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“Nous sommes tous victimes de la plus grande extorsion de valeurs des temps modernes”
Les visiteurs du petit Salon de l’Auto à Bruxelles n’y ont pas prêté attention. Normal, ce n’est pas la vocation du Salon de mettre en avant les nouveaux rapports entre assureurs et conducteurs. Pourtant, ces rapports vont s’intensifier grâce à la révolution numérique.
Auparavant, les assureurs avaient peu de contacts avec leurs clients, si ce n’est dans les circonstances désagréables des sinistres par exemple. À part cela, les assureurs devaient se débrouiller par eux-mêmes pour avoir un maximum d’informations sur leurs assurés. Cela passait et passe encore par des questionnaires fouillés remplis par les assurés.
Mais au fil du temps, tout cela va changer. C’est d’ailleurs déjà le cas dans le secteur des primes d’assurance automobile. Des compagnies comme Axa ou Allianz, pour ne citer qu’elles, se sont déjà engouffrées dans le créneau pour proposer à leurs assurés des boîtiers encastrés sous le volant de la voiture pour mesurer la qualité de conduite. L’idée, comme l’explique le magazine Challenges, c’est que ce boîtier mesure de manière continue notre intensité de freinage, nos accélérations, nos prises d’angle dans les virages, etc. Et bien entendu, le facteur le plus important et qui sera mesuré en premier lieu, c’est la fréquence des freinages brusques. Ceux-ci sont en effet le signe d’une conduite trop sportive !
Si j’en parle, c’est parce que cela préfigure l’assurance automobile de demain. Allianz ou AXA par exemple proposent ce genre de boîtier en Belgique et en France et l’assuré peut ainsi réduire sa prime jusqu’à 30% s’il est jugé bon conducteur, donc un bon risque. Il s’agit évidemment d’une étape importante vers l’individualisation des risques et donc des primes. Pour l’heure, la prime ne peut aller que vers le bas, donc officiellement, il n’y a pas de risque de hausse. Mais c’est un leurre à plus long terme, car les assurances ne sont pas des institutions de charité et elles ont une rentabilité à garantir aux actionnaires.
D’ailleurs, le patron d’AXA Global Direct en France a reconnu à nos confrères de Challenges qu’il avançait prudemment sur le terrain de l’individualisation des primes. Pourquoi ? Parce que le boîtier mis en place chez plusieurs milliers de conducteurs dans l’Hexagone montre une baisse moyenne des tarifs de l’ordre de 21%… AXA veut donc s’assurer (sans jeu de mots) que le dispositif reste rentable.
Les données numériques sont devenues le carburant des entreprises, le nouveau pétrole du 21e siècle
Mais cette prudence ne doit pas cacher le fait que les assureurs sont désormais en concurrence avec les constructeurs automobiles puisque ceux-ci ne cachent pas leur volonté d’encastrer automatiquement des boîtes noires dans leurs nouveaux modèles. Grâce aux nouvelles technologies, et notamment celle du Big Data qui permet d’analyser en temps réel des milliards de données, les constructeurs auto récolteront des tas de données sur nous. Données qu’ils exploiteront bien entendu pour leur seul profit. Les assureurs ne veulent donc pas être pris de court par l’industrie automobile.
Voilà pourquoi les assureurs sont aussi en compétition avec l’industrie automobile pour capter nos données: les données numériques sont devenues aujourd’hui le carburant des entreprises, le nouveau pétrole du 21e siècle. Bref, nous sommes devenus, qu’on le veuille ou non, de la chair à algorithmes. Nous sommes victimes de la plus grande extorsion de valeurs des temps modernes. Mais qui s’en rend vraiment compte ?
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