Pourquoi DeepSeek n’est pas née en Belgique
À en croire son fondateur, la nouvelle star chinoise de l’IA aurait développé son nouveau modèle (R1) en quelques semaines et avec seulement 6 millions de dollars. Ce que des Belges auraient pu faire. Mais la réalité est toute autre…
La frénésie autour de la start-up chinoise d’intelligence artificielle continue de défrayer la chronique. DeepSeek a jeté un pavé dans la mare hier en laissant entendre qu’elle avait été capable de lancer un nouveau modèle d’intelligence artificielle en 2 mois et avec moins de 6 millions de dollars, malgré les restrictions américaines sur la livraison de puces dernier cri à la Chine.
De quoi remettre en question l’approche des géants de la tech américaine, qui s’appuient sur des infrastructures massives et des investissements colossaux (en centaines de milliards).
Avec si peu de moyens, mais une approche créative, la Belgique aurait-elle pu lancer un DeepSeek ? Au regard des investissements belges en matière de start-up, la question pourrait se poser : 470 millions d’euros auraient été investis dans la tech rien que sur les six premiers mois de l’année 2024, selon un baromètre dévoilé l’an passé par Bain et SyndicateOne.
On peut pourtant l’affirmer : un projet comme DeepSeek n’aurait pas pu naître en Belgique. Pour plusieurs raisons.
D’abord, « il faut arrêter d’être intoxiqué par les Chinois sur ce sujet, prévient Laurent Alexandre, observateur avisé du secteur de l’IA. DeepSeek prétend avoir utilisé 2 000 anciens GPU de Nvidia (un modèle disponible avant les restrictions américaines, ndlr). Mais plusieurs spécialistes de la tech remettent cette affirmation en cause : la start-up aurait, d’après eux, récupéré environ 50 000 GPU dernier cri en contrebande. Autrement dit, il faut ajouter 2 milliards de dollars. »
Et de préciser que, malgré tout, cet investissement relativement « limité » a permis de « montrer qu’on peut faire rapidement et qualitativement progresser l’inférence en matière d’intelligence artificielle. Plus vite qu’on ne pouvait l’imaginer. »
Cela n’aurait pas pu arriver chez nous
Mais, « cela n’aurait pas pu arriver en Belgique, malheureusement, continue Laurent Alexandre. Simplement parce qu’en Belgique, il n’y a pas d’écosystème d’IA solide au niveau des grands modèles d’IA. » Le fondateur de DeepSeek, Liang Wenfeng, a, lui, pu compter sur les meilleurs ingénieurs du domaine en les payant à prix d’or, comme le révèle le Financial Times. L’homme a utilisé les profits de son fonds quantitatif High-Flyer pour financer DeepSeek, offrant à son équipe des conditions salariales compétitives et des moyens de recherche sans équivalent. Or, on sait que l’accès aux fonds reste relativement faible en Belgique, particulièrement sur ce créneau.
Par ailleurs, « la Belgique n’a pas d’intérêt pour l’intelligence artificielle. Il n’y a pas de prise de position forte de la part du Premier ministre sur le sujet ni de prise de conscience. Il ne faut pas croire que DeepSeek est une start-up peu financée qui a développé une IA dans son coin. Il y a derrière DeepSeek une volonté. » Il n’y a qu’à voir le statut de « héros national » que les autorités chinoises ont conféré à Liang Wenfeng, le fondateur de DeepSeek.
C’est que la nouvelle star de l’IA s’inscrit dans une bataille technologique féroce entre les deux grandes puissances mondiales. Alors que Washington multiplie les restrictions pour ralentir les avancées chinoises, Pékin encourage ses entreprises à redoubler d’ingéniosité pour contourner ces obstacles. « La Belgique ne se positionne pas comme un acteur global dans la bataille technologique et continue d’être un spectateur dans cette course », conclut Laurent Alexandre.
Intelligence artificielle
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