Le Bel20, l’indice des vingt plus grandes entreprises cotées en Belgique, atteint un niveau record, dépassant ainsi le précédent sommet de mai 2007. Pourquoi l’indice vedette belge a-t-il mis beaucoup plus de temps que d’autres indices boursiers étrangers à se remettre de la crise financière ?
Jeudi matin, le Bel20 a atteint un nouveau record. Après 25 minutes de cotation, l’indice boursier s’est hissé à 4 768,00 points, bien au-dessus du record du 23 mai 2007, qui s’élevait à 4 756,82 points.
Ce nouveau sommet survient seize ans après la crise bancaire internationale, qui avait fait plonger les cours. Le 6 mars 2009, le Bel20 était tombé à 1 527,27 points.
Le Bel20 aura donc mis bien plus de temps à retrouver son niveau d’avant-crise que d’autres indices étrangers. Le S&P 500, indice des 500 plus grandes entreprises américaines cotées, a mis cinq ans et demi. En Allemagne, le DAX n’a mis que cinq ans et dix mois. Les indices français CAC 40 et néerlandais AEX avaient déjà atteint de nouveaux records en 2021. Pour Jef Poortmans, journaliste chez Trends, l’indice vedette belge est un cas à part.
Pourquoi le Bel20 a-t-il mis si longtemps à battre son record ?
Jef Poortmans : “Une première explication me semble liée à la composition de l’indice. En 2006, à la veille de la grande crise financière, le Bel20 comptait trois acteurs financiers : Fortis, KBC et Dexia. Tous trois avaient vu leur valeur boursière grimper fortement avant l’implosion du secteur financier mondial. KBC n’a d’ailleurs franchi son record d’avant-crise que récemment. Quant à Ageas, l’ancien Fortis, sa valeur boursière reste une fraction de celle d’alors.
Deuxième point faible : le Bel20 compte peu de membres — entre 19 et 21 — ce qui augmente le risque de concentration, un problème que connaissent moins les indices qui comptent 50, 100, voire 500 à 600 entreprises.
Troisièmement, certaines évolutions chez des entreprises individuelles ont freiné le rebond de l’indice. Le brasseur AB InBev, ex-Interbrew, était un moteur de croissance, mais il s’est essoufflé après le rachat de SABMiller en 2016. Certes, l’entreprise est devenue plus grande et pèse davantage dans l’indice, mais sa valeur boursière a peu progressé depuis, ce qui a freiné la hausse globale.
Enfin, la téléphonie a complètement disparu de l’indice. Belgacom et Orange en faisaient partie il y a vingt ans, alors que le secteur avait encore un fort potentiel et un poids économique plus important. Aujourd’hui, les télécoms sont devenus un service de base pour presque tout le monde.”
Quelles entreprises ont le plus contribué à la croissance de l’indice ces 18 dernières années ?
” L’évolution par secteur au cours des vingt dernières années se révèle particulièrement instructive sur le sujet. Première observation : les holdings ont créé énormément de valeur boursière ces dernières années. En 2006, il n’y avait que GBL (le véhicule d’Albert Frère) et la Nationale Portefeuillemaatschappij (également contrôlée par Frère, retirée de la cote en 2011). Aujourd’hui, on trouve quatre holdings dans le Bel20 : Ackermans & van Haaren, D’Ieteren, GBL et Sofina.
Deuxième observation : l’immobilier a pris une place prépondérante. En 2006, seule Cofinimmo représentait les sociétés immobilières réglementées (GVV). Aujourd’hui, Aedifica, WDP et Montea s’y sont ajoutées.
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On pourrait en conclure qu’une grande partie de la valeur boursière belge a été créée par des “rentiers”. Le terme anglais rent-seeking est encore plus précis : il désigne les acteurs économiques qui ne créent pas directement de valeur par la production, mais qui captent celle générée par d’autres — que ce soit via des investissements en capital ou des loyers.
C’est peut-être aussi ce qui explique la lenteur du rebond belge : dans les pays où l’on investit plus dans l’innovation et la productivité, comme aux États-Unis ou dans les pays nordiques, les bourses sont remontées bien plus vite après 2009.”
Y a-t-il quand même des raisons d’espérer pour le Bel20 ?
“Certainement. Le Bel20 a enregistré d’excellentes performances de croissance au cours des vingt dernières années. La biotech argenx, par exemple, n’a cessé de miser sur l’innovation et continue sur cette voie. Le concepteur de puces Melexis en fait aussi partie, et nous pouvons être fiers de le voir dans notre indice national.
Mais l’innovation ne vient pas uniquement de la tech ou de la biotech. Regardez Lotus Bakeries : c’est impressionnant de voir comment cette entreprise a transformé quelque chose d’aussi banal que la fabrication et la vente de biscuits en un véritable succès boursier. Ce sont ces exemples qui devraient inspirer les entreprises cotées et les investisseurs pour les vingt prochaines années.”
Le Bel20 en 2007 et 2025
