Transport aérien: la situation reste “sensible et fragile”
Malgré une augmentation des retards de vols, le secteur aérien européen a entamé l’été sur une note positive avec des avions pleins et des aéroports généralement fluides. Cependant, les acteurs du secteur restent vigilants quant aux effets de l’inflation sur la demande de voyages.
Les bilans financiers des compagnies aériennes et sociétés d’aéroports en témoignent, les séquelles de la crise sanitaire sont en train de disparaître. Air France-KLM a publié un bénéfice net de plus de 600 millions d’euros au deuxième trimestre, presque autant que pour tout 2022; d’avril à juin, easyJet est revenu dans le vert; IAG (British Airways, Iberia…) a engrangé plus de 900 millions d’euros lors des six premiers mois de l’année. Côté aéroports, le gestionnaire espagnol Aena a gagné sur six mois plus de 600 millions d’euros et son concurrent français Groupe ADP, exploitant notamment de Paris-Charles-de-Gaulle (CDG), plus de 200. Autant de conséquences d’une reprise vigoureuse des vols qui, selon l’organisme de surveillance du trafic aérien européen Eurocontrol, atteignaient à la mi-juillet 93% des mouvements d’avions de la même période de 2019, avant la pandémie.
Entre janvier et juin, les aéroports du vieux continent ont accueilli 92,3% de leurs voyageurs du premier semestre 2019, selon l’association ACI Europe, qui fédère 500 de ces plateformes. Cette reprise s’avère toutefois inégale. Dans la semaine du 10 juillet, Grèce, Turquie et Portugal ont évolué respectivement à 112, 110 et 108% de leurs vols d’il y a quatre ans, selon Eurocontrol. Mais l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France sont restés en retrait, un phénomène attribué par ACI Europe à des reports sur d’autres modes de transport, dont le train.
Frictions dans le contrôle aérien
Dans les aéroports, la situation cette année semble plus fluide qu’en 2022. Elle “se stabilise” à Amsterdam-Schiphol, qui avait connu des scènes de chaos après avoir mal anticipé la reprise, selon le directeur général d’Air France-KLM, Benjamin Smith. A CDG, où des milliers de bagages avaient été perdus il y a un an, la saison estivale a démarré sans “problèmes majeurs”, même si la situation reste “sensible et fragile”, a-t-il affirmé. Avec la remontée en puissance du trafic, la question de la saturation des cieux est revenue au premier plan: en juillet, Eurocontrol a noté une dégradation de 10 points de la ponctualité des vols au départ et de 9,4 points à l’arrivée par rapport à 2019. La moitié des retards cumulés en vol sont dus à des problèmes de “capacité et de personnel” disponible pour guider les avions, selon Eurocontrol. Un manque de ressources récemment qualifié d'”inacceptable” par la principale organisation mondiale de compagnies aériennes, l’Iata.
“La guerre en Ukraine a un gros impact, elle réduit l’espace aérien” disponible en Europe, a souligné le directeur général d’easyJet pour la France et les Pays-Bas, Bertrand Godinot. Le contrôle aérien français, très perturbé au printemps par la grève contre la réforme des retraites, n’a pas connu de mouvements sociaux depuis le début de l’été, au contraire de Ryanair en Belgique, easyJet au Portugal et des personnels au sol en Italie. La plupart des acteurs de l’aérien européen escomptent un retour dès l’année prochaine au niveau d’activité de 2019.
Des réservations légèrement supérieures
Air France-KLM assure que ses réservations pour la fin de l’année sont légèrement supérieures à celles à la même date en 2022. De son côté, easyJet va augmenter sa capacité jusqu’à 15% sur le trimestre incluant décembre, promet M. Godinot, saluant “des signes encourageants après des saisons hivernales parfois complexes”. Reste à savoir si la tendance va se poursuivre malgré la dégradation du pouvoir d’achat: les billets d’avion sont 33% plus chers qu’avant la crise, selon la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) française.
“Jusqu’ici, la demande a extrêmement bien résisté aux pressions inflationnistes et aux augmentations record des tarifs depuis le début de l’année”, a constaté le directeur général d’ACI Europe, Olivier Jankovec.
Mais il a aussi mis en garde contre une “détérioration des fondamentaux macro-économiques” et dit déceler “de premiers signes d’un épuisement des réserves mises de côté pendant la pandémie”. Parmi ces signaux faibles, selon un chef d’entreprise du secteur s’exprimant sous couvert d’anonymat: plusieurs compagnies ont lancé des promotions début juillet, ce qui est inhabituel en période de pointe.