Tout comme Dieu a chassé les anges du ciel, les investisseurs se débarrassent parfois des actions ou des obligations de leur portefeuille. Ces anges bannis connaissent souvent un sort moins heureux. Les anges déchus de la bourse, en revanche, connaissent généralement une résurrection dont les investisseurs peuvent sérieusement tirer profit.
De nombreuses métaphores trouvent leurs racines dans le judaïsme et le christianisme. C’est également le cas des anges déchus. Ce terme n’apparaît apparemment nulle part littéralement dans la Bible, mais les écrits religieux regorgent d’histoires sur des personnages, des anges, qui s’opposent à Dieu et sont alors chassés du paradis et relégués à la médiocrité terrestre.
L’une des interprétations artistiques les plus connues de ce thème est le tableau « L’ange déchu » du peintre français Alexandre Cabanel. On y voit Lucifer bouder, une larme au coin de l’œil et la moue cachée derrière son bras, après avoir été banni du ciel. Si vous passez par Montpellier cet été, vous pourrez aller le voir au Musée Fabre.
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Trois anges déchus
Ce terme a également une application capitaliste. En bourse, les actions sont parfois rejetées par les investisseurs pendant des trimestres, voire des années, ce qui fait chuter leur cours.
Les anges déchus de la bourse viennent et s’en vont comme les marées, en fonction du sentiment général du marché. Ces jours-ci, on en trouve également quelques-uns. Lors d’une séance de brainstorming à la rédaction de Trends, plusieurs d’entre eux ont été mentionnés (attention : il ne s’agit pas d’un conseil d’achat, mais plutôt d’un conseil de “cela vaut la peine d’y jeter un oeil »).
Ainsi, Novo Nordisk est en train d’acquérir le statut d’ange déchu. Par rapport à son cours record d’avril 2024, l’action a désormais perdu 70%. Les fondamentaux financiers et de valorisation sous-jacents semblent beaucoup plus attractifs aujourd’hui. Seul le sentiment doit encore changer.

Autre victime du sentiment négatif des investisseurs : Edenred, le fournisseur français de chèques-repas et autres avantages extra-légaux. Son cours a chuté de près de 60% par rapport à il y a deux ans. Là aussi, la situation financière et la valorisation sont meilleures que ne le laisse supposer le cours. Le ratio cours/bénéfice a chuté de 60 à 12, tandis que le rendement des flux de trésorerie disponibles est passé de 2 à 10%.

Mais le prix de l’ange tombé le plus bas revient à Teleperformance, l’opérateur français de centres d’appels. Avec la hype autour de l’IA, les investisseurs pensent non seulement que les opérateurs téléphoniques en chair et en os sont une espèce en voie de disparition, mais aussi qu’elle a déjà complètement disparu. Résultat pour le cours de Teleperformance : une chute de 80%. Le ratio cours/bénéfice est passé de 20 à 5 et le rendement des flux de trésorerie disponibles a augmenté à plus de 30%.

« Ne jamais attraper un couteau qui tombe », est un dicton bien connu en bourse. Mais un ange déchu est déjà tombé. La question est seulement de savoir si et quand un tel ange parviendra à se relever et peut-être même à retourner au paradis.
Anges déchus des fonds et obligations
Il existe suffisamment de preuves démontrant qu’une stratégie d’investissement contraire qui mise sur les anges déchus génère à terme des rendements supérieurs à la moyenne.
Morningstar applique également ce principe aux fonds d’investissement en constituant chaque année un panier regroupant les fonds qui ont enregistré les plus fortes sorties de capitaux l’année précédente, appelé « panier des fonds mal-aimés ». Les résultats parlent d’eux-mêmes.

Sur les marchés obligataires aussi, les anges déchus sont également un concept bien connu. Il s’agit d’obligations d’entreprises qui passent de la catégorie de qualité ou « investment grade » à la catégorie junk ou « high yield ».
Il s’avère rentable d’acheter des obligations juste après leur déclassement. Après une telle dégradation, les investisseurs attribuent à ces obligations déclassées une solvabilité aussi faible qu’au reste de l’univers des junkbonds, ce qui entraîne une pénalité excessive sur leur cours. De quoi réjouir les investisseurs à contre-courant.

Mieux que les actions
Cette réaction négative excessive fait ensuite que les obligations déclassées affichent, après leur dégradation, des performances supérieures à celles des obligations de type junk moyennes. Une stratégie basée sur ces anges déchus avec des obligations génère à long terme des rendements supérieurs à la moyenne, tout comme une stratégie contraire avec des actions rejetées. Au cours de la première année suivant leur déclassement, leur rendement est en moyenne supérieur de 3%, et de 4,5% au cours des deux années suivantes.

Le rapport risque/rendement serait même plus favorable que celui des actions ordinaires.

Les maisons d’investissement d’ETF indiciels telles que iShares et VanEck ont saisi cette opportunité pour développer des produits autour de ce thème. L’iShares Fallen Angels High Yield Corporate Bond UCITS affiche actuellement un rendement de dividende de 6% (encore une fois, il ne s’agit pas d’un conseil d’achat).
En période de crise économique, les anges déchus sont plus durement touchés que le reste de l’univers obligataire. Certains stratèges s’attendent à ce que l’incertitude actuelle qui pèse sur le commerce mondial précipite certains anges obligataires du ciel vers l’abîme.