Valérie Glatigny face au défi de l’IA à l’école : “Nous devons agir pour ne pas subir”

Valérie Glatigny (MR).
Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

La ministre de l’Education, Valérie Glatiny (MR), a donné le coup d’envoi du projet européen « Une éducation tournée vers l’avenir », qui doit guider l’usage de l’intelligence artificielle (IA) à l’école.

« L’intelligence artificielle n’est plus une promesse lointaine, elle transforme déjà nos vies, nos métiers, notre manière d’apprendre. » D’entrée de jeu, Valérie Glatiny a planté le décor. Face à un public composé d’experts internationaux, de chercheurs, de représentants politiques et institutionnels, de syndicats et d’acteurs du terrain, la ministre a ouvert ce jeudi matin, au Palais des Académies, la rencontre consacrée à l’intégration de l’IA dans l’enseignement.

Organisée par l’Administration générale de l’Enseignement, cette matinée marquait le lancement du projet européen « Une éducation tournée vers l’avenir : accompagner les écoles dans l’évolution de l’intelligence artificielle ». Financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’UNESCO, ce programme de 27 mois (2025-2027) réunit six systèmes éducatifs – dont la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Communauté flamande, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’Irlande, le Luxembourg et la Suède – avec un objectif commun, accompagner les écoles dans l’évolution de l’intelligence artificielle grâce à des outils pédagogiques, des formations et des recommandations concrètes.

Des citoyens éclairés, capables de comprendre la logique des algorithmes

Pour la ministre, cette transformation rapide « oblige à repenser nos repères, nos pratiques et nos responsabilités ». Elle a appelé à « agir pour ne pas subir » afin que l’école « reste un lieu d’émancipation, de justice et de savoir critique ». L’enjeu, selon elle, dépasse la simple adaptation technologique. « L’école doit former des citoyens éclairés, capables de comprendre la logique des algorithmes et de garder une distance critique face aux outils numériques. »

La Fédération Wallonie-Bruxelles s’est dotée d’une stratégie numérique pour l’éducation, élaborée en concertation avec les acteurs du terrain. Nathalie Bolland, directrice générale adjointe du Service général du Numérique éducatif, en a rappelé les lignes de force. Une analyse des incidences de l’intelligence artificielle sur le système éducatif, menée en 2023, a débouché sur une quinzaine de propositions à intégrer dans la révision de cette stratégie.

Plusieurs initiatives concrètes sont déjà en place. Une charte inter-réseaux encadre l’usage responsable de l’IA. La thématique est désormais intégrée à la formation continue des enseignants. Le déploiement de l’outil Pix, adapté au contexte francophone belge, se poursuit, tout comme l’enrichissement de la plateforme e-Classe, qui rassemble déjà plus de soixante ressources pédagogiques dédiées à l’IA. Un projet pilote est également mené dans l’enseignement fondamental pour tester l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle dans les classes de quatrième à sixième primaire. Pour Nathalie Bolland, ces actions traduisent une volonté d’avancer vite tout en gardant un ancrage humain. « Les dynamiques sont en marche, mais il reste encore beaucoup à construire pour donner du contenu concret aux enseignants de terrain.»

La finalité de l’école

Présente dans l’assemblée, Marie-Agnès Boxus, directrice générale du pilotage et des affaires pédagogiques à Wallonie-Bruxelles Enseignement, a rappelé que l’intégration de l’IA ne relevait pas seulement d’une question technique ou pédagogique, mais d’un choix de société.

« Il est nécessaire pour l’ensemble de la communauté éducative de se retrouver dans un cadre un peu stabilisé, partagé, institutionnalisé. Je pense qu’il faut bien mesurer la dimension politique qui va de pair avec ce cadre et qu’il sera très difficile d’orienter les pratiques des usagers dans un système éducatif dont les perspectives ne sont pas encore clairement identifiées, parce que les bouleversements induits par l’usage de l’IA vont transformer la société. C’est le modèle même dans lequel on vit qui est questionné. Si le politique n’anticipe pas les changements à venir, dans les métiers comme dans la manière de vivre ensemble, il sera difficile de prendre les bonnes décisions pour l’enseignement. Peut-être même que la finalité de l’école elle-même sera, à terme, remise en question. »

Entre promesse d’innovation et risque de perte de sens, l’école se trouve à un tournant qu’il s’agit de négocier avec prudence, car de sa manière d’apprivoiser l’intelligence artificielle dépendra l’avenir de la formation des citoyens de demain.

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