Simulation du monde réel, puces photoniques, l’humain orchestrateur : les 7 tendances IA de 2026

Web Summit 2025. Robot
Web Summit 2025. © Getty Images
Diederick Legrain
Diederick Legrain Formateur IA

Sur scène du Web Summit de Lisbonne, les leaders de la Tech ont parlé moins d’outils que de trajectoires, moins d’IA « générative » que d’IA située, incarnée, invisible.

Entre modèles qui simulent la physique, agents autonomes et puces photoniques, voici les sept tendances du Web Summit qui pourraient redessiner une partie de nos métiers dès 2026.

1. Vibe coding : la tendance lourde

Créer une application comme on dicte un message vocal : voilà l’ambition du Vibe Coding, concept défendu par Michele Catasta, responsable IA chez Replit.
Le principe : vous décrivez ce que vous voulez, l’agent construit l’app. Point.

Un marketeur imagine son tableau de bord sur mesure ; un enseignant conçoit une app pédagogique pour sa classe ; un entrepreneur fabrique son prototype pendant sa pause de midi. La barrière technique s’effrite. Catasta évoque une adoption « fulgurante, plus rapide encore que celle du tableur ». Après le code low-code, voici le code… sans code, ou plutôt avec votre voix comme langage de programmation.

2. World models : l’IA simule le réel

Pour Cristóbal Valenzuela (Runway), 2026 sera « l’année du renversement ». Les World Models, ces IA nourries de vidéos, de sons et de données physiques, ne se contentent plus de générer une phrase ou une image : elles simulent la physique, la continuité, la causalité. Ces modèles savent comment une boîte tombe, comment une lumière rebondit sur une surface, comment un humain se déplace dans un espace. Siemens, avec Nvidia, exploite déjà ces jumeaux numériques pour concevoir des usines et entraîner les robots qui y travailleront, dans des environnements virtuels d’une précision folle.

L’avenir de l’IA ? « Pas conversationnel, mais situationnel. » Une IA qui comprend les scènes, pas seulement les mots.

3. L’ère agentique : l’IA travaille pour vous

« Oubliez les applications », prévient Cristiano Amon (Qualcomm). L’agent IA devient l’interface centrale de votre vie numérique. Plus besoin d’ouvrir Uber : vous dites « j’ai besoin d’aller quelque part », il gère. Il consulte votre agenda, réserve, optimise. Tao Zhang (Manus) décrit déjà son quotidien : son agent lit ses mails, traite les tâches en retard et prépare la journée avant qu’il ne se réveille.
Pour Babak Hodjat (Cognizant), demain sera multi-agentique : des essaims d’IA représentant entreprises, services et consommateurs négocieront entre elles. Une économie automatisée, fluide et opaque.

Matthew Prince (Cloudflare) pose l’avertissement : « Si le web devient agentique, les marques disparaissent. » L’utilisateur ne choisit plus, c’est son agent qui le fait. Les plateformes d’intermédiation — Booking, comparateurs, marketplaces — pourraient s’effacer.

4. Les robots : pas encore dans les maisons

« Les robots arrivent juste à temps », affirme Robert Playter (Boston Dynamics). Le manque de main-d’œuvre — 2,1 millions de travailleurs en moins aux États-Unis d’ici 2030 — pèse déjà : 8 500 milliards de dollars de productivité perdue. La stratégie ? L’industrie d’abord : des environnements contrôlés, plus simples, plus sûrs. Les foyers viendront en dernier. Trop complexe, trop variable, trop risqué.

L’IA change aussi la manière de programmer un robot : plus besoin de coder des trajectoires. On montre un mouvement, le robot apprend par clonage de comportement. Une transmission quasi intuitive.

5. Interfaces cerveau-machine : l’horizon 2035 ?

Max Hodak, cofondateur de Neuralink, ne tourne pas autour du pot : « 2035 sera radicalement différent de 2025. » Son intuition : IA et neurosciences convergent, car les modèles apprennent des représentations étonnamment proches de celles du cerveau humain.

Des preuves existent déjà. La prothèse rétinienne Prima permet à des patients atteints de dégénérescence maculaire de retrouver la capacité de lire.
Chez Neuralink, un patient tétraplégique joue à des jeux vidéo par la pensée et confie avoir l’impression de posséder « des super-pouvoirs ». L’imaginaire de la science-fiction s’invite discrètement dans le monde médical.

6. Puces photoniques : l’urgence énergétique

L’IA consomme aujourd’hui 1 % de l’électricité mondiale. En 2030 : jusqu’à 4 %. Une trajectoire intenable.

Nicolas Müller (Arago), lui, mise sur la lumière. Les puces photoniques calculent non pas avec des électrons mais avec des photons : moins de chaleur, plus de rapidité, et surtout la possibilité d’effectuer plusieurs calculs en manipulant la phase, la couleur, l’orientation du même photon.

Basée à Paris et financée à 26 millions de dollars, Arago revendique un avantage européen : la maîtrise historique de la photonique. Dans l’IA, l’efficacité énergétique n’est plus un bonus écologique, dit Müller : c’est un levier de revenus. Selon lui, ces puces arriveront non pas « dans quelques années », mais dans quelques mois… voire semaines.

7. L’humain orchestrateur

Face au déferlement technologique, Jaroslaw Kutylowski (DeepL) ramène l’enjeu à l’essentiel : « Nous devons nous concentrer sur les décisions significatives. »

L’IA produit. L’humain juge : style, ton, conformité, nuance, sens.

Dans quelques années, chaque professionnel orchestrera « trois ou quatre collègues IA », anticipe Michele Catasta. Et très vite, des centaines d’agents pour certains métiers : marketer, analyste, chef de projet.

Les compétences changent : moins exécuter, plus déléguer, superviser, arbitrer. « Nous devons devenir des experts du jugement », insiste Kutylowski.

Timothy Young (Jasper) y voit une chance : libérer les professionnels du travail répétitif pour se concentrer sur ce qui reste profondément humain : la stratégie, la créativité, le relationnel.

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