Un arôme belge dans la tabatière
Eddy Pirard est désormais à la tête de Japan Tobacco International (JTI), un des plus grands cigarettiers au monde. Diplômé de HEC Liège, il a réalisé l’essentiel de sa carrière en dehors de nos frontières.
En 2015, environ 5.600 milliards de cigarettes sont parties en fumée à travers le monde. Blondes, brunes, mentholées ou aromatisées, déjà prêtes ou à rouler, ces petits cylindres de tabac représentaient environ 700 milliards de dollars de chiffre d’affaires cette année-là. Hormis la Chine et sa société monopolistique China National Tobacco Corporation, quatre grandes compagnies se partagent ce marché. JTI fait partie de ces majors. La société japonaise commercialise notamment les marques Winston et Camel. Troisième vendeur mondial en 2016, JTI réalise plus de 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an et emploie plus de 26.000 personnes dans 120 pays.
Eddy Pirard est à la tête de cet empire depuis le 1er avril. Le Belge connaît bien ce secteur. Il y travaille depuis une vingtaine d’années. Il a d’abord fait ses armes chez Gallaher, à Londres, entre 1996 et 1998, puis entre 2002 et 2007. Entre-temps, il tente de mettre sur pied avec des amis une société active sur le Web. C’était sans compter l’éclatement de la bulle internet. En 2001, la start-up met la clé sous la porte. Eddy Pirard revient chez le cigarettier et ne le quitte plus.
Le groupe anglais est ensuite racheté par Japan Tobacco Group – la maison-mère de JTI – en 2007. ” A l’époque, c’était la plus grande acquisition par une société japonaise en dehors du Japon “, précise Eddy Pirard. Quinze milliards de dollars. Le Belge entre dans le comité de direction de JTI à l’occasion de cette fusion. Il supervisera d’abord le marché anglais et irlandais, deviendra ensuite le président régional des activités d’Europe de l’Ouest et accédera enfin à la vice-présidence de la société en 2014. Il s’occupe des nouvelles fusions et acquisitions, des affaires publiques et de la communication d’entreprise. Sous sa supervision, JTI poursuit ses acquisitions dans le secteur du tabac et prépare l’avenir en acquérant deux sociétés de cigarettes électroniques : E-Lites et Logic. Un secteur que le nouveau CEO compte bien investir davantage.
Car sa principale mission se résume en un mot : croissance. Ce qui signifie : vendre plus de tabac et acquérir de nouvelles sociétés. ” Quand je regarde la carte du monde, il y a encore des endroits où nous ne sommes pas très présents “, poursuit Eddy Pirard. Notamment en Afrique et en Asie. ” Etant une société d’origine japonaise, cela nous a toujours étonnés en interne que nous n’ayons pas une position de leader sur le continent asiatique “, confie-t-il.
Joint par téléphone, on peut percevoir une pointe de nostalgie dans la voix du PDG. ” J’ai quitté la Belgique il y a pas mal de temps “, raconte-t-il. Né à Namur il y a 55 ans, Eddy Pirard a passé une bonne partie de sa jeunesse à deux pas de là, dans le petit village de Champion. Il vit aujourd’hui à Genève et saute souvent d’un avion à l’autre pour le travail ou pour rendre visite à sa famille en Belgique et à celle de son épouse, aux Etats-Unis. Après ses études secondaires, il poursuit sa formation à HEC Liège et obtient son diplôme d’ingénieur commercial en 1985. ” Puis après, je suis entré chez Procter & Gamble à Bruxelles. A l’époque, je ne connaissais pas grand- chose dans le marketing des produits de consommation. Je trouvais que c’était une bonne école “, poursuit-il. Mais Eddy Pirard se sent vite à l’étroit et rêve de nouveaux horizons. Lauréat du Fonds Prince Albert, il s’envole pour la Californie en 1988 et atterrit chez Portfolio 2000, une petite boîte belge ayant une antenne à Palo Alto. Un environnement très international. Il décide ensuite de poursuivre ses études à Harvard, la célèbre université de Boston, sur la côte est. Il obtient son MBA – Master of Business Administration – en 1991 et est engagé dans la foulée chez McKinsey. Il travaillera à Londres puis à New York pour la société de consultance jusqu’en juin 1995. Avant de poursuivre sa carrière dans l’industrie du tabac.
Mais si vous lui proposez une clope, il n’en voudra certainement pas. ” Je suis non fumeur, dit-il. J’ai fumé dans ma jeunesse, mais ce n’était pas pour moi. Ce n’est pas mon truc. Mais je respecte les fumeurs, c’est leur choix. ”
Bastien Pechon
” Je respecte les fumeurs, c’est leur choix. ”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici