Ce 10 août 2025 marque une décennie depuis que Sundar Pichai a pris les rênes de Google. L’occasion de retracer le parcours de cet ingénieur venu d’Inde, devenu l’un des patrons les plus influents de la planète tech, et qui a transformé l’entreprise en misant sur trois leviers majeurs : l’intelligence artificielle, le cloud et YouTube.
Né à Chennai, dans le sud-est de l’Inde, d’un père ingénieur en électricité et d’une mère sténographe, Sundar Pichai a eu une enfance et une adolescence modeste. Élève brillant, il obtient une bourse pour rejoindre l’université de Stanford, puis enchaîne avec un second master à Wharton. En 2004, il intègre Google comme chef de produit.
Très vite, il se distingue en pilotant le lancement de Chrome, puis en supervisant Android, qui équipe aujourd’hui la grande majorité des smartphones dans le monde. En août 2015, Larry Page, cofondateur de Google, lui confie la direction du moteur de recherche, alors que l’entreprise connait une restructuration d’envergure avec la création de la maison mère, Alphabet. Quatre ans plus tard, Pichai prend aussi la tête de cette dernière, succédant aux deux fondateurs.
Un dirigeant aux antipodes du show-business
À l’opposé des patrons stars et flamboyants de la tech, Sundar Pichai cultive un style feutré. Peu friand des coups d’éclat, il préfère écouter, arbitrer discrètement et miser sur le pragmatisme. Sur scène, lors des keynotes Google, il se montre souriant et clair, mais jamais théâtral. Une sobriété qui, si elle a pu lui valoir des critiques, l’a surtout aidé à traverser les crises sans perdre la confiance des investisseurs.
L’IA, de visionnaire à retardataire
Dès 2016, Sundar Pichai affiche son ambition : faire de Google une entreprise “AI first”, rappelle le média français Le Figaro. Il mise sur le machine learning et le deep learning, intégrant progressivement ces technologies dans les produits maison, de la publicité à la traduction en passant par la recherche.
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Mais en 2022, l’arrivée de ChatGPT d’OpenAI, soutenu par Microsoft, agit comme un électrochoc. Google, qui jugeait l’IA générative encore instable, se retrouve soudain en position défensive. Bard, lancé dans la précipitation, essuie des critiques et fait chuter la valorisation boursière de 100 milliards de dollars après une erreur factuelle.
Pichai encaisse, resserre les rangs et fusionne les équipes de Google Brain et DeepMind. En 2024, Gemini marque un nouveau départ : une IA générative intégrée directement à Android et au moteur de recherche, avec les “aperçus d’IA”. Sans encore rivaliser en popularité avec ChatGPT, Gemini s’impose comme un outil stratégique, au cœur de la vision future de Google.
Bouchées doubles pour Google Cloud
Quand Pichai prend ses fonctions, Google Cloud est loin derrière Amazon Web Services et Azure de Microsoft. Dix ans plus tard, il est devenu le troisième acteur mondial, avec plus de 10 % de part de marché et une rentabilité atteinte depuis 2023.
Le PDG a misé sur un positionnement B2B, en ciblant notamment les secteurs régulés comme la santé, la finance et l’administration publique. Sous son impulsion, Google Cloud est aussi devenu un vecteur clé de l’IA, permettant aux entreprises d’exploiter la puissance des modèles génératifs de Google.
Ironie de la chose, OpenAI a signé un partenariat avec la firme de Mountain View pour profiter de ses services Cloud pour assurer le fonctionnement de ses outils d’IA.
YouTube-game
Sous Pichai, YouTube a renforcé sa position de leader mondial de la vidéo en ligne. La plateforme a affiné sa monétisation grâce à l’intégration poussée de Google Ads, tout en développant des sources de revenus récurrentes comme YouTube Premium et YouTube Music.
Face à l’essor de TikTok, Pichai a encouragé le lancement de YouTube Shorts, aujourd’hui l’un des formats vidéo les plus consommés sur mobile. L’expansion internationale s’est accélérée, notamment via des outils de traduction automatique et de sous-titrage basés sur l’IA.
Des défis encore nombreux
Sundar Pichai a transformé Google et Alphabet en un conglomérat plus diversifié que jamais, présent dans l’IA, le cloud, la vidéo, mais aussi la voiture autonome (Waymo) ou la santé connectée (Verily).
Pour la décennie à venir, les enjeux sont clairs : rester dans la course à l’IA face à Microsoft et OpenAI, maintenir la croissance du cloud, tout en gérant la pression réglementaire et les procès antitrust, avec en ligne de mire la menace d’un démantèlement forcé.
Dix ans après son arrivée au sommet, l’homme discret de Chennai a prouvé qu’il savait encaisser les tempêtes. Mais les dix prochaines années pourraient bien être les plus décisives de sa carrière.