Un phénomène inédit : l’IA est déjà le concurrent des jeunes diplômés

Jeune diplome tech
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Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

Ils ont étudié les langages de l’intelligence artificielle (IA), et c’est elle qui leur prend la place. Une étude d’Oxford Economics montre que, pour la première fois, les jeunes diplômés américains sont plus exposés au chômage que la moyenne nationale.

Difficile de dire, à ce stade, si l’intelligence artificielle remplacera certains emplois, provoquera des vagues de départs ou entraînera des licenciements massifs. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que les États-Unis servent souvent de laboratoire avancé pour des transformations économiques qui touchent ensuite l’Europe.

Selon une étude Oxford Economics, les premiers effets de l’IA sur le marché du travail américain sont déjà visibles, notamment parmi les jeunes diplômés universitaires. Leur situation se dégrade, non pas à cause d’une crise économique, mais d’une mutation structurelle liée à la révolution technologique.

Le rapport met en évidence un phénomène inédit. Les postes de premier échelon, ceux qui permettaient traditionnellement aux diplômés de faire leurs armes dans les entreprises technologiques, sont désormais les plus exposés à l’automatisation. Les outils d’intelligence artificielle y remplacent progressivement certaines fonctions d’analyse, de conception ou de programmation, des tâches souvent confiées à de jeunes ingénieurs ou data analysts.

De ce fait, les emplois de niveau d’entrée dans les sciences informatiques et mathématiques ont chuté de 8 % depuis 2022, tandis que l’emploi des diplômés plus âgés dans ces mêmes domaines a légèrement progressé (+0,8 %). Le ralentissement est donc clairement générationnel. L’IA ne détruit pas tant les emplois existants qu’elle empêche l’arrivée des nouveaux entrants sur le marché.

Inadéquation entre l’offre et la demande

Cette inadéquation entre l’offre et la demande s’explique aussi par un retournement de cycle. Après une décennie d’embauches massives dans la tech, la demande des entreprises s’est brutalement contractée. Le rapport d’Oxford Economics relève une chute de plus de 40 % des offres d’emploi dans les services professionnels et techniques depuis 2021, une catégorie qui inclut la majorité des entreprises du numérique. Ce recul, combiné à la montée rapide du nombre de diplômés issus des filières STEM, crée une saturation du marché avec trop de jeunes qualifiés pour moins de postes.

Au total, 85 % de la hausse du chômage américain depuis 2023 provient de jeunes diplômés cherchant leur premier emploi. Ces nouveaux entrants représentent à peine 5 % de la population active, mais comptent pour 12 % de la hausse du chômage national. Leur taux de chômage atteint aujourd’hui près de 6 %, un niveau historiquement élevé pour une génération que l’on croyait protégée par ses études.

Pour autant, ces jeunes ne renoncent pas. La participation au marché du travail reste stable, et le sous-emploi ne progresse pas. Autrement dit, ils persistent à chercher des emplois correspondant à leurs qualifications, plutôt que d’accepter des postes sous-dimensionnés. Une forme de résistance silencieuse à un système qui, pour l’instant, ne leur fait plus de place. Si ces tendances demeurent pour l’instant propres aux États-Unis, elles pourraient préfigurer une évolution plus large, celle d’un chômage qualifié touchant (temporairement ?) non pas les moins formés mais les plus diplômés, ceux dont les compétences se retrouvent concurrencées par les technologies qu’ils maîtrisent pourtant le mieux.

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