Invité du Centre Jean Gol à Namur, le cofondateur d’Alan et de Mistral AI a défendu une vision optimiste de l’intelligence artificielle. Pour Charles Gorintin, cette révolution technologique ne menace pas notre humanité mais la révèle, à condition que l’Europe cesse de se replier et choisisse de mener la course plutôt que de la subir.
L’intelligence artificielle ne représente ni une catastrophe annoncée ni un prodige technologique, mais une transformation majeure similaire à celle de l’électricité ou d’Internet. « Nous avons déjà vécu ce type de bouleversements », explique Charles Gorintin, directeur technique et cofondateur d’Alan ainsi que cofondateur de Mistral AI, lors d’un colloque du Centre Jean Gol sur la gestion de la transition numérique.
“Un modèle pour 1.000 applications”
Cet ancien data scientist ayant travaillé pour Facebook, Instagram et Twitter explique la spécificité de cette nouvelle vague technologique. « La rupture tient en une phrase : un modèle pour mille applications. » Et depuis 2025, cette évolution s’intensifie avec les agents IA qui ne se contentent plus de répondre mais accomplissent des tâches sophistiquées. « Nous passons du stade d’assistant à celui de collaborateur. »
Au sein d’Alan (NDLR: une entreprise française d’assurance santé), ces technologies permettent de répondre immédiatement aux interrogations médicales des assurés et d’alléger les équipes des tâches répétitives, avec, au final, davantage de ressources humaines disponibles pour les cas délicats. « Loin de nous déshumaniser, l’IA révèle notre humanité en éliminant ce qui est aliénant pour libérer l’essentiel, à savoir le jugement et la prise de décision. »
La régulation européenne en question
L’entrepreneur a ensuite évoqué les enjeux de souveraineté. En 2022, Alan dépendait totalement de l’entreprise américaine OpenAI pour ses outils internes. « Nos informations, nos produits, notre futur pouvaient se retrouver contrôlés par une seule entreprise, extérieure à l’Union européenne. » Cette prise de conscience l’a poussé, avec Jean-Charles Samuelian et une équipe d’ingénieurs, à créer Mistral. « Si l’Europe privilégie la souveraineté au détriment du leadership, elle perdra finalement les deux. » La progression fulgurante de Mistral face aux mastodontes américains et chinois démontre selon lui que « le défaitisme est un choix, non une fatalité ».
Toutefois, avoir des champions ne sera pas suffisant si l’Europe adopte une attitude défensive. La tendance à surlégiférer constituerait une erreur tactique. « Le monde n’attend personne. La véritable souveraineté ne consiste pas à se refermer : elle exige de montrer la voie. »
Pour Gorintin, la révolution de l’IA demeure fondamentalement humaine : « 10 % de technologie, 90 % de culture, d’organisation, de psychologie. » L’IA ne décide pas, ne désire rien, n’a aucune ambition propre. « L’ambition, c’est la nôtre. À nous de déterminer si cette technologie sert à soigner, éduquer, émanciper… ou à dominer. » Une responsabilité qui nous confronte, selon lui, au cœur même de l’humain : la capacité de choisir.