L’IA progresse dans les entreprises belges, l’utilisation “fantôme” aussi et inquiète

Getty Images
Jennifer Mertens

Les entreprises belges ont clairement sauté le pas de l’intelligence artificielle et poursuivent son adoption à un rythme soutenu – parfois à l’insu même de la direction. Un phénomène qui suscite l’inquiétude, notamment en raison des risques liés à la sécurité des données, mais aussi de conformité et de continuité opérationnelle.

Sept entreprises belges sur dix (70,8 %) ont déjà adopté l’intelligence artificielle, selon une enquête menée par Sharp. La Belgique se positionne ainsi au-dessus de la moyenne européenne, établie à 63,9 %. L’étude met toutefois en évidence une adoption descendante : l’IA est largement utilisée par la haute direction (65,2 %) et les cadres (59,2 %), tandis que son usage officiel reste plus limité chez les collaborateurs juniors.

Officiellement, du moins. Dans les faits, des employés s’abonnent à des plateformes d’IA sans en informer leur hiérarchie, contournant ainsi les politiques internes. Cette pratique concerne 34,4 % des entreprises belges et constitue ce que l’on appelle une utilisation « fantôme » de l’intelligence artificielle.

Un problème de maîtrise

Cette IA fantôme représente un risque réel. En échappant aux cadres de gouvernance, elle fragilise le contrôle sur la communication des données et augmente l’exposition aux fuites d’informations sensibles, aux erreurs opérationnelles et aux manquements réglementaires.

« L’IA fantôme montre que son adoption progresse plus vite que le contrôle dont elle fait l’objet », explique Rogier van Konijnenburg, Business Unit Manager IT Services chez Sharp Benelux. « Les entreprises belges ne doivent pas seulement adopter l’IA, mais aussi la maîtriser. Cela implique la mise en place d’une gouvernance claire, de mécanismes de surveillance et de directives précises afin de limiter les risques et d’en exploiter les bénéfices en toute sécurité. »

Selon Sharp, cette utilisation non encadrée augmente également le risque d’erreurs, avec des conséquences potentielles multiples pour les entreprises – financières, juridiques et réputationnelles.

Entre adoption rapide et retard structurel

Les chiffres de l’étude Sharp témoignent d’une dynamique globalement positive. Menée en juin auprès de 250 entreprises belges, l’enquête affiche des résultats sensiblement supérieurs à ceux observés dans une étude réalisée par Dell Technologies en août auprès de 100 entreprises où seules 36 % d’entre elles disaient intégrer l’IA dans leur stratégie.

Les statistiques officielles pour 2025 ne sont pas encore disponibles, mais les données du SPF Économie indiquent qu’en 2024, l’IA était déjà utilisée par 16 % des PME belges, soit deux fois plus qu’en 2023. Une tendance clairement à la hausse, mais freinée par plusieurs facteurs.

Si le coût de déploiement de l’IA reste un frein pour certaines organisations, le manque d’expertise interne apparaît comme l’obstacle principal. À cela s’ajoute, dans de nombreux cas, une infrastructure informatique encore insuffisamment modernisée, qui complique le déploiement sécurisé de l’intelligence artificielle.

Dans ce contexte, l’IA agit autant comme un accélérateur de transformation que comme un révélateur des failles organisationnelles des entreprises belges.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire