La division dédiée au projet de superintelligence de Meta est déjà confrontée à départs, deux mois seulement après sa création. Une situation qui laisse entrevoir les premières fissures du Meta Superintelligence Labs (MSL), mais qui soulève surtout des questions sur le bien-fondé du pari particulièrement ambitieux de Mark Zuckerberg.
Au moins huit employés de Meta ont claqué la porte du MSL, ces dernières semaines. Parmi eux, non seulement plusieurs vétérans, mais aussi de nouvelles recrues, rapporte Business Insider.
« Une certaine attrition est normale pour toute organisation de cette taille. La plupart de ces employés travaillaient dans l’entreprise depuis des années et nous leur souhaitons bonne chance », temporise le porte-parole de Meta.
Il n’empêche : ces démissions n’envoient pas un bon message. Le projet de développer une intelligence artificielle aux capacités cognitives supérieures à celles des humains, capable de raisonnement sans intervention de notre part, pour lequel Meta a déjà débloqué plusieurs milliards de dollars, peut-il tenir la route ? Ou l’empire Zuckerberg est-il en train de reproduire les erreurs du métavers ?
Un contraste important
Ces départs tranchent avec la campagne agressive d’embauche menée par Meta depuis plusieurs mois. L’entreprise de Mark Zuckerberg cherche à recruter des experts en intelligence artificielle pour rattraper son retard face à OpenAI et Anthropic. Elle n’hésite pas à mettre la main au portefeuille pour y parvenir.
Salaires à plusieurs millions de dollars annuels, bonus alléchants : tous les coups sont permis pour attirer les ingénieurs en IA. Quitte à aller piocher directement chez la concurrence.
Cette stratégie a porté ses fruits à plusieurs reprises. Le groupe est ainsi parvenu à débaucher des employés d’Apple, d’OpenAI et de Google DeepMind. Mais ces démissions suggèrent que Meta Superintelligence Labs affronte en réalité des difficultés internes.
Tensions internes
Si l’entreprise se veut rassurante, les échos des dernières semaines suggèrent en effet d’importantes tensions au sein de la division IA de l’entreprise. Il faut dire qu’au cours des 6 derniers mois, elle a subi plusieurs restructurations, avec la création du MSL notamment.
Plus récemment, la firme a annoncé que ses équipes d’IA seraient réparties en quatre segments : le développement de nouveaux modèles de langage, incluant la superintelligence ; l’intégration de l’IA dans les produits de la marque ; les infrastructures nécessaires ; et enfin une recherche plus fondamentale, tournée vers le long terme.
Des réorganisations à répétition, qui pèsent sur la stabilité et la qualité du travail, selon un ancien employé, mais qui créent surtout des tensions entre les employés et équipes.
Les vétérans de l’entreprise perçoivent sa campagne d’embauche agressive comme le signe qu’ils ne sont pas capables de mener à bien son nouveau projet. Beaucoup d’employés ont tenté de négocier une place au sein du Meta Superintelligence Labs, largement valorisé en interne. Ils espéraient profiter à la fois du prestige du projet et des ressources informatiques mises à disposition. Certains sont même allés jusqu’à menacer de quitter l’entreprise s’ils n’y étaient pas affectés. Des menaces auxquelles l’entreprise n’a pas répondu.
Le douloureux souvenir du métavers
Débloquer des milliards pour un nouveau projet ambitieux et recruter à tour de bras n’a rien de nouveau pour l’empire Zuckerberg. Meta l’avait déjà fait en 2021, lorsque le métavers était sur toutes les lèvres. C’est à ce moment-là que l’entreprise de réseaux sociaux s’est rebaptisée Meta, signe de sa foi dans cette vision.
Le pari s’est révélé catastrophique pour Facebook. Malgré l’emballement des géants de la tech, la sauce n’a pas pris auprès du grand public. Le contexte n’a pas aidé, entre le début de la guerre en Ukraine et une inflation généralisée. Mais surtout, les consommateurs ne semblaient pas prêts pour cette technologie et l’expérience proposée.
En un an, le groupe Meta a perdu plus de 63 % de sa valeur boursière. Il a dû licencier plus de 11.000 employés, soit 13 % de ses effectifs.
La situation actuelle est différente. L’engouement pour l’intelligence artificielle ne s’est pas essoufflé en trois ans. Signe que la technologie est là pour durer, et qu’il est impératif pour les entreprises technologiques de s’y engager.
Contrairement au métavers, l’IA ne vise pas uniquement le divertissement du grand public. Elle trouve des usages multiples, tant professionnels que privés, et sera de plus en plus intégrée dans les infrastructures et les services du quotidien.
Meta a donc raison d’investir massivement dans ce domaine. Mais son agressivité et son approche déshumanisée pourraient, cette fois encore, se retourner contre elle.