Les réseaux sociaux interdits aux moins de 16 ans en Australie : un scénario possible en Belgique ?

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Jennifer Mertens

La plupart des réseaux sociaux sont désormais interdits aux moins de 16 ans en Australie. L’objectif : réduire l’exposition des adolescents à des risques jugés de plus en plus préoccupants. Une approche radicale qui pourrait, demain, inspirer la Belgique ?

La loi Online Safety Amendment est entrée en vigueur ce mercredi 10 décembre 2025 en Australie, interdisant aux moins de 16 ans de créer ou de posséder un compte sur les principales plateformes sociales. Une mesure saluée par beaucoup – mais déplorée par les concernés -, tant les effets néfastes des réseaux sociaux sur les jeunes ne sont plus à démontrer.

Les études se multiplient et pointent toutes dans la même direction : hausse de l’anxiété et de la dépression, atteinte à l’estime de soi, comparaison sociale exacerbée… À cela s’ajoutent des risques bien documentés comme le cyberharcèlement, la désinformation, la collecte massive de données personnelles ou encore la perturbation du sommeil.

De quoi inspirer la Belgique ? Pas vraiment, estime la ministre du Numérique Vanessa Matz (Les Engagés). « Sur le principe, interdire les réseaux sociaux aux jeunes d’un certain âge à définir est intéressant. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la manière dont l’Australie compte contrôler sa mesure. »

« Intéressant sur le principe, problématique dans la mise en œuvre »

Le gouvernement australien confie en effet aux plateformes la responsabilité de déterminer l’âge des utilisateurs… en se basant sur leurs habitudes de navigation et le contenu qu’ils consultent. Un système « loin d’être idéal », selon la ministre, puisqu’il fonctionne a posteriori : les mineurs sont exposés aux contenus problématiques (violents, pornographiques, incitant au suicide…) avant d’être identifiés et bloqués. Il est facilement contournable et il n’empêche pas la collecte de données sur les jeunes, qui a déjà eu lieu avant détection.

« Pour moi, ce que fait l’Australie relève davantage de la communication que d’une protection efficace », poursuit la ministre Matz.

Ce que prévoit la loi australienne

À partir du 10 décembre 2025, les moins de 16 ans ne pourront plus créer ni posséder de comptes sur TikTok, Facebook, Instagram, X, YouTube, Snapchat, Reddit, Kick, Twitch ou Threads.
– Les plateformes devront supprimer les comptes existants des utilisateurs concernés et bloquer toute nouvelle inscription.
– En cas de manquement, elles s’exposent à des amendes pouvant atteindre 49,5 millions de dollars.
– BlueSky, exempté par le régulateur eSafety en raison de sa base d’utilisateurs très réduite (50.000 Australiens), a malgré tout annoncé qu’il interdirait lui aussi l’accès aux moins de 16 ans.
– D’autres pays observent la démarche avec intérêt : la Malaisie, le Danemark ou encore la Norvège envisagent des mesures similaires.

Un exemple pour la Belgique ?

La réflexion est en cours dans notre plat pays. « Ce qui manque à l’Australie, c’est un contrôle réellement contraignant », estime Vanessa Matz. Elle plaide pour un système de vérification de l’âge via un outil d’authentification numérique, de type Itsme. L’objectif : empêcher le contournement tout en garantissant la protection de la vie privée.

« Avec une solution d’identification, les informations personnelles ne sont pas transmises aux plateformes. Elles savent seulement si l’utilisateur a l’âge requis et il n’y a pas moyen de les berner. »

La ministre souhaite d’ailleurs aller plus loin : étendre cette authentification à l’ensemble des utilisateurs, afin de mettre fin à l’anonymat en ligne. « Si je m’inscris sur un réseau social, je dois prouver mon identité. En cas d’infraction, on peut me retrouver. L’idée est simple : ce qui est interdit dans la vie réelle doit l’être aussi en ligne. »

Un risque pour la liberté d’expression ? « Non, car rien n’empêche d’utiliser un pseudo. Ce qui compte, c’est de pouvoir identifier quelqu’un s’il commet une infraction pénale ou tient des propos injurieux ou violents. »

Quand une telle mesure pourrait-elle voir le jour ?

Selon la ministre, la Belgique n’a pas besoin d’attendre l’Union européenne pour avancer. Certes, un débat est en cours au niveau européen – notamment sur la question de fixer la limite d’âge à 15 ou 16 ans – mais aucun consensus n’existe encore sur l’âge limite et les mécanismes de vérification, pourtant essentiels selon elle, ne font pas partie du débat.

« Ne pas mettre en place un système d’authentification, c’est comme interdire l’accès d’une boîte de nuit aux mineurs… sans placer de vigile à l’entrée. »

Vanessa Matz espère soumettre un projet de loi en 2026, après réception des recommandations de plusieurs experts.

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