Trois entreprises américaines généreuses en dividendes
Partout dans le monde, les dividendes battent des records. Tout porte à croire qu’ils vont progresser cette année également, du moins aux Etats-Unis, a annoncé le 3 janvier le compilateur d’indices S&P Global Indices dans un rapport.
Reste qu’après des années 2022 et, dans une moindre mesure, 2023, marquées par des dividendes élevés, les entreprises, tout particulièrement aux Etats-Unis et en Europe, semblent vouloir lever le pied. Selon S&P Dow Jones Indices, les dividendes payés outre-Atlantique ont progressé de 61 milliards de dollars entre 2022 et 2023, contre 82,5 milliards encore l’année précédente.
Prudentes
Bien plus de réductions (386) ont été annoncées, pour une baisse totale (28,6 milliards de dollars) plus de deux fois plus élevée, en 2023 qu’en 2022. Au quatrième trimestre de 2023, les augmentations ont été nettement moins nombreuses, ce qui témoigne de la prudence des entreprises américaines, qui craignent probablement des conditions économiques incertaines, le temps qu’il reste à attendre avant que les taux ne commencent à refluer et le résultat possible de l’élection présidentielle. Ce qui n’empêche pas S&P Global de miser sur une croissance de 4,5 % à 5 % des dividendes du S&P 500 en 2024 (5,1 % en 2023). Ce sont sans doute les Aristocrates des dividendes, ces entreprises qui augmentent leur distribution chaque année depuis 25 ans au moins, qui illustrent le mieux le phénomène : 2023 fut un des pires exercices de leur histoire, puisque plus de 20 d’entre eux ont accru leur dividende de 0 % à 2,5 % tout au plus. Le nombre d’actions dont le dividende a affiché une croissance d’au moins 10 % est en net recul, et les premières hausses de 2024 sont décevantes. Air Products (APD) et S&P Global (SPGI, le compilateur de l’indice Aristocrates) ont augmenté leur dividende de 1,1 % seulement, soit bien moins que précédemment.
Forte croissance
Le présent article est donc consacré aux entreprises qui se montrent de plus en plus généreuses, y compris en 2024. Tout comme l’an dernier, il s’agit principalement de titres qui se sont extrêmement bien comportés en Bourse, à la valorisation élevée et au rendement en dividende relativement faible. Ce qui n’a rien d’inquiétant : une action dont le dividende augmente chaque année d’au moins 10 % peut bien afficher un rendement inférieur à 1 % puisqu’elle dégagera quoi qu’il en soit souvent un rendement beaucoup plus élevé qu’une action à fort rendement en dividende mais dont la distribution n’augmente pas, ou que peu. Nous citerons à titre d’exemple Cintas, qui semble toujours beaucoup trop chère et dont le rendement en dividende est faible, mais dont le cours progresse chaque année et dont le dividende enfle systématiquement.
Nous avions sélectionné, l’an dernier, trois titres dont le dividende affichait un impressionnant historique (au moins 10 années consécutives de hausse, assorties d’une vigoureuse croissance du dividende ces dernières années). Il s’agissait du géant de la médecine vétérinaire Zoetis, du fabricant d’uniformes professionnels Cintas et de Nexstar Media Group, dont les 200 chaînes de télévision locales et les applications et sites web liés s’invitent dans près de 70 % des foyers américains. Un an plus tard, le trio totalise un rendement de plus de 16 % en moyenne. La palme revient à Cintas (+40 %), dont le cours a bondi de près de 200 dollars, pour atteindre un nouveau record historique à 600 dollars. Zoetis (+17 %) s’est également bien comportée et seule Nexstar Media, conseillée alors que son cours flirtait avec le niveau le plus élevé de son histoire, a légèrement reculé (-8 %). En ce qui concerne les dividendes, chacune des trois entreprises a fait exactement ce que nous avions prévu : Cintas a augmenté le sien de 17 %, Zoetis, de 15 % et Nexstar, de 25 %.
Nos lauréates de 2024
1. Badger Meter
Badger Meter se démarque depuis quelques années par son dividende à la croissance toujours plus rapide, ce qui, après 32 hausses consécutives, rend l’action unique. L’entreprise fournit des capteurs, des compteurs et des logiciels d’enregistrement et de gestion de l’eau, de gaz et d’autres liquides destinés à des services d’utilité publique et à une clientèle industrielle, entre autres. Active sur un marché qui présente d’excellentes perspectives de croissance, elle a clos 2023 sur un chiffre d’affaires (CA) en hausse de 24,4 %, à 703 millions de dollars. Son CA a progressé de 13 % en moyenne ces cinq dernières années, grâce à la croissance rapide de ses applications logicielles, qui constituent désormais la majeure partie du marché de “l’eau intelligente”. Son ratio cours/bénéfice (C/B), de 41 pour 2024, semble élevé, mais Badger revendique une croissance rapide et un bilan exempt de dettes. Son dividende a bondi de 20 % en 2023, la plus forte hausse des 15 dernières années. Son action n’est sans doute pas près d’atterrir.
2. Broadridge Financial
Ancienne branche des services informatiques de l’entreprise de traitement des salaires et Aristocrate des dividendes ADP, la fintech Broadridge Financial s’occupe de la communication avec les actionnaires de sociétés et de fonds d’investissement cotés et propose aux entreprises de services financiers des solutions technologiques avancées. Sa principale caractéristique est la croissance annuelle de son CA récurrent, qui a représenté en 2023 65,8 % de ses ventes totales, d’un montant de plus de 6 milliards de dollars. Nous misons sur une progression de 5-8 % par an du CA de Broadridge, qui se négocie actuellement à un ratio C/B de 27, pour un dividende de 1,5 %. Un dividende qui augmente de 10 % au bas mot depuis 17 ans.
3. Fastenal
Fastenal, qui continue de s’échanger à proximité de son cours le plus élevé, reste un excellent investissement pour le long terme – au même titre, du reste, que de nombreuses autres actions à dividende élevé. Ce distributeur international d’éléments de fixation (vis, boulons, écrous), d’outils et d’autres matériaux de construction industriels écoule ses produits dans 25 pays par l’intermédiaire de milliers de succursales propres, que soutiennent 15 centres de distribution. Les fixations représentent encore un tiers de son CA et les produits de sécurité (plus de 20 % du CA, qui a dépassé 7,3 milliards de dollars en 2023) ont signé une croissance particulièrement vigoureuse ces dernières années. Le CA de Fastenal devrait désormais s’étoffer de 5-9 % par an.
Avec un bilan pratiquement dépourvu de dettes, Fastenal est en mesure de continuer à augmenter son dividende, qui s’apprécie du reste de plus de 10 % l’an depuis sept ans. Un dividende spécial de 0,38 dollar a en outre été versé en décembre. A un ratio C/B de 32, la valorisation est élevée, mais c’est le cas de presque tous les titres de premier plan en ce moment.
Entrée sans surprise
C’est à la fin du mois de janvier que S&P Dow Jones Indices procède au “rééquilibrage” de l’indice des valeurs du S&P 500 dont le dividende progresse depuis 25 ans au moins. Nombre de ces Aristocrates figurent de longue date dans le portefeuille modèle de Beleggers Belangen – songeons à Abbott Laboratories, A.O. Smith, Roper Technologies, Ecolab, PepsiCo, Becton Dickinson, PPG Industries et autres Johnson & Johnson. Après le retrait de VF Corp, au début de 2023, les Aristocrates n’étaient plus que 66. Walgreens, qui a revu son dividende à la baisse, a quitté le groupe, pour y être remplacé par Fastenal à compter du 1er février. Fastenal a relevé son dividende (+11,4 %) au début de cette année pour la 25e fois d’affilée. Nous avions recommandé le groupe dès la fin de 2020. Le titre (ticker FAST) a atteint son plus haut niveau historique, à plus de 70 dollars, fin janvier.
Au ralenti
Si ASML continue d’enchaîner les records, la croissance de son dividende a ralenti de 5,2 % en 2023; le dividende est dès lors retombé au seuil atteint en 2010, année de son tout premier relèvement (de 100 %), à partir de quoi il a fait des sauts de 35 % par an en moyenne jusqu’en 2022. Bien entendu, cette croissance molle ne pose pas de problème tant que l’action continue de grimper.
D’autres géants, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, ont eux aussi revu leur politique à mesure que leur titre continuait de s’apprécier. Sur le Vieux Continent, c’est le cas de LVMH, qui croît par ailleurs toujours très rapidement. Apple, qui verse 15 milliards de dollars par an, a augmenté pour la dernière fois son dividende de deux chiffres en 2018 (+4,3 %, au titre de 2023).
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