Panne mondiale : comment l’utility computing rend les entreprises vulnérables aux géants du cloud

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Vincent Genot
Vincent Genot Coordinateur online news

Plusieurs sites, dont celui de Trends Tendances, ainsi que des applications populaires comme Snapchat et Fortnite, ont été inaccessibles pendant plusieurs heures lundi matin, à la suite d’une panne d’Amazon Web Services (AWS) aux Etats-Unis. Cette paralysie partielle du web illustre une fois encore les risques liés à la dépendance des entreprises envers les géants américains de la tech.

L’AWS est la division de cloud computing d’Amazon. Il s’agit d’une plateforme proposant plus de 200 services, comme l’hébergement de sites, le stockage de données, la puissance de calcul et des bases de données, à la demande pour les entreprises et les particuliers. Si les entreprises se tournent massivement vers Amazon Web Services (AWS) et d’autres plateformes spécialistes du cloud, c’est d’abord pour des raisons économiques.

Utility computing

Pour de nombreuses entreprises, louer de la puissance de calcul revient bien moins cher que de gérer ses propres serveurs. Le modèle à la demande, où l’on paie uniquement pour les ressources utilisées (utility computing), permet de transformer des dépenses d’investissement lourdes en charges opérationnelles plus souples.  À cet argument s’ajoute la promesse de performance et de flexibilité. Par exemple, dans le cadre de l’hébergement d’un site, en quelques clics, une entreprise peut augmenter ou réduire la puissance de ses serveurs selon l’activité, sans craindre les goulets d’étranglement. Cette élasticité évite le surdimensionnement coûteux des infrastructures informatiques. Le recours au cloud répond aussi à une logique d’accès permanent aux outils de travail, depuis n’importe où. La généralisation du télétravail a renforcé cet attrait.

Forte dépendance

Une entreprise qui migre ses applications et ses données vers un prestataire extérieur devient cependant fortement dépendante de l’ infrastructure de celui-ci. En cas de panne, elle n’a que peu ou pas de marge de manœuvre. Les incidents d’infrastructures du cloud ne se limitent pas à Amazon. En juin 2025, une mise à jour défectueuse de Google Cloud a provoqué une panne mondiale touchant de nombreux services en Europe, dont Spotify et Snapchat. Quelques mois plus tard, en octobre 2025, c’est Microsoft Azure qui subissait à son tour une interruption majeure liée à son service de routage, affectant plusieurs entreprises européennes pendant presque 4 heures. Encore plus près de nous, en juillet 2024, une autre panne informatique, liée à la mise à jour d’un logiciel de CrowdStrike sur Windows, avait paralysé des aéroports comme celui de Zaventem, des hôpitaux et de nombreuses autres organisations, provoquant une gigantesque pagaille à travers le monde. Ces incidents rappellent qu’aucun fournisseur, même parmi les plus puissants, n’est à l’abri d’un dysfonctionnement technique capable de paralyser une partie de l’économie numérique.

Ce genre de panne, lorsqu’elle touche des services centraux comme les bases de données, l’authentification ou le stockage, peut rapidement paralyser l’activité des entreprises clientes. Les conséquences sont immédiates : pertes de revenus pour les sites marchands, interruption de service pour les utilisateurs, saturation du support client et atteinte à la réputation numérique. Dans des secteurs sensibles comme la banque, la santé ou le transport, une telle interruption peut même avoir des répercussions réglementaires ou compromettre la sécurité des opérations. Comme seulement quelques acteurs dominent le marché mondial du cloud, cela crée un risque systémique, car une seule panne ou faille peut affecter simultanément des milliers d’entreprises et d’utilisateurs dans le monde.

Cette panne “met en évidence les défis liés à la dépendance” aux fournisseurs de services basés à l’étranger comme Amazon, Microsoft et Alphabet (Google), et qui concentrent une partie importante des clients dans le monde, estime Junade Ali, expert en cybersécurité à l’IET (Institution of Engineering and Technology), interrogé par l’AFP. Elle soulève “de sérieuses questions” sur la pertinence pour les entreprises “d’externaliser tout ou partie de leur infrastructure essentielle à un petit groupe de fournisseurs tiers afin de réaliser des économies sur l’hébergement”, pointe également l’analyste financier britannique Michael Hewson.

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