Liège veut taxer les caisses automatiques : un geste pour l’emploi ou un frein à l’innovation ?

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Emmanuel Coundouris Journaliste

La Ville de Liège prévoit de taxer chaque caisse automatique à hauteur de 519 euros dès 2026. Une mesure présentée comme un soutien au commerce de proximité et à l’emploi, mais que le secteur juge à la fois injustifiée et contre-productive.

Les caisses automatiques pourraient bientôt coûter plus cher aux supermarchés liégeois.Le collège communal de Liège se prononce ce lundi sur l’instauration d’une taxe annuelle de 519 euros par appareil, applicable dès l’an prochain. Pour Carine Clotuche, échevine des Finances (Les Engagés), l’objectif est clair : « Stimuler le commerce de proximité et préserver l’emploi. »

Une taxe “symbolique” pour freiner l’automatisation ?

La taxe viserait à décourager l’installation de bornes automatiques dans les grandes surfaces, souvent perçues comme des concurrentes directes des petits commerces.
Mais du côté du secteur, la réaction est immédiate.

Pour Lora Nivesse, directrice politique chez Comeos, la fédération du commerce et des services, la mesure envoie « un très mauvais signal ». « Le commerce souffre terriblement, nos marges sont en baisse. On attend des pouvoirs publics qu’ils nous soutiennent, pas qu’ils nous taxent encore », déplore-t-elle.

Selon Comeos, l’automatisation n’a pas détruit d’emplois dans la distribution. « Les caisses automatiques n’ont pas remplacé les employés, elles se sont ajoutées à leurs tâches. Elles répondent surtout à une demande des consommateurs », insiste Nivesse, rappelant qu’une taxe similaire avait déjà été envisagée il y a deux ou trois ans, avant d’être annulée par la tutelle régionale, jugée « injustifiée et négative pour l’innovation ».

Les juristes doutent de la légalité

Sur le plan juridique, la mesure suscite également des réserves. Pour Thierry Litannie, avocat fiscaliste, cette nouvelle taxe « ne repose sur aucune base légale solide ».

« Remplacer une caissière par une machine n’engendre aucun coût supplémentaire pour la commune. Il s’agit donc d’une taxe arbitraire », explique-t-il. Il rappelle aussi que les grandes surfaces sont déjà soumises à une série de taxes communales : sur les parkings, les surfaces commerciales ou encore l’environnement. « La multiplication de ces taxes crée une situation intolérable et injustifiée sur le plan du principe. »

Entre emploi local et attractivité économique

La Ville de Liège défend cependant une approche « équilibrée » visant à protéger l’emploi local. Pour Carine Clotuche, cette taxe s’inscrit dans une politique plus large de soutien au commerce de proximité : « C’est une taxe intéressante, car elle protège nos commerces de proximité tout en préservant l’emploi. »

Reste à voir si la mesure résistera à l’épreuve du droit… et de l’économie. En 2022 déjà, plusieurs communes wallonnes avaient tenté d’imposer des taxes similaires, sans succès. Si Liège persiste, elle pourrait bien ouvrir un nouveau front dans le débat entre fiscalité locale, innovation technologique et emploi.

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