Le ministre wallon de la Santé alerte sur l’impact du numérique sur la santé mentale lors du Forum de l’éducation à la citoyenneté numérique.
Invité du Forum de l’Education à la citoyenneté numérique qui se tenait à l’Aula Magna de Louvain-la-Neuve, le ministre wallon de la Santé, Yves Coppieters, a présenté un état des lieux préoccupant de la santé mentale des jeunes. Les tendances qu’il observe, explique-t-il, « sont interpellantes » et appellent une action publique plus structurée.
Les données présentées par le ministre sont interpellantes. En Région wallonne, un jeune sur cinq présente des symptômes anxieux, tandis qu’au niveau européen, un jeune sur quatre développe des troubles dépressifs ou anxieux depuis la crise Covid. Mais c’est surtout la consommation d’écrans chez les plus jeunes qui inquiète : “43% des enfants de 3 à 4 ans consomment plus d’une heure par jour d’écran. Vous imaginez ?” s’est exclamé Yves Coppieters.
Les chiffres de Sciensano révèlent que 80% des jeunes de 10 à 19 ans dépassent la limite recommandée de deux heures par jour, et qu’un tiers des enfants en primaire utilisent déjà les réseaux sociaux. “Tous les indicateurs sont au rouge chez les jeunes”, a martelé le ministre, citant la sédentarité, la surcharge pondérale et le prédiabète comme conséquences multiples de ces nouvelles habitudes de vie.

La prévention comme investissement stratégique
Pour le ministre, la prévention reste la stratégie la plus rentable socialement et économiquement. Pour Yves Coppieters, la solution ne peut être univoque. Il distingue clairement deux approches complémentaires. La prévention passive, imposée par les pouvoirs publics, et la prévention active, basée sur l’éducation et l’accompagnement.
L’interdiction des smartphones à usage récréatif dans les écoles wallonnes, décidée par la ministre Glatigny, illustre parfaitement cette prévention passive. À côté de cela, la prévention « active » — éducation, accompagnement, développement du sens critique — doit recevoir davantage de moyens. Elle concerne les jeunes, leurs familles et les enseignants. Un budget de 6,3 millions d’euros a été dégagé par la Région wallonne pour financer des projets innovants autour des compétences psychosociales.
Le ministre défend un concept novateur : au-delà du droit à la déconnexion digitale, il faut promouvoir “le droit à la reconnexion à autre chose : la nature, le sport, les amis, le lien humain.” Une philosophie qui place l’environnement au cœur de la stratégie de santé publique. Car pour Yves Coppieters, le changement de comportement individuel ne suffit pas. “On ne peut pas tout responsabiliser sur les comportements. Si vous ne changez pas les environnements autour des personnes, vous n’arriverez jamais à changer les comportements.” Un message clair adressé à l’ensemble des acteurs politiques : la responsabilité est collective, pas individuelle.
L’exemple parental en question
Le ministre n’épargne personne, y compris lui-même : “J’ai exactement la même vie que vous. Rassurez-vous, je suis aussi derrière mes écrans.” Cette autocritique illustre l’importance du mimétisme chez les jeunes, qui reproduisent les comportements observés chez les parents, les enseignants et les responsables politiques. Concernant l’âge d’accès aux réseaux sociaux, actuellement fixé à 13 ans, il estime qu’un âge de 13 à 15 ans serait raisonnable, à condition que les jeunes aient développé les compétences nécessaires, notamment l’esprit critique.
Si la consommation numérique préoccupe, Yves Coppieters rappelle qu’elle n’est qu’un facteur parmi d’autres affectant la santé mentale. L’éco-anxiété touche 10% des jeunes, et les inégalités socio-économiques et territoriales amplifient les risques.
Au-delà des usages, le ministre appelle à mieux encadrer les plateformes et leurs algorithmes. “Les algorithmes peuvent cliver la société et amener à des dimensions très violentes”, observe-t-il. Le cyberharcèlement figure également parmi les préoccupations majeures. Concernant les contenus dangereux, il évoque le précédent du « Paracétamol Challenge » lié aux réseaux sociaux. « Il faut vraiment interdire l’accès à ce type de contenus”, juge-t-il, tout en reconnaissant que les dispositifs réglementaires n’ont pas encore suffisamment progressé.
Un plan santé mentale pour 2026
Yves Coppieters a annoncé qu’un plan santé mentale sera déployé d’ici fin 2026 pour la Région wallonne et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce plan inclura des stratégies spécifiques pour les adultes et les seniors, souvent moins outillés que les jeunes face aux défis du numérique. Au-delà des risques, Coppieters rappelle que « le numérique est aussi une opportunité ». La Wallonie investit d’ailleurs massivement via son plan digital. La véritable responsabilité des pouvoirs publics, selon lui, est double : intégrer le numérique dans toutes les politiques, et garantir des environnements numériques sûrs. « C’est vraiment la clé du succès », conclut-il, insistant sur la nécessité d’un pilotage transversal entre santé, éducation, économie et politique numérique.