemagne est l’aspect politique. Berlin a un nouveau gouvernement depuis février, et il a mis fin au frein sur la dette (loi en faveur de la rigueur budgétaire qui limitait l’endettement) pour investir des centaines de milliards d’euros dans l’infrastructure et la défense. Et la politique est un facteur stable. À Paris, les entreprises sont victimes d’un dilemme. Le gouvernement est minoritaire (ce qui limite fortement sa marge de manœuvre) et doit faire d’importantes économies pour redresser les finance publiques. Perspective : baisse des subsides et investissements et peut-être baisse du pouvoir d’achat des ménages (coupes dans les allocations). Mais le résultat des réformes est incertain et cela fait augmenter le taux sur les obligations françaises et pèse sur les actions. La politique est ici plutôt un facteur déstabilisant.
L’autre élément qui fait la différence entre les indices, ce sont des aspects sectoriels. La situation politique favorise grandement les industriels, tandis qu’en France ils en sont tirés vers le bas. D’autres secteurs contribuent aussi à la différence : “Le secteur informatique, avec SAP et le fabricant de semi-conducteurs Infineon, a clairement été un atout pour le DAX. Le secteur des biens de consommation, en particulier les biens de consommation durables, a contribué de manière décisive à la relative morosité du CAC 40. Ceux-ci représentent près de 24% de la capitalisation boursière du CAC 40. Dans le DAX, leur part est modeste, avec 12 %. Au total, le secteur de la consommation dans le DAX ne représente même pas la moitié du poids du CAC 40”, peut-on lire.
Et ensuite ?
… “et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne”, veut un fameux dicton du monde du ballon rond (la Mannschaft vient d’ailleurs d’éliminer les Bleues en quarts de finale, à l’Euro féminin de football, tout est dans le tout). Mais la machine allemande peut-elle continuer faire son pressing haut ? Il y a des éléments qui pourraient limiter sa hausse, selon ODDO BHF. Dont surtout la valorisation.
“La valorisation du marché allemand est déjà devenue exigeante. Selon Bloomberg, le ratio cours/bénéfice sur la base des bénéfices attendus pour les 12 prochains mois du DAX, à 15,9, est nettement supérieur à la moyenne des 10 dernières années, qui est de 13,1. Pour le CAC 40, il s’établit actuellement à 14,8, soit un niveau plus proche de la moyenne à long terme (13,8)”, écrit le spécialiste. Il faudrait donc veiller de près à l’évolution réelle des bénéfices, surtout que la saison des résultats commence en ce moment et monte déjà en puissance. Reste à voir si dans quelques semaines, elle aura eu un impact sur l’écart entre les indices.